o Annulation différée de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature des Iota

Si des travaux de renaturation suppriment un seuil ou une digue, ils doivent être soumis à autorisation.

Outre de nombreuses autres dispositions, le décret n2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l’eau a notamment fusionné, dans son article 3, deux rubriques de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) soumis à autorisation ou à déclaration au titre de la police de l’eau, et en a créé une troisième.

La création de cette nouvelle rubrique, ainsi que l’arrêté du même jour qui en précisait les prescriptions, sont attaqués pour excès de pouvoir par le syndicat France Hydro-Électricité, la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins, la Fédération des moulins de France, l’Association des riverains de France, l’association Hydrauxois et l’Union des étangs de France. Cette dernière association conteste également la fusion des deux autres rubriques en une seule, parce qu’elle a fait disparaître une disposition qui lui était favorable, à savoir la possibilité de vidanger une pisciculture extensive sans aucune formalité.

Sur ce dernier point, le Conseil d’État répond aux trois moyens soulevés par l’Union des étangs de France. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que, si les étangs piscicoles sont susceptibles d’avoir des effets bénéfiques, « ils présentent également des risques d’altération de la quantité et de la qualité des eaux qui justifient qu’ils soient intégrés à la nomenclature relative aux plans d’eau ».

En deuxième lieu, les dispositions du f) de l’article 3 du décret attaqué se fondent sur les risques pouvant résulter pour l’environnement de la vidange des plans d’eau, « et n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux droits reconnus par les articles 641 et 642 du code civil, qui disposent respectivement que tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds, et qu’il dispose librement des sources existant dans ce fonds ». Elles ne sont donc pas contraires au droit de propriété.

Il est légitime de réglementer la vidange des étangs piscicoles

Enfin, et en troisième lieu, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient le droit européen et la liberté d’entreprendre « ne sont pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ». Par conséquent, l’Union des étangs de France n’est pas fondée à demander l’annulation des dispositions du f) de l’article 3 du décret qu’elle attaque.

En revanche, au sujet de la nouvelle rubrique 3.3.5.0, qui soumet seulement à déclaration les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, le Conseil d’État peut se contenter d’analyser un des moyens présentés par les requérants, sans déballer les autres. Il résulte de l’article L. 214-3 du code de l’environnement que les Iota susceptibles de présenter des risques pour la santé et la sécurité publiques, ou d’accroître notablement le risque d’inondation, doivent être soumis à autorisation.

Le ministre de la transition écologique a soutenu devant le juge administratif suprême que la création de cette nouvelle rubrique et sa soumission au seul régime de la déclaration ont été prévues « pour répondre à l’objectif de simplifier la procédure pour des projets favorables à la protection [des milieux aquatiques], au renouvellement de la biodiversité et au rétablissement de la continuité écologique dans les bassins hydrographiques ». Fort bien, mais « il ressort des pièces du dossier que certains de ces travaux, notamment quand ils ont pour objet l’arasement des digues et des barrages […], sont susceptibles, par nature, de présenter des dangers pour la sécurité publique ou d’accroître le risque d’inondation.

Prendre en compte les risques spécifiques à chaque opération

« Par suite, en soumettant à déclaration tous les travaux ayant pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, indépendamment des risques et dangers qu’ils sont susceptibles de présenter, les dispositions du h) de l’article 3 du décret attaqué méconnaissent l’article L. 214-3 du code de l’environnement.

« Les requérants sont dès lors fondés, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, à en demander l’annulation, ainsi que l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêté attaqué du 30 juin 2020. »

Au grand déplaisir des requérants

Toutefois, le Conseil d’État délivre à cette occasion un petit cours de procédure administrative, et en tire une conclusion qui a dû déplaire fortement aux requérants : « L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu.

« Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison, tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif […] de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation.

Report exceptionnel de la date d’annulation

« Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé, à titre exceptionnel, au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine. »

Ayant ainsi préparé sa décision, le juge estime que l’annulation rétroactive des dispositions jugées fautives aurait des « conséquences manifestement excessives […], en raison notamment de l’intérêt général qui s’attache au maintien des travaux qui ont fait l’objet d’une déclaration en application de ces dispositions ou dont la demande de déclaration est en cours d’instruction ».

Par conséquent, il diffère l’effet de cette annulation au 1er mars 2023, ce qui laissera à l’autorité réglementaire le temps de corriger son erreur. Et dans la même optique, il décide que, « sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets des dispositions litigieuses doivent être regardés comme définitifs ». Au final, les requérants n’ont quasiment rien gagné, et surtout rien de durable.

CE, 31 oct. 2022, nos 443683, 443684 et 448250 (JO 5 nov. 2022, texte n40).

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