o Classification des masses d’eau

Avec l'entrée en vigueur des nouveaux Sdage, il faut vérifier si les masses d’eau sont toujours classées dans leur bonne catégorie. Le présent arrêté s’attache en particulier aux départements d’outre-mer.

Dans les réglementations techniques, les annexes sont souvent beaucoup plus longues que le texte principal. C’est le cas de l’arrêté du 12 janvier 2010 relatif aux méthodes et aux critères à mettre en œuvre pour délimiter et classer les masses d’eau et dresser l’état des lieux prévu à l’article R. 212-3 du code de l’environnement. Cette classification est la première étape à franchir pour appliquer la directive-cadre sur l’eau (DCE).

Ce texte avait été modifié à la marge par un arrêté du 11 avril 2014. Il l’est de nouveau par le présent texte, qui ne modifie que deux articles de l’arrêté lui-même, mais qui retouche plus largement ses annexes. Le premier article concerné est l’article 9, qui porte sur les masses d’eau de surface artificielles (MEA) ou fortement modifiées (MEFM), telles qu’elles sont identifiées dans l’état des lieux prévu par l’article R. 212-3 du code de l’environnement.

Masses d’eau artificielles ou fortement modifiées

Désormais, cet état des lieux identifie les masses d’eau qui étaient déjà des MEA ou des MEFM dans le cycle de gestion précédent, celles qui sont susceptibles d’être désignées comme MEA ou MEFM alors qu’elles ne l’étaient pas dans le cycle précédent, et celles qui sont susceptibles de ne plus respecter les conditions fixées pour rester désignées comme MEA ou MEFM. L’annexe 5 du présent texte précise toujours la méthode et les critères à utiliser pour ces désignations.

Le second article modifié par le présent texte est l’article 10, qui faisait l’objet de l’arrêté modificatif du 11 avril 2014. Et c’est précisément cette modification qui est à nouveau modifiée. En vertu de cet article, l’analyse des incidences des activités humaines sur l’état des eaux comporte, pour les eaux de surface, des informations sur le type et l’ampleur des pressions significatives auxquelles les masses d’eau de surface peuvent être soumises.

Parmi ces informations figure, avec éventuellement des cartes, un inventaire des émissions, des rejets et des pertes de polluants spécifiques de l’état écologique et des substances de l’état chimique définies dans l’arrêté du 25 janvier 2010 correspondant. Pour réaliser ou actualiser cet inventaire, les valeurs de référence sont celles de l’année précédant celle de l’achèvement de l’analyse des incidences des activités humaines sur l’état des eaux.

Émissions et rejets de produits phytopharmaceutiques

Toutefois, pour les substances couvertes par le règlement (CE) n1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, les données peuvent être calculées en tant que moyenne des trois années précédentes. Et pour les substances interdites, les données relatives à la première année d’interdiction doivent être prises en compte pour la substance interdite et pour les substances de substitution si elles sont connues.

L’annexe 1 porte sur la typologie des masses d’eau cours d’eau. Parmi les modifications, on note d’abord des explications beaucoup plus détaillées dans le point I.1.b, qui permet de déterminer les classes de taille des cours d’eau métropolitains : l’évolution longitudinale des cours d’eau est traduite par l’utilisation de l’ordination de Strahler. Cette ordination est le rang d’un cours d’eau déterminé d’après la méthode de Strahler, méthode communément retenue car simple à appliquer.

3 + 3 = 4, mais 3 + 2 = 3

Dans cette méthode, les cours d’eau issus d’une source sont notés de rang 1, puis chaque fois que deux tronçons de même ordre confluent, ils forment un tronçon d’ordre supérieur (3 + 3 = 4) ; tandis qu’un cours d’eau qui reçoit un affluent d’ordre inférieur conserve le même ordre (3 + 2 = 3). Cette ordination permet de prendre en compte les différences significatives de dimension au niveau des confluences principales. Ainsi, les cours d’eau sont ordonnés en classes de taille, adaptées et parfois regroupées en fonction des caractéristiques locales de l’évolution longitudinale des écosystèmes.

