o Dossier : L’eau dans le projet de loi 3DS au Sénat

Revenir – ou pas – sur la loi Notre, transférer aux EPTB la taxe Gemapi, faciliter la protection des captages, contrôler les branchements à l’assainissement collectif et au réseau de collecte des eaux pluviales : les sénateurs ont abordé les principaux sujets actuels du domaine de l’eau entre le 7 et le 21 juillet, pendant les débats sur le projet de loi « relatif à la différenciation, [à] la décentralisation, [à] la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale », dit 3DS.

Dans sa version originale, l’article 5 du projet de loi 3DS attribuait un rôle de chef de file à certaines catégories de collectivités territoriales. C’est ainsi que la gestion de l’eau et de l’assainissement devait avoir pour chef de file la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) auquel elle a transféré ses compétences.

Qui sera le chef de file pour l’eau et l’assainissement ?

Mais cet article a été totalement réécrit avant la première lecture au Sénat par sa commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale : les références au chef de file, à l’eau et à l’assainissement en ont disparu. La commission des lois s’est contentée de suivre l’avis négatif du Conseil d’État sur cet article, comme l’a rapporté l’un des rapporteurs de la commission, Mathieu Darnaud (Ardèche, LR). Le Sénat a voté dans le même sens.

Après cet article, les groupes SER et Gest ont présenté deux amendements identiques, les nos 535 et 1340 rectifié, tendant à inscrire dans le code de la santé publique le droit à l’eau potable et le droit à l’assainissement. Il s’agissait là de transposer une disposition de la directive (UE) 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, comme l’a rappelé Didier Marie (Seine-Maritime, SER).

Transposition à venir de la directive eau potable

« Les services de l’État travaillent actuellement à la transposition de la directive et un texte vous sera soumis », a promis en réponse Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Elle a ainsi obtenu le retrait de ces deux amendements.

Les deux suivants, les nos 537 et 1342 rectifié, déposés par les mêmes groupes, portaient à peu près sur le même sujet, en obligeant notamment les autorités organisatrices de ces services à recenser les personnes sans accès à l’eau et à indiquer spécifiquement les emplacements des équipements publics de distribution d’eau et les toilettes publiques. En rappelant la transposition future de la directive, la ministre en a obtenu le rejet.

L’article 5 bis, ajouté par la commission des lois, vise à revenir sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement, inscrit dans la loi Notre et légèrement assoupli par des lois plus récentes. Sa disposition principale est de permettre à ces compétences de revenir dans le giron des communes membres des communautés de communes ou d’agglomération, selon la procédure fixée à l’article L. 5211-17-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Abandonner totalement le transfert obligatoire ?

Par son amendement n1404, la ministre a demandé la suppression de cet article : « On ne pourra traiter consciencieusement le problème de l’alimentation en eau, tant pour les hommes que pour les animaux et l’agriculture, que par le partage des compétences. Les intercommunalités peuvent supporter à la fois le coût du fonctionnement et des investissements, dans un contexte où les niveaux d’exigence vont augmenter. »

Cet argument ne convainquit pas le rapporteur : « L’eau n’est pas qu’une question de culture, madame la ministre : c’est la seule compétence qui réponde, non pas à une logique intercommunale, mais à une logique de bassin versant. […] D’un côté, on contraint à transférer la compétence aux intercommunalités ; de l’autre, les communes reçoivent de moins en moins d’aides des agences de l’eau. Il y a là tout de même une incohérence et un dysfonctionnement. » Le n1404 fut ainsi rejeté, avec l’appui de sénateurs de tous bords.

L’amendement n300, défendu par Cécile Cukierman (Loire, CRCE), proposait d’aller plus loin en supprimant également le transfert obligatoire au profit des métropoles et des communautés urbaines. « Cet amendement me semble satisfait par la position collective que nous avons à l’instant défendue », fit remarquer Mathieu Darnaud, en obtenant le retrait de cet amendement. Après le vote d’une précision rédactionnelle, l’article 5 bis fut adopté.

Après cet article, deux amendements identiques, le n340 rectifié bis du groupe Gest, et le n1614 rectifié bis du groupe RDPI, proposait d’imposer avant le 31 décembre 2026 la délimitation des zones relatives aux eaux pluviales prévues par l’article L. 2224-10 du CGCT, sur la base d’un diagnostic tenant compte des effets du changement climatique.

