o Approbation et évaluation environnementale du Sdage de Corse

Si cette nouvelle édition du Sdage est appliquée comme prévu, la Corse pourrait atteindre en 2027 un taux proche de 100 % de masses d’eau en bon état, ce qui serait unique en Europe.

Ce n’est pas dans le Journal officiel que vous pourrez lire l’intégralité du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) de Corse pour les années 2022 à 2027, car ce document serait trop volumineux pour cela. Il vous faudra aller sur www.corse.eaufrance.fr où vous pourrez le télécharger. Le présent avis ne porte que sur la délibération de l’Assemblée de Corse qui approuve cette révision du Sdage, et sur la déclaration environnementale qui l’accompagne.

La procédure applicable au Sdage de Corse est unique : il faut bien distinguer son adoption, qui a été votée le 3 décembre 2021 par le comité de bassin Corse, sa présente approbation par l’Assemblée de Corse, intervenue deux semaines après, et son application, qui incombera au président du conseil exécutif de Corse. En temps normal, le préfet est seulement consulté à différentes étapes de la procédure ; il ne reprend la main qu’en cas de blocage persistant.

Motivation des choix opérés par le Sdage

La déclaration environnementale, prévue à l’article L. 122-9 du code de l’environnement, résume la manière dont il a été tenu compte du rapport environnemental et des consultations réalisées durant l’élaboration du Sdage, les motifs qui ont fondé les choix opérés par le Sdage, compte tenu des diverses solutions envisagées, et les mesures destinées à évaluer les incidences sur l’environnement de l’application du Sdage.

La réalisation de l’évaluation environnementale a été conduite conjointement à l’élaboration du projet de Sdage entre septembre 2019 et décembre 2021. Ce mode de fonctionnement a permis l’intégration progressive, dans la rédaction du Sdage, des remarques portant sur les incidences potentiellement négatives du projet sur l’environnement.

Le rapport d’évaluation environnementale a été présenté le 7 octobre 2020 au comité de bassin, en même temps que le projet de Sdage. Après adoption par le comité de bassin, les deux documents ont été soumis pour avis à la formation d’autorité environnementale (Ae) du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ils ont ensuite fait l’objet d’une phase de consultation des assemblées et du public.

L’évaluation montre l’impact largement positif du Sdage sur les différentes composantes de l’environnement ; c’est logique, compte tenu de son objet. Les six orientations fondamentales du Sdage comprennent 83 dispositions et 544 incidences sur les composantes de l’environnement, dont 503 sont positives, soit 92,5 %. Les composantes qui bénéficient le plus du Sdage sont celles liées à la ressource en eau, aux milieux naturels et à la biodiversité, aux continuités écologiques, aux risques naturels et technologiques et à la santé humaine.

Quelques incidences potentiellement négatives

Le rapport environnemental met toutefois en avant quelques incidences potentiellement négatives sur les composantes air, énergie, changement climatique, patrimoine lié à l’eau, paysage et milieu naturel. Au total, 16 des 83 dispositions sont concernées par ces incidences potentiellement négatives. Toutefois, une part importante des effets identifiés sont jugés incertains, car la nature, la localisation et les modalités des travaux ne sont pas précisément connues.

Sur le volet air, énergie et changement climatique, plusieurs dispositions pourraient induire le développement d’infrastructures ou le déploiement de nouvelles technologies de nature à générer une hausse des consommations d’énergie. Les objectifs de préservation et de restauration des continuités écologiques des cours d’eau peuvent par ailleurs contraindre le développement de l’hydroélectricité et donc avoir une incidence négative sur la production d’énergies renouvelables.

Sur le volet paysage et patrimoine, certaines dispositions sont susceptibles d’entraîner la création d’ouvrages qui pourraient impacter négativement le contexte paysager. De plus, la restauration de la continuité écologique dans certains secteurs et les actions de reconquête des espaces de bon fonctionnement pourraient entraîner la modification de certains ouvrages liés à l’eau ayant un intérêt paysager ou patrimonial, voire leur arasement.

