o Covid-19 : il faut surveiller le virus dans les eaux usées

Alors que la France s’y est refusée, la Commission européenne demande instamment aux États membres de s’impliquer dans la surveillance de eaux usées pour traquer les variants du virus.

Si l’on veut tirer à boulets rouges sur la construction européenne, les munitions ne manquent pas. Mais l’Union peut aussi se révéler efficace et anticipatrice, poussant les États membres à faire mieux et plus au service de l’intérêt général.

Le présent texte de la Commission européenne en est un parfait exemple. Il ne s’agit que d’une recommandation, car le sujet relève de la compétence des seuls États membres. C’est ce que la Commission rappelle en préambule : « Il appartient à chaque État membre de décider de la stratégie à mettre en place pour détecter la présence [du virus] SARS-CoV-2 dans sa population, en tenant compte de sa situation épidémiologique et sociale. »

Préparer l’Europe aux variants du virus

Toutefois, sous l’effet de la crise sanitaire actuelle, la Commission a l’intention de proposer la création d’une autorité de préparation et de réaction aux situations d’urgence sanitaire (Hera), qui renforcera la préparation et la capacité de riposte de l’Union face aux menaces transfrontalières nouvelles et émergentes pour la santé humaine. Elle lancera dès cette année plusieurs actions préparatoire qui poseront les bases de l’Hera. Dans ce cadre, elle préconise une action immédiate pour préparer l’Europe à la menace accrue que représentent les variants du SARS-CoV-2.

Or l’expérience acquise par certains États membres a montré que la surveillance de la présence du SARS-CoV-2 et de ses variants dans les eaux usées pouvait être une source d’information efficace, rapide et fiable sur la propagation du SARS-CoV-2 dans la population et qu’elle pouvait constituer une précieuse composante d’une surveillance génomique et épidémiologique renforcée, en complément d’autres plus classiques.

(NDLR : rappelons qu’en France, le gouvernement a rejeté cette proposition l’an dernier, mais que les gestionnaires de l’assainissement se sont entendus pour développer un observatoire, le réseau Obépine, sans participation initiale des autorités nationales.)

Intégrer les eaux usées dans les stratégies de dépistage

La Commission juge donc nécessaire d’intégrer plus systématiquement la surveillance des eaux usées dans les stratégies nationales de dépistage du virus SARS-CoV-2. L’Organisation mondiale de la santé est parvenue à la même conclusion.

« Plus précisément, la surveillance des eaux usées peut être utilisée à des fins de prévention ou d’alerte précoce, car la détection du virus dans les eaux usées devrait être considérée comme un indicateur d’une éventuelle émergence de la pandémie.

« De même, des résultats révélant l’absence du virus dans les eaux usées pourraient indiquer que la population de la zone concernée par les prélèvements peut être considérée comme étant moins exposée au risque d’infection par le virus. L’analyse de l’évolution des résultats est également très utile pour vérifier l’efficacité des mesures mises en place pour limiter la transmission du virus. La surveillance des courbes de concentration virale de variants du SARS-CoV-2 dans les eaux usées peut donc être à la base des mesures de préparation et de réaction.

Six mois pour mettre en place une surveillance

« Il est dès lors essentiel que les États membres mettent en place des systèmes efficaces de surveillance des eaux usées garantissant que les données pertinentes sont rapidement communiquées aux autorités sanitaires compétentes. L’expérience montre que la mise en place d’un nouveau système de surveillance des eaux usées peut être réalisée dans un délai maximal de six mois, car les exploitants des stations d’épuration sont habitués à surveiller différents paramètres dans leurs installations. » Des fonds européens pourront contribuer à accélérer cette mise en place.

La présente recommandation préconise également des exigences minimales pour des stratégies efficaces de surveillance des eaux usées et l’utilisation de méthodes communes d’échantillonnage, d’essai et d’analyse des données. Elle encourage le partage des résultats et des meilleures pratiques dans le cadre d’une plateforme européenne d’échange.

Les États membres sont vivement encouragés à mettre en place dès que possible, et au plus tard le 1er octobre 2021, un système national de surveillance des eaux usées visant à recueillir des données sur la présence du SARS-CoV-2 et de ses variants dans les eaux usées. Ce système de surveillance devrait être largement représentatif de la population de l’État membre.

