o Comment débloquer les PTGE

Les préfets devront servir de moteurs d’appoint pour accélérer les projets de territoire pour la gestion de l’eau. Si nécessaire, ils devront faire pression pour les faire aboutir dans un délai de deux ans, à condition toutefois que les travaux préparatoires aient été fondés sur la concertation entre toutes les parties prenantes et sur la recherche prioritaire des économies d’eau.

Si l’on en croit le présent texte des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, « l’objectif des Assises de l’eau [de 2019] de faire aboutir 50 projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) d’ici à 2022 est désormais atteint ». On ne sait pas exactement ce que les ministres entendent par « faire aboutir » car, sur les 156 ouvrages de stockage ou de transfert figurant dans ces projets, 62 font l’objet d’un recours contentieux et 14 ont déjà été annulés.

La principale incertitude ne porte toutefois pas sur les PTGE déjà adoptés, même s’ils ne sont pas tous entrés en vigueur, mais ceux qui sont en cours de concertation ou en préparation, et qu’il conviendrait de boucler pour atteindre l’objectif de 100 projets d’ici à 2027.

Les projets suivants sont plus difficiles à élaborer

Car ce sont évidemment les plus consensuels ou les mieux préparés qui sont passés en premier, et les autres sont beaucoup plus compliqués à élaborer. On a pu le constater en lisant le rapport rendu en mai dernier par une mission conjointe des organes d’inspection de ces deux ministères.

Un paragraphe résume très bien la situation observée par les rapporteurs : « La mission constate que les difficultés rencontrées sur le terrain trouvent très souvent leur origine dans un déficit de méthode, de dialogue et d’écoute mutuelle, les situations les plus tendues pouvant prendre une tournure conflictuelle et contentieuse. L’approche de la gestion locale de la ressource et des usages de l’eau est souvent compartimentée et lacunaire, alors qu’elle devrait être systémique et globale, et à ce titre intégrer les interactions entre les usagers et l’ensemble des ressources naturelles. »

On constate souvent qu’une esquisse de PTGE n’est que le rhabillage d’un projet d’augmentation des prélèvements dans la ressource au profit du secteur agricole, qui tente de voir le jour depuis plusieurs années, cependant que les autres acteurs de l’eau sont priés de laisser faire.

Avec un sens diplomatique très affûté, le présent texte préfère viser à « lever les difficultés rencontrées sur certains territoires ». Et il donne des pistes pour cela, en demandant aux préfets, aux services déconcentrés de l’État et aux agences de l’eau de retrousser leurs manches. Il se présente comme un complément d’une précédente instruction du 7 mai 2019.

Pour chaque projet de PTGE, le préfet coordonnateur de bassin doit donc désigner un préfet de département référent, qui sera chargé de mieux coordonner les actions et l’appui apporté aux porteurs de projet par les services de l’État et la ou les agences de l’eau concernés. Le préfet référent doit aussi veiller à la composition du comité de pilotage, « qui doit refléter l’ensemble des usages et les enjeux de préservation et de restauration des milieux naturels […] et permettre l’expression équilibrée de l’ensemble des parties prenantes concernées dans le territoire visé ».

Être mandaté à s’engager pour la structure qu’on représente

Chaque personne siégeant dans ce comité doit être mandatée à s’engager pour la structure qu’elle représente. Les règles de prise de décision doivent être claires et respectées. En lien avec la structure porteuse du projet, les financeurs potentiels doivent être mobilisés au moment opportun afin de faire connaître leur vision du projet et les règles et conditions de leurs interventions financières, notamment pour l’irrigation.

En appui de la structure porteuse, le préfet référent veille au bon déroulement des différentes étapes de la démarche. Il s’assure que cette structure propose rapidement, sur la base des attentes des acteurs, une feuille de route formulant les objectifs et les principes de la démarche, avec un calendrier qui doit si possible tenir dans un délai de deux ans. Il valide cette feuille de route.

Il s’assure que le diagnostic réalisé par la structure porteuse comporte bien tous les éléments nécessaires : un état des lieux initial et prospectif de la ressource et des besoins de tous les usagers de l’eau (NDLR : y compris les besoins des milieux naturels ?), un rappel des volumes prélevables, la référence des volumes prélevés en période de basses eaux, et la surface irriguée de référence. Pour faciliter la réalisation de l’état des lieux et du diagnostic, il transmet à la structure porteuse un porter à connaissance initial de l’État, avec les données et les informations dont il dispose sur les ressources en eau et les usages ; il peut l’actualiser par la suite. Aussi souvent que nécessaire, il rappelle le cadre réglementaire en vigueur et les modalités d’intervention financière de l’État ou de ses établissements publics.