Sur le volet milieux naturels et biodiversité, certaines dispositions pourraient conduire à la création d’ouvrages ou à des travaux susceptibles d’impacter la faune et la flore. Toutefois, le cadre réglementaire et les principes inscrits dans le Sdage limitent significativement les risques d’effets négatifs importants.

Création de ressources de substitution

Concernant les continuités écologiques, une disposition qui a pour but de sécuriser l’alimentation en eau par la création de ressources de substitution peut avoir un effet inverse de cloisonnement du milieu si l’ouvrage créé est un barrage. Elle présente donc un impact négatif potentiel sur cet enjeu. Cet impact est toutefois à nuancer car ces projets font déjà l’objet d’un cadre réglementaire bien défini. De plus, une autre disposition prévoit que les projets d’ouvrages doivent analyser les solutions d’évitement et de réduction des impacts selon le principe « éviter, réduire, compenser » (ERC).

Concernant les risques naturels, la disposition relative à la restauration de la continuité écologique des milieux aquatiques peut, dans certains cas, accroître le risque d’inondation au droit des ouvrages transversaux faisant l’objet de mesures d’effacement. Cependant, l’analyse de l’incidence des effacements d’ouvrages sur le risque d’inondation fait déjà l’objet d’études réglementaires.

En ce qui concerne la santé humaine, une disposition pourrait dégrader la qualité du cadre de vie des populations : en prévoyant le report de l’extraction de matériaux en roche massive, à la place des sites alluvionnaires, elle expose en effet potentiellement des populations à certains effets négatifs : émission de bruits, de vibrations, de poussières, etc. Toutefois, cet effet demeure incertain car il dépendra du type de projet mis en œuvre.

Maîtriser la gestion des matières de vidange

Enfin, concernant les déchets, une disposition, qui recommande d’optimiser les systèmes de traitement des eaux usées et de promouvoir l’assainissement non collectif, pourrait avoir un effet incertain voire indirectement négatif sur les déchets si la gestion des matières de vidange est mal maîtrisée.

Ces incidences potentiellement négatives ont été identifiées par l’évaluation environnementale pendant la rédaction du projet de Sdage. Elles sont par conséquent encadrées au sein même du document. Celui-ci propose notamment plusieurs mesures ou recommandations qui visent à assurer que les projets intègrent les enjeux environnementaux : références à la démarche ERC qui s’impose aux projets, références aux démarches réglementaires imposées par la législation sur l’eau, etc. Ces éléments de vigilance et de précaution sont mis en avant à plusieurs reprises dans le rapport environnemental.

Par son objet même, le Sdage est un document en faveur de la protection de l’environnement. Cet objectif intrinsèque est souligné dans l’avis de l’Ae qui a souhaité que soit renforcé le bilan opérationnel des freins à la mise en œuvre du précédent Sdage, et que l’analyse soit enrichie des éléments visant à démontrer que les évolutions du Sdage ou du programme de mesures sont de nature à renforcer l’efficacité du schéma pour atteindre les objectifs fixés par masse d’eau et limiter le risque de dégradation.

L’Ae a également mis l’accent sur le fait que la réussite du Sdage repose sur la prise en compte de ses dispositions dans les démarches locales de gestion de l’eau et sur sa déclinaison dans les documents d’urbanisme.

Face à ce constat, elle a recommandé de conduire une analyse plus poussée de la compatibilité du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) avec le Sdage en s’intéressant à l’ensemble de ses objectifs. Elle a aussi conseillé de préciser les moyens d’accompagnement nécessaires à l’émergence de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) et de s’assurer que leur calendrier de mise en place sera compatible avec les échéances fixées pour atteindre l’objectif de bon état des masses d’eau.

Elle a enfin recommandé de renforcer les dispositions du Sdage visant à préserver ou à restaurer les milieux marins et littoraux, et de renforcer les moyens nécessaires pour accélérer la mise en place de plans locaux d’urbanisme communaux (PLU) ou intercommunaux (PLUi), essentiels pour décliner au niveau territorial les ambitions environnementales du Sdage.

Les remarques de l’Ae sur le projet de Sdage et sur son évaluation environnementale ont été intégralement traitées. En fonction de leur nature, elles sont intégrées au Sdage ou à l’un des documents qui l’accompagnent, afin d’assurer leur prise en compte de la façon la plus pertinente.

