Dessalement et endiguement durables

La Commission européenne a pour mission de préciser les critères qui permettent de considérer certaines activités comme durables sur le plan de l’environnement, en particulier vis-à-vis du changement climatique. Cette qualification conditionne certains financements. Pour cette fois-ci, il est notamment question des usines de dessalement de l’eau et des ouvrages de lutte contre les inondations.

En application du règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables, la Commission européenne est chargée de définir quelles activités économiques peuvent être considérées comme durables sur le plan environnemental, en particulier en matière de changement climatique.

Le présent règlement délégué, qui en modifie un précédent, procède à cette définition en fixant des critères d’examen technique permettant de déterminer à quelles conditions de nouvelles activités entrent dans cette catégorie. En général, le respect de ces critères ne relève pas d’une obligation réglementaire, mais il conditionnera de plus en plus l’octroi de financements privés, et sans doute publics, aux acteurs économiques concernés.

Dessalement pour produire de l’eau potable

Une des activités ajoutées par le présent texte est le dessalement. Cela vise la construction, l’exploitation, la modernisation, l’extension et la rénovation d’usines de dessalement en vue de produire de l’eau destinée à être distribuée dans les réseaux d’approvisionnement en eau potable. L’activité économique comprend le captage d’eau de mer ou d’eaux saumâtres, le prétraitement (tel que le traitement destiné à éliminer les contaminants et à empêcher la formation de tartre ou l’encrassement des membranes), le traitement (tel que l’osmose inverse utilisant la technologie des membranes), le post-traitement (désinfection et conditionnement) et le stockage de l’eau traitée.

Elle comprend également l’élimination de la saumure (eau de rejet) au moyen de conduites ou de points de rejet en eau profonde assurant la dilution, ou au moyen d’autres techniques d’évacuation de la saumure pour les usines situées plus à l’intérieur des terres, notamment pour le dessalement d’eaux saumâtres. Cela peut s’appliquer à des eaux de degrés divers de salinité, pour autant que celles-ci ne répondent pas à la définition de l’eau douce.

L’activité économique doit utiliser des solutions physiques et non physiques, dites solutions d’adaptation, réduisant de manière substantielle les risques climatiques physiques les plus significatifs, qui sont importants pour cette activité. Ces risques doivent avoir été identifiés au moyen d’une évaluation rigoureuse des risques et de la vulnérabilité liés au climat. Il faut en particulier évaluer les solutions d’adaptation permettant de réduire les risques climatiques physiques recensés.

L’évaluation des risques et de la vulnérabilité liés au climat est proportionnée à l’ampleur de l’activité et à sa durée escomptée. Si cette durée est inférieure à dix ans, l’évaluation est réalisée selon au minimum des projections climatiques à la plus petite échelle appropriée. Pour une durée plus importante, elle est réalisée sur la base de projections climatiques de pointe et à la plus haute résolution possible, selon un scénario cohérent par rapport à la durée estimée de l’activité.

Privilégier les solutions fondées sur la nature

Les solutions d’adaptation utilisées n’ont pas d’incidence négative sur les efforts d’adaptation ou sur le niveau de résilience aux risques climatiques physiques d’autres populations, de la nature, du patrimoine culturel, des biens et d’autres activités économiques. Elles privilégient des solutions fondées sur la nature ou s’appuient autant que possible sur des infrastructures bleues ou vertes. Elles sont compatibles avec les stratégies et plans d’adaptation locaux, sectoriels, régionaux ou nationaux. Elles sont suivies et mesurées à l’aune d’indicateurs prédéfinis, et des actions correctives sont envisagées lorsque ces indicateurs ne sont pas atteints.

Pour qu’une telle activité constitue une activité habilitante au sens de la législation européenne, l’opérateur économique doit démontrer, au moyen d’une évaluation des risques climatiques actuels et futurs intégrant de l’incertitude et fondée sur des données solides, que l’activité fournit une technologie, un produit, un service, une information ou une pratique, ou en encourage l’utilisation pour accroître le niveau de résilience aux risques climatiques physiques d’autres population, de la nature, du patrimoine culturel, des biens et d’autres activités économiques ou pour contribuer à leurs efforts d’adaptation.

Pour que cette activité soit considérée comme ne causant pas de préjudice important; les émissions de gaz à effet de serre de l’usine de dessalement ne dépassent pas 1 080 g de CO2eq/m3 d’eau douce produite, y compris les traitements, le pompage et l’élimination de la saumure et l’utilisation d’énergie correspondante.

Respecter la directive-cadre sur l’eau

Pour la protection de l’eau, les risques d’impact sur la qualité de la ou des masses d’eau concernées sont recensés et traités pour permettre le respect de la directive-cadre sur l’eau (DCE), avec un plan de gestion élaboré en consultation avec les parties prenantes concernées.

L’autorité compétente ne peut avoir autorisé le projet que dans le cadre de la gestion intégrée des ressources en eau. Elle doit au préalable avoir donné la priorité à toutes les autres options viables pour l’approvisionnement en eau, pour la gestion de la demande en eau et pour des mesures d’utilisation rationnelle de l’eau, en consultation avec les autorités chargées de la gestion de l’eau.

Une évaluation ou un examen des incidences sur l’environnement, sur les eaux douces et sur les eaux marines est effectué conformément à la législation nationale. L’activité n’empêche pas les eaux marines de parvenir à un bon état écologique et ne les détériore pas lorsqu’elles sont déjà en bon état.