Il devrait s’appliquer au moins aux eaux usées des grandes agglomérations de plus de 150 000 habitants et prévoir, de préférence, une fréquence minimale d’échantillonnage de deux échantillons par semaine. Cette fréquence devrait être adaptée en fonction de la situation épidémiologique. Si nécessaire, des sites d’échantillonnage supplémentaires pourront être sélectionnés.

Prélèvements à l’entrée des stations d’épuration ou dans le réseau amont

Les échantillons devraient être prélevés à l’entrée des stations d’épuration ou, s’il y a lieu, en amont des réseaux de collecte des eaux usées. Les analyses visant à détecter le SARS-CoV-2 et ses variants devraient être réalisées régulièrement, deux fois par mois dans l’idéal.

Lorsque des informations plus spécifiques sont nécessaires pour mieux cartographier la circulation du virus et de ses variants, des prélèvements et des analyses supplémentaires devraient être effectués en temps utile en des points précis du réseau de collecte des eaux usées qui correspond à la population considérée. Les points de prélèvement et les fréquences d’échantillonnage devraient être définis en fonction des besoins locaux.

Les États membres devraient veiller à ce que les résultats de la surveillance des eaux usées soient rapidement transmis par voie électronique aux autorités sanitaires compétentes, puis à la plateforme européenne d’échange lorsque celle-ci sera opérationnelle. Aux fins d’alerte précoce, les résultats de chaque échantillon devraient être enregistrés dès que possible et de préférence dans les 48 heures suivant le prélèvement de l’échantillon.

En vue d’une interprétation appropriée des résultats, et pour permettre l’adaptation du système de surveillance aux besoins de santé publique, les États membres sont encouragés à mettre en place des structures adéquates associant les autorités sanitaires et les autorités compétentes dans le domaine des eaux usées, dans le but de fusionner et de relier les ensembles de données pertinents et de coordonner l’interprétation et la communication des résultats.

Échantillons prélevés sur 24 heures

Afin de garantir la comparabilité et la fiabilité des méthodes d’échantillonnage et d’analyse, les États membres devraient veiller à ce que les échantillons soient prélevés sur une période de 24 heures, que les analyses soient effectuées dans des laboratoires appliquant des méthodes de RT-PCR appropriées dans des conditions standard de gestion de la qualité, que la détection des variants soit réalisée selon des méthodes de séquençage du génome dûment documentées, que les laboratoires participent à des essais d’aptitude et qu’ils respectent les normes de qualité spécifiques annexées au présent texte.

Les États membres sont encouragés à prendre part aux efforts déployés par la Commission, en collaboration avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), afin de veiller au partage des meilleures pratiques et des résultats obtenus, de manière à permettre des réponses appropriées et en temps utile et à favoriser l’interprétation commune de ces résultats. À cette fin, les États membres sont vivement encouragés à participer à la plateforme européenne d’échange qui sera mise en place par la Commission.

Désigner deux points de contact pour le 1er avril

Au-delà de la crise en cours, les États membres sont invités à faire part de leur expérience dans ce domaine afin d’étayer les travaux de la Commission visant à définir les paramètres importants pour la santé qui devront faire l’objet d’une surveillance régulière dans les eaux usées. Dans ce contexte, les États membres sont encouragés à fournir des informations sur les résultats de la surveillance des eaux usées en ce qui concerne les nouveaux polluants, les agents pathogènes émergents, les médicaments, les produits pharmaceutiques, les microplastiques ou la consommation d’antibiotiques.

Afin de coordonner les réponses au présent texte, les États membres sont encouragés à désigner, au plus tard le 1er avril, deux points de contact au maximum, représentant les autorités compétentes en matière de santé publique et de gestion des eaux usées. Et ils sont invités à faire rapport à la Commission, pour le 15 mai au plus tard, sur les mesures prises à la suite de la présente recommandation.

Recommandation (UE) 2021/472 de la Commission du 17 mars 2021 concernant une approche commune pour la mise en place d’une surveillance systématique de la présence du SARS-CoV-2 et de ses variants dans les eaux usées de l’Union européenne (JOUE L 98, 19 mars 2021, p. 3).

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