65 réponses lors de la consultation du public

La consultation du public, portant sur plusieurs étapes de la procédure, comportait un questionnaire qui a obtenu 65 réponses complètes. Elles ont insisté sur la nécessité de réaliser des actions concrètes et efficaces dans l’intérêt des milieux aquatiques, au-delà de la question de l’eau potable, et avec un partage équitable des efforts. Sans remettre en cause l’ambition du Sdage, elles ont demandé qu’il soit plus facile à appliquer.

De même, si le cadre intercommunal n’est pas contesté d’une manière générale, c’est la commune qui est plébiscitée par le public comme le cadre de gestion des cours d’eau, à rebours de l’évolution globale de la politique française de l’eau. Les réponses ont aussi proposé des modalités originales d’information et de communication sur le futur Sdage.

Plus intéressantes ont été les deux consultations des assemblées et des partenaires institutionnels. Les réponses à la première ont insisté sur la nécessité de concertation et sur la résolution concrète des problèmes. Ainsi les thèmes du stockage de l’eau, de l’entretien des réseaux ou de l’utilisation de techniques agricoles moins consommatrices sont souvent cités et détaillés. La maîtrise de l’urbanisation est évoquée à plusieurs reprises, notamment pour la lutte contre les inondations. Quelques avis demandent un renforcement des contrôles et la sanction des abus.

Lors de la seconde consultation, 95 observations ont été formulées, dont la majorité ne relevaient pas du Sdage. Les autres se sont traduites par des ajustements dans la rédaction des orientations fondamentales et des objectifs environnementaux.

Dégager des moyens à la hauteur des ambitions

Les remarques les plus importantes concernent la volonté d’inscrire l’eau dans une démarche globale de développement en prenant mieux en compte les relations entre la politique de l’eau et l’aménagement du territoire ou le tourisme, notamment sur le littoral, et insistent sur la nécessité de dégager des moyens à la hauteur des ambitions de Sdage.

La seule orientation fondamentale qui a été modifiée sur le fond est celle qui concerne la préservation et la restauration des milieux aquatiques, en particulier sur les zones humides et sur les milieux marins. C’est ainsi qu’une disposition a été complétée pour souligner l’intérêt de maintenir la connectivité entre la mer et les lagunes littorales et pour intégrer ces lagunes aux zones humides. Une autre a été remaniée pour clarifier les préconisations de prise en compte de l’espace humide de référence, nouvellement cartographié, par les porteurs de projets et les documents d’urbanisme.

En outre, concernant les milieux marins et les écosystèmes littoraux, une nouvelle disposition demande la limitation de l’impact des nouveaux systèmes d’épuration des gaz d’échappement par lavage des fumées, dont les navires s’équipent.

Une autre précise que l’autorité chargée de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) peut, si elle le souhaite, prendre en charge la gestion du trait de côte. Enfin, la masse d’eau constituée par le goulet de Bonifacio a été classée en masse d’eau fortement modifiée, puisqu’elle présente un taux d’artificialisation de 41 %, supérieur au seuil de 33 % retenu pour classer dans cette catégorie les masses d’eau côtières.

La présente révision du Sdage de Corse s’est notamment fondée sur le retour d’expérience du précédent Sdage et sur l’analyse des freins identifiés. Les orientations de la version précédente ont été ajustées et complétées pour poursuivre la préservation et la restauration des écosystèmes. L’accent a été mis sur le rôle des espaces de bon fonctionnement et sur la Gemapi, en tant qu’outils pertinents pour favoriser la restauration physique des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

Préserver la résilience des écosystèmes

En matière de changement climatique, sujet essentiel en Corse, le Sdage a prévu de rendre opposable le plan de bassin d’adaptation au changement climatique (PBACC) adopté en 2018. Il en réaffirme les grands principes qui doivent guider les actions : remettre l’eau au cœur des décisions publiques, réduire les causes de vulnérabilité, lutter contre le gaspillage d’eau, anticiper et suivre les changements. Pour être durable, la gestion de l’eau devra permettre de préserver la résilience des écosystèmes.