Le préfet référent rappellera la nécessité d’une démarche prospective sur l’évolution des usages en tenant compte du changement climatique, de l’évolution démographique, de l’installation éventuelle de nouveaux agriculteurs et du développement du tourisme. Il n’est pas question de s’en tenir à une projection des besoins qui résulteraient des usages actuels.

L’élaboration du programme d’actions repose sur la comparaison entre plusieurs scénarios. Il faut dans tous les cas les comparer à un scénario sans projet, qui décrit le devenir du territoire concerné en l’absence de PTGE. Ce scénario sans projet doit tenir compte des changements prévus ou prévisibles, et en particulier du durcissement des conditions de prélèvement en période de basses eaux, prévu par la réglementation.

Prendre en compte tous les leviers d’évolution

Chaque scénario doit faire l’objet d’une analyse économique et financière, afin d’éclairer le choix final du scénario le plus approprié et de permettre de valider le programme d’actions du PTGE. Le préfet référent veille à l’intégration de l’ensemble des leviers d’évolution, comme les économies d’eau, les changements de pratiques, l’utilisation des retenues existantes, les solutions fondées sur la nature et, le cas échéant, la réutilisation des eaux usées et la construction de nouveaux ouvrages de stockage ou de transfert.

La période d’élaboration du PTGE ne doit pas être vue comme gelant tout projet : des actions sans regret, qui sécurisent les usages ou atténuent les pressions, peuvent être engagées sans attendre la validation du scénario définitif et de son programme, si elles font l’objet d’un consensus des acteurs du territoire.

Le PTGE débouche sur un programme d’actions multi-partenarial, qui a vocation à comporter une diversité d’actions, dont certaines obligatoires d’économies d’eau : la réduction des fuites dans les réseaux d’alimentation en eau potable (NDLR : et dans les réseaux d’irrigation ?), les économies d’eau dans l’industrie, l’adaptation des pratiques agricoles, la transition agro-écologique, l’amélioration de la fonctionnalité des sols, le développement de nouvelles filières agricoles, le recours à des solutions fondées sur la nature, etc.

Tous les acteurs doivent donc signer le PTGE dans une logique contractuelle, et s’engager à réaliser leurs actions, soit en tant que maîtres d’ouvrage, soit en tant que financeurs dans la limite des moyens budgétaires disponibles et selon leurs règles de financement. Une fois ces engagements pris et le projet adopté par l’instance délibérante de la structure porteuse, le préfet coordonnateur de bassin approuve le PTGE, ce qui acte les engagements de l’État. Au préalable, il aura validé chaque étape du projet par courrier adressé au porteur du projet.

Une procédure pour lever les blocages persistants

En cas de blocage persistant dans les territoires où les prélèvements dépassent les ressources disponibles, et « sous réserve de la qualité de travaux menés depuis le lancement de la démarche », le préfet référent réunit les décideurs et les financeurs pour recueillir leurs avis sur les objectifs, le diagnostic et le calendrier du PTGE et pour définir si possible une position commune.

Il en retire un document formalisant les points d’accord et de désaccord, puis il « établit un dire de l’État, qui fixe les objectifs de gestion territoriale de l’eau », décrit les différents scénarios possibles et impose un calendrier d’approbation du PTGE dans un délai de deux ans, avec les volumes prélevables et les volumes des éventuels nouveaux ouvrages de stockage ou de transfert. Pour accompagner la structure porteuse durant cette période, il peut demander au préfet coordonnateur de bassin de solliciter l’appui d’une mission d’inspection dédiée.

Instruction du 17 janvier 2023 portant additif à l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau (NOR : TREL2236979J, mise en ligne le 30 janvier 2023).

NDLR : Les PTGE ne sont pas des outils réglementaires, puisqu’ils ne sont régis que par des instructions ministérielles, qui ne s’imposent pas aux personnes autres que l’État, sauf en matière fiscale.

Quant au « dire de l’État », objet textuel non identifié, il ne peut en aucun cas être confondu avec un arrêté, seul moyen pour le préfet d’imposer un calendrier d’approbation d’un PTGE et de déterminer des volumes prélevables et des volumes nouveaux à stocker.

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