Afin de limiter les anomalies thermiques liées au rejet de chaleur, les exploitants d’usines de dessalement contrôlent la température maximale de la masse d’eau de mer réceptrice après mélange et l’écart de température maximal entre la saumure rejetée et l’eau réceptrice.

L’élimination de la saumure est fondée sur une étude d’impact sur l’environnement qui comprend une évaluation des répercussions locales de l’élimination de la saumure en mer. Cette étude décrit les conditions de départ, notamment la qualité de l’eau de mer, la topographie, les caractéristiques hydrodynamiques et les écosystèmes marins, sur la base de mesures et d’études de terrain.

Elle analyse l’incidence des rejets de saumure, à partir d’une modélisation de leur dispersion et d’essais de toxicité en laboratoire, afin de définir des conditions de rejet sûres en fonction de la concentration en sel, de l’alcalinité totale, de la température et des métaux toxiques. Son niveau de détail dépend de la localisation, de la taille, des processus et du taux de récupération de l’usine de dessalement.

Objectifs de dilution minimale de la saumure

L’étude d’impact sur l’environnement doit avoir démontré que les répercussions du rejet de saumure ne portent pas atteinte à l’intégrité de l’écosystème. L’activité se fonde sur elle pour adopter des critères de sécurité concernant les rejets de saumure, y compris des objectifs de dilution minimale de la saumure spécifiques au site.

Une autre activité ajoutée par le présent texte est intitulée « Infrastructures de prévention des risques d’inondation et de protection contre les inondations ». Cela regroupe les mesures structurelles et non structurelles de prévention des inondations et de protection des personnes, des écosystèmes et des biens contre les inondations, conformément à la directive 2007/60/CE, dite directive Inondation. Toutefois, les critères à prendre en compte ont été en partie recopiés sur ceux d’une autre activité, la réalisation de voies navigables, ce qui entraîne des incohérences.

L’expression « mesures structurelles » n’est en réalité qu’une désignation pompeuse des ouvrages de génie civil, en particulier les digues et remblais fluviaux, les digues de défense du littoral et les brise-lames, les bassins tampons pour la rétention et le contrôle des inondations, les stations de pompage, les écluses et les structures de contrôle des sédiments.

Aménagement des zones inondables

Quant aux mesures non structurelles, ce sont notamment les campagnes de sensibilisation sur les inondations, la modélisation et la prévision des inondations, la cartographie des risques d’inondation, les systèmes d’alerte rapide, et l’aménagement des zones inondables pour réduire les risques.

L’activité comprend la conception, la construction, l’extension, la réhabilitation, la modernisation et l’exploitation de mesures structurelles ou non structurelles. Elle ne comprend ni les mesures à grande échelle qui relèvent de l’activité « Solutions fondées sur la nature pour la prévention des risques d’inondation et de sécheresse et la protection contre ces risques », ni les voie d’eau, ni les interventions d’urgence en cas d’inondation, ni les services de conseil et les logiciels pour la gestion des risques d’inondation et l’adaptation à ces risques, ni la construction d’ouvrages de retenue au fil de l’eau qui visent principalement la production d’hydroélectricité ou l’irrigation.

Pour assurer l’utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines, une analyse des incidences du projet doit permettre d’évaluer toutes ses incidences potentielles sur l’état des masses d’eau du même district hydrographique et sur les habitats et espèces protégés dépendant de l’eau, en tenant compte en particulier des couloirs de migration, des cours d’eau en écoulement libre et des écosystèmes peu perturbés.

Cette évaluation porte en particulier sur les incidences du projet qui viennent s’ajouter à celles d’autres infrastructures existantes ou prévues dans le district hydrographique. Elle doit orienter la conception de l’ouvrage, son emplacement et les mesures d’atténuation afin que le projet n’affecte pas l’atteinte du bon état ou du bon potentiel de la masse d’eau. Ou, s’il risque de l’affecter, le préjudice ne doit pas être significatif et il doit être justifié par des raisons impérieuses d’intérêt public ou par un impact positif, en matière de changement climatique, supérieur à l’impact négatif de la détérioration de l’état de l’eau.

Réduire les incidences négatives sur l’eau

Toutes les mesures d’atténuation pertinentes doivent être appliquées en vue de réduire les incidences négatives sur l’eau et sur les habitats et espèces protégés dépendant de l’eau. Elles peuvent notamment viser à assurer la continuité longitudinale et latérale ainsi qu’un niveau minimal de débit écologique et de débit des sédiments, à protéger ou à renforcer les conditions morphologiques et les habitats des espèces aquatiques, ou à réduire les incidences négatives de l’eutrophisation. Leur efficacité est contrôlée dans le contexte de l’autorisation ou du permis. Dans tous les cas, le projet ne doit pas compromettre de manière définitive la réalisation d’un bon état ou d’un bon potentiel dans aucune des masses d’eau du même district hydrographique.

En complément des mesures d’atténuation, des mesures compensatoires sont appliquées autant que nécessaire. Pour cela, la continuité longitudinale ou latérale est restaurée dans une proportion qui compense la rupture de la continuité causée par le projet d’infrastructure. La compensation débute avant l’exécution du projet.

Règlement délégué (UE) 2023/2485 de la Commission du 27 juin 2023 modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 par des critères d’examen technique supplémentaires permettant de déterminer à quelles conditions certaines activités économiques peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si ces activités ne causent de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux (JOUE L, 21 nov. 2023).

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