On notera aussi une petite différence dans la liste des types des masses d’eau cours d’eau, avec leur codification, qui figure dans le tableau I.2 : le type Très très grand fleuve alpin (TTGA) est divisé en deux, le Rhône en amont de sa confluence avec la Saône, ou le Rhin (TTGA1) et le Rhône à l’aval de sa confluence avec la Saône (TTGA2).

Concernant la méthode de classement par types des masses d’eau cours d’eau des bassins d’outre-mer, le point II.1 précise que cette méthodologie, analogue à celle de la métropole sous réserve d’adaptations locales, a été appliquée à tous les bassins d’outre-mer, sauf Mayotte, qui bénéficie d’un calendrier décalé pour l’application de la DCE. Par conséquent, Mayotte ne dispose pas encore d’une typologie de cours d’eau.

Dans le tableau II.2, équivalent pour l’outre-mer au tableau I.2 de métropole mentionné ci-dessus, on notera l’apparition d’un type pour les cours d’eau de Grande Terre et des autres îles de la Guadeloupe, à l’exception de Basse Terre (code MP32). Deux nouveaux types sont également ajoutés pour la Réunion : Cours d’eau des formations volcanique récentes (MP65) et Cours d’eau des versants nord intermédiaires (MP66).

Origine naturelle ou anthropique d’un plan d’eau

L’annexe 2, qui détaille la typologie des masses d’eau plans d’eau, est largement réécrite et complétée, en particulier par l’ajout ou la modification de certains concepts. Cette typologie est fondée sur l’origine naturelle ou anthropique des plans d’eau et sur les cinq critères typologiques du système de classification A, défini à l’annexe II de la DCE : l’écorégion, l’altitude, la profondeur moyenne, la dimension basée sur la surface et la géologie définie au travers de l’alcalinité. Le nombre de types a été réduit par des regroupements entre certains types proches, grâce à la connaissance du fonctionnement des écosystèmes lacustres.

L’origine naturelle ou anthropique d’un plan d’eau influe sur son fonctionnement écologique ; c’est une notion indépendante de celle de MEA ou de MEFM. Ainsi, dans le cadre de cette annexe, un plan d’eau d’origine naturelle est défini comme un plan d’eau non induit ou faiblement modifié par un ouvrage et non induit par la dynamique fluviale. Il s’agit d’une cuvette naturelle ou faiblement modifiée, d’origine glaciaire, volcanique, tectonique ou de glissement, avec retour possible à une situation naturelle.

Quant aux plans d’eau d’origine anthropique, il y en a de trois sortes : une retenue dont la hauteur du barrage est importante par rapport à la largeur du cours d’eau et dont le temps de renouvellement de l’eau est important ; ou une retenue qui conduit à une modification du régime hydrologique en aval ; ou un plan d’eau obtenu par creusement ou aménagement d’une digue transversale ou d’un petit barrage sur un thalweg ou sur un cours d’eau de rang faible.

Situation géographique, altitude et superficie

Après son origine, un plan d’eau est classé en fonction de sa situation géographique dans l’une ou l’autre des écorégions définies à l’annexe XI de la DCE. Pour simplifier, la présente typologie regroupe les écorégions 8 et 13 en une seule, appelée « central-baltique », ainsi que les écorégions 2 et 4, soit les Pyrénées et les Alpes, en une autre. Viennent ensuite l’altitude, avec deux seuils à 200 m et à 800 m, la profondeur moyenne, avec deux seuils à 3 m et à 15 m, et la dimension, c’est-à-dire la surface du plan d’eau, avec quatre seuils, le plus petit étant 0,5 km2 et le plus grand, 100 km2.

Quant à la typologie géologique, elle est fondée sur l’alcalinité du substrat, avec trois classes pour les plans d’eau d’origine naturelle : silicieux en-dessous de 0,2 mEq/l, calcaire au-dessus de 1 mEq/l, et alcalinité moyenne entre les deux. Pour les plans d’eau d’origine anthropique, il y a deux classes : silicieux jusqu’à 1 mEq/l, calcaire au-delà.

