Comment éviter d’autres contaminations comme celle par le chlordécone

La France saura-t-elle en tirer les leçons pour améliorer le traitement d’autres pollutions persistantes, comme les PFAS ?

Question de Catherine Procaccia, sénatrice (LR) du Val-de-Marne :

Après un premier rapport en 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) vient de faire le point sur la situation de la pollution par le chlordécone aux Antilles. En effet, bien que l’usage de cet insecticide soit interdit depuis trente ans, sa molécule persiste dans les sols et les eaux, contaminant les aliments et les hommes.

Si le rapport évoque le progrès des connaissances scientifiques et médicales, il constate une certaine inefficacité des plans chlordécone qui se sont succédé, ce qui explique la défiance et la colère des Antillais. Ce qui leur est arrivé doit servir de leçon à l’État pour gérer les pollutions que nous ne manquerons pas de découvrir, surtout celles qui persistent longtemps après l’interdiction d’une molécule. Une vision à long terme, s’appuyant sur la recherche et associant tous les acteurs, est dorénavant nécessaire.

Avez-vous mis au point une stratégie permettant de faire face à ces contaminations, une stratégie qui soit réfléchie et qui englobe les aspects sanitaires, économiques, environnementaux et sociaux ? Comment comptez-vous associer et informer clairement la population pour éviter le contre-modèle du chlordécone ?

Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Ce rapport parlementaire dont vous êtes l’auteure vient d’être publié, et nous n’avons pas encore fini d’en retirer tous les enseignements, notamment pour les autres situations du même type : un produit interdit, mais une pollution persistante. Vous avez pointé du doigt les impacts sur la santé, les dégâts du manque de transparence et la nécessité de la prévention et de l’anticipation. En ce qui concerne la transparence, un site internet géré par mon ministère, InfoSols, recense depuis deux ans toutes les pollutions existantes, et il est mis à jour de manière régulière.

Les secteurs d’information sur les sols (SIS), qui sont adossés aux parcelles, permettent déjà à des personnes acquérant une propriété de mesurer toutes les pollutions recensées sur le site. Et la Commission européenne prépare une proposition de directive sur la santé des sols, avec le soutien de la France.

Nous allons pouvoir nous entraîner sur un cas pratique : les per- et polyfluoroalkylés (PFAS), surnommés les polluants éternels car ils sont extrêmement persistants. Un plan d’action publié en janvier dernier par mon ministère a mis l’accent sur la nécessité de connaître l’existant, de recenser et d’améliorer les informations, ou encore de mesurer les endroits où il y a potentiellement des problèmes pour la santé. Là aussi, une action européenne est en préparation avec d’autres pays. En effet, chacun comprend les limites d’une réglementation ou d’une action mises en place par un seul pays, puisque les molécules franchissent évidemment nos frontières au travers de produits agricoles ou industriels.

Réplique de Catherine Procaccia :

J’ai pris connaissance de votre plan d’action sur les PFAS, mais il donne la priorité au préventif sur le curatif. Or, parmi les défauts que nous avons mis en avant dans la gestion du dossier du chlordécone, nous avons souligné un déficit dans les recherches. Les efforts en la matière ne commencent que maintenant, alors que des plans sont régulièrement élaborés depuis presque vingt ans. En outre, nous signalons dans notre rapport que les terres cultivables des Antilles n’ont pas toutes été analysées, ce qui ôte beaucoup d’efficacité à InfoSols. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble tournée vers l’avenir.

Sénat, 12 avr. 2023.

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