Cette sensibilité nouvelle s’est traduite par l’ajout d’une orientation fondamentale sur le changement climatique, qui présente l’originalité d’être transversale : elle se décline dans toutes les autres orientations et dispositions du Sdage, notamment en ce qui concerne la gestion quantitative, qui reposera sur l’élaboration de PTGE dans les secteurs prioritaires, afin de définir en concertation des règles de partage entre les besoins des milieux et les différents usages.

En matière de préservation et de restauration des milieux aquatiques, humides et littoraux, l’orientation fondamentale insiste sur la nécessité de respecter exactement la séquence ERC et de privilégier les solutions fondées sur la nature. Elle intègre aussi des outils qui n’existaient pas encore lors de la préparation du précédent Sdage : la Gemapi, le Padduc et sa trame verte et bleue, et le document stratégique de façade de la Méditerranée, avec sa stratégie sur les mouillages.

Viser 100 % des masses d’eau en bon état en 2027

Même si la Gemapi et la gestion de l’eau potable et de l’assainissement sont ou seront de la compétence des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP), le Sdage révisé insiste sur l’importance du bassin versant, en tant qu’échelle pertinente pour définir les actions de gestion globale des milieux aquatiques. Les EPCI-FP sont donc invités à privilégier la concertation dans ces domaines. L’ensemble de ces orientations et dispositions vise à permettre d’atteindre, en 2027, un objectif de bon état pour près de 100 % des masses d’eau de la Corse, ce qui sera sans doute unique dans l’ensemble de l’Union européenne.

Pour évaluer les incidences du Sdage sur l’environnement, un programme de surveillance de l’état des eaux a été mis en place, comme le demande la directive-cadre sur l’eau, ainsi qu’un tableau de bord composé d’indicateurs qui permettent de suivre, non seulement l’évolution de l’état des milieux et des pressions qui s’y exercent, mais aussi l’efficacité des actions et des moyens mis en œuvre par les acteurs de l’eau.

Ce tableau de bord sera actualisé cette année. Il comportera de nouveaux indicateurs, définis en fonction des principaux impacts potentiels négatifs du Sdage :

production des petites centrales hydroélectriques,

part de la puissance hydroélectrique par rapport aux objectifs 2030,

nombre de PTGE mis en place,

nombre de plans de gestion optimisée de la ressource en eau souterraine,

indicateurs de suivi de la stratégie d’adaptation au changement climatique,

nombre d’ouvrages à valeur patrimoniale modifiés ou effacés lors de projets de restauration des cours d’eau,

superficie de carrières passée d’extraction en lit majeur à extraction en roche massive,

volume de déchets d’assainissement en capacité d’être traités ou dépollués,

pourcentage des déchets d’assainissement en capacité d’être traités ou dépollués.

Inclure des clauses environnementales

Des points de vigilance ont aussi été formulés, afin de faciliter la prise en compte des enjeux environnementaux non directement liés à l’eau :

inclure des clauses environnementales avant financement afin d’assurer une intégration environnementale des aménagements dès les études de conception,

réaliser une analyse multicritères des technologies ou pratiques expérimentées afin de garantir qu’elles ne présentent pas d’effets indésirables cachés,

réaliser un bilan énergétique précis et actualisé afin de préciser les compromis éventuels et, le cas échéant, de mettre en avant les productions supplémentaires d’énergie compatibles avec le Sdage, en particulier pour l’hydroélectricité en fonction de la diminution des débits,

réaliser une analyse préliminaire multicritères d’ouvrages en concertation avec les propriétaires, afin d’étudier les impacts sur l’ensemble des composantes et de trouver des solutions satisfaisantes pour les propriétaires, les usagers et les milieux aquatiques,

développer des unités de collecte, de stockage et de traitement des matières de vidange des systèmes d’assainissement dans le respect de la démarche ERC,

analyser autant que possible des solutions basées sur la nature dans le cadre des actions de gestion sédimentaire,

limiter au maximum les ouvrages en lit mineur.

Avis relatif à la délibération n21/236 AC du 17 décembre 2021 de l’assemblée de Corse portant approbation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de Corse 2022-2027 (JO 15 févr. 2022, texte n84).

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