« Les eaux pluviales, du fait de leur ruissellement sur des surfaces imperméabilisées souvent souillées, constituent une source de pollution importante pour les milieux aquatiques, argumenta Guy Benarroche (Bouches-du-Rhône, Gest). Les états des lieux réalisés dans le cadre de l’élaboration des schémas directeurs de gestion des eaux pluviales mettent en évidence la contribution importante des eaux pluviales à la dégradation de l’état des masses d’eau. »

Changement climatique et zonage des eaux pluviales

Attention, avertit le rapporteur : « L’établissement de ces zonages est déjà suffisamment encadré. Il convient donc de ne pas augmenter excessivement les contraintes pesant sur les collectivités territoriales en la matière. Au surplus, la définition du diagnostic tenant compte des effets du changement climatique semble assez lacunaire et crée un risque contentieux. » Il obtint ainsi le rejet des nos 340 rectifié bis et 1614 rectifié bis.

Le n301 rectifié bis, défendu par Fabien Gay (Seine-Saint-Denis, CRCE), visait à instaurer la gratuité de l’accès à l’eau pour son usage vital, avec un minimum de 40 litres par jour et par personne. Plutôt d’accord sur le principe du droit à l’eau, le rapporteur estima néanmoins qu’il faudrait au préalable « une étude d’impact approfondie, pour que l’on puisse avancer sur cette question ». En attendant, son avis fut défavorable. Quant à la ministre, elle assura que ce sujet serait pris en compte lors de la transposition de la directive du 16 décembre 2020.

Une missions sénatoriale sur l’accès à l’eau ?

Avant le rejet de son amendement, Fabien Guy saisit au vol la perche que lui tendait le rapporteur : « Nous pourrions étudier la question des coûts dans le cadre d’une mission d’information menée de manière transpartisane, comme nous savons le faire au Sénat, puis déterminer les moyens de garantir l’accès à ces ressources. C’est une très belle proposition, dont je vous remercie. »

Toujours après l’article 5 bis, un amendement intéressant, le n351 rectifié ter, proposait de lancer une expérimentation de cinq ans « en vue de favoriser une meilleure traduction des stratégies de gestion des eaux pluviales à la source ».

L’autorité chargée de délivrer les permis de construire ou d’aménager et d’enregistrer les déclarations préalables prévues par le code de l’urbanisme aurait pu exiger « une pièce supplémentaire non visée, permettant de vérifier la conformité avec la gestion des eaux pluviales en vigueur sur le territoire ». Il s’agissait d’assurer la cohérence entre la gestion des eaux pluviales et l’urbanisme, plaida Michel Canévet (Finistère, UC). Même s’il en comprenait les raisons, le rapporteur critiqua la rédaction imparfaite de cet amendement. Le n351 rectifié ter fut donc retiré.

L’article 5 ter permet de transférer, sous certaines conditions, la gestion des eaux pluviales urbaines et la défense extérieure contre l’incendie (Deci) à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte. Il fut adopté tel quel sans débat.

Dans un an, une évaluation technique de la Deci

Après cet article, les amendements nos 773 rectifié bis et 1286 rectifié demandaient au Gouvernement un rapport sur la Deci. Ils traduisaient une recommandation du récent rapport sénatorial d’Hervé Maurey (Eure, UC) et de Franck Montaugé (Gers, SER) qui porte sur le même sujet. La ministre fit préciser qu’il s’agirait, non d’un rapport, mais d’une évaluation technique ; puis elle s’y montra favorable, sous réserve d’un report de la date de remise au 1er juillet 2022. Rectifiés en ce sens, les amendements furent adoptés.

L’article 5 quater, ajouté par la commission des lois, vise à permettre à un même syndicat mixte d’être à la fois un établissement public territorial de bassin (EPTB) et un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau, à condition que ce soit sur des parties distinctes de son périmètre administratif. Il a été adopté sans débat ni modification.

Il en a été de même pour l’article 5 quinquies, également ajouté par la commission, qui élargit sous certaines conditions l’utilisation de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et à la lutte contre l’érosion des sols.

Après cet article, Maryse Carrère (Hautes-Pyrénées, RDSE) présenta l’amendement n1110 rectifié bis, en avertissant d’emblée qu’il était « délibérément provocateur » : il proposait en effet de doubler le plafond de la taxe Gemapi, en le portant de 40  à 80  par habitant et par an.

Mais il s’agissait bien d’un amendement d’appel : « Nous souhaitons surtout vous interpeller. Il est nécessaire d’ouvrir la réflexion, car cette taxe totalement inéquitable fait subir une double peine à certains territoires : non seulement ils sont frappés par de violents événements climatiques, mais ils doivent faire peser de lourdes charges sur leurs habitants, qu’il s’agisse de la reconstruction ou des travaux de prévention. Il est temps de dresser le bilan de la taxe Gemapi, trois ans après sa création, afin d’évaluer son impact sur nos concitoyens. »

Sur le fond, elle reçut le soutien du rapporteur : « À l’évidence, le produit de cette taxe ne suffit pas partout face à l’étendue des besoins à couvrir et des travaux à mener. » Mais le montant proposé l’obligea à rendre un avis défavorable. La ministre se contenta d’un avis très bref : « Même avis pour les mêmes raisons ! » Cela signifie-t-il qu’elle partageait aussi cet appel à évaluer ce mécanisme ? Mystère. Toujours est-il que Maryse Carrère retira son amendement.