Il résulte de tout cela 24 types pour les plans d’eau d’origine naturelle, de L1 à L24, et 53 types pour les plans d’eau d’origine anthropique, de R1 à R53. Par exemple, le type L23 est intitulé Lac de plaine méditerranéen, petit, peu profond, calcaire ; et le type R53 est intitulé Retenue en Guyane.

Masses d’eau littorale des départements d’outre-mer

L’annexe 3 détaille la typologie des masses d’eau littorale. Elle a été complétée par l’ajout des bassins d’outre-mer. Ainsi, pour les eaux de transition, deux étangs côtiers de la Réunion sont considérés comme des masses d’eau de transition entre le milieu continental et le milieu marin : les étangs littoraux du Gol et de Saint-Paul. Ils témoignent d’une salinité élevée issue d’intrusions salines d’origine océanique et d’une faune pouvant être d’eau douce et d’eau salée.

En Martinique, il y a une seule masse d’eau de transition : l’étang des Salines, une lagune regroupant à la fois un étang, des forêts littorales, des salines et de la mangrove, le tout séparé de la mer par un cordon sableux. En revanche, en Guyane, il y en a 29, réparties en deux typologies distinctes : Estuaire à fort débit du système amazonien (T14) et Estuaire à débit plus faible du système amazonien (T17).

Pour les masses d’eau côtières d’outre-mer, le classement est beaucoup plus complexe, même s’il est plus simple que celui de métropole qui n’a pas été modifié par le présent texte. Ainsi, à la Réunion, il y a cinq types, classés en fonction de cinq critères. À Mayotte, il y en a huit, classés en fonction de six critères. En Martinique, les 19 masses d’eau côtières ont été réparties en sept types, en fonction du type de littoral et de l’exposition aux houles. En Guadeloupe, il y a 11 masses d’eau côtières, réparties en six types différents en fonction des mêmes critères. Et en Guyane, il n’y en a qu’une, totalement homogène.

L’annexe 4, sur la typologie des masses d’eau souterraine, a été reprise telle quelle, fautes d’orthographe comprises. En revanche, l’annexe 5 a été retouchée, dans la foulée de l’article 9 ; elle est désormais intitulée Méthode et critères pour l’identification prévisionnelle (ou pré-désignation) dans l’état des lieux des masses d’eau de surface artificielles et fortement modifiées. Elle présente les principes encadrant l’identification prévisionnelle, dans l’état des lieux, des masses d’eau ayant une forte probabilité d’être nouvellement désignées comme MEA ou MEFM dans le nouveau schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

L’état des lieux doit ainsi comporter une liste de masses d’eau, qui feront l’objet d’études permettant de confirmer leur caractère de MEA ou de MEFM. Le même processus doit être suivi en sens inverse à l’égard des MEA et des MEFM figurant dans l’état des lieux précédent et susceptibles d’être requalifiées en tant que masses d’eau naturelles. Là encore, des études doivent ensuite confirmer qu’elles ne respectent plus les critères ayant abouti à les classer en MEA ou en MEFM.

Quand il faut éviter de retrouver le bon état

Dans la même annexe est également modifié le paragraphe 5, qui porte sur les milieux anthropisés et à intérêt écologique reconnu : certaines masses d’eau, créées ou modifiées par l’homme, peuvent néanmoins présenter un intérêt écologique majeur reconnu, qui n’aurait pas été observé dans des conditions non anthropisées.

Si l’on s’efforçait de les restaurer pour atteindre le bon état écologique, cela aurait un impact négatif sur l’environnement au sens large, en l’occurrence sur l’intérêt écologique de la masse d’eau elle-même. On peut alors désigner ces masses d’eau comme fortement modifiées, à condition de fournir un argumentaire adapté, centré sur la justification de l’intérêt écologique de la masse d’eau concernée et de de son lien avec son caractère fortement modifié.

Arrêté du 19 avril 2022 modifiant l’arrêté du 12 janvier 2010 relatif aux méthodes et aux critères à mettre en œuvre pour délimiter et classer les masses d’eau et dresser l’état des lieux prévu à l’article R. 212-3 du code de l’environnement (JO 11 mai 2022, texte n2).

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