Attribuer la taxe Gemapi à un EPTB

Sur le même sujet, Rémy Pointereau (Cher, LR) présenta le n1090 rectifié, qui proposait d’expérimenter le transfert d’une partie du produit de la taxe Gemapi à certains EPTB volontaires, qui exerceraient en échange la compétence correspondante. Plutôt d’accord avec cette proposition, le rapporteur et la ministre demandèrent toutefois des modifications rédactionnelles, qui entraînèrent la réserve du n1090 rectifié jusqu’au lendemain.

Après avoir doublé de volume durant la nuit, cet amendement, désormais numéroté 1090 rectifié ter, fut adopté dans un climat consensuel. La ministre précisa au préalable qu’il visait surtout le bassin de la Loire, dans lequel certains EPCI-FP commencent déjà à transférer la Gemapi à l’Établissement public Loire, sans transférer pour l’instant le produit de la taxe.

« Ainsi que le souligne le rapport d’évaluation des conséquences de la mise en œuvre de la compétence Gemapi, publié en novembre 2018, le produit de la taxe Gemapi, taxe additionnelle aux taxes foncières, est fonction du nombre de contribuables que comprend l’EPCI, alors que le linéaire de digues à prendre en charge n’est pas lié à la démographie », admit Jacqueline Gourault. Par ailleurs, rien dans ce nouvel article n’empêchera d’autres EPTB de participer à cette expérimentation.

Le Sénat a adopté sans débat ni modification l’article 11 du projet de loi. Il permet à Voies navigables de France de doubler le montant des redevances de prise et de rejet d’eau, lorsque l’ouvrage correspondant n’a pas été déclaré ou autorisé ou qu’un ouvrage déclaré ou autorisé a été modifié sans modification préalable du titre d’occupation ou d’utilisation du domaine public fluvial. De surcroît, le contrevenant sera frappé d’une amende et obligé de remettre les lieux en état à ses frais.

Faire du préfet de département le délégué territorial de l’OFB ?

L’article 45 concerne le deuxième D du sigle de ce projet de loi : la déconcentration. Dans sa version initiale, il vise à faire du préfet de région, ou de son homologue dans les collectivités à statut particulier, le délégué territorial de l’Agence de la transition écologique (Ademe). En réalité, il s’agit simplement d’inscrire dans la loi une disposition figurant jusqu’à présent dans un décret : le Conseil d’État avait rappelé que le statut de l’Ademe, fixé par la loi, ne pouvait être modifié que par la loi.

Mais la commission des lois du Sénat avait ajouté une disposition presque semblable concernant l’Office français de la biodiversité (OFB) : le préfet de département, ou son homologue dans les collectivités à statut particulier, serait le délégué territorial de l’office. Cela ne faisait pas du tout l’affaire de la ministre

Par son amendement n1419, Jacqueline Gourault a donc souhaité supprimer cet ajout : « Cet office vient d’être créé et ses missions sont très différentes de celles de l’Ademe, car il n’instruit pas de dossiers d’aide à l’échelon local. Il assure des missions de police judiciaire, sous l’autorité du parquet, de police administrative, d’avis technique ou encore de connaissance.

« En outre, il travaille déjà en bonnes relations et collaboration avec les services déconcentrés de l’État et avec les préfets, dans le cadre de la mission [inter-services] de l’eau et de la nature. Cette collaboration est formalisée dans un document de cadrage, validé depuis 2020, qui vise à garantir la bonne articulation de l’action de l’OFB et de celle des services déconcentrés de l’État. Enfin, je le répète, l’OFB a été créé très récemment ; il faut donc le laisser vivre quelque temps. »

Faut-il rapprocher l’OFB du territoire ?

Cette argumentation de la ministre ne convainquit par le rapporteur : « L’OFB est, certes, un organisme jeune et qui ne demande qu’à grandir, mais, à nos yeux, la meilleure façon de le faire grandir est de lui donner un caractère de proximité, car nous sommes convaincus que, en matière de biodiversité […], chacun de nos territoires requiert un traitement spécifique. Nous serions donc bien inspirés de faire du préfet de département le délégué territorial de cet office.

« Enfin, je ne trahis aucune information confidentielle en précisant que certains services de l’État sont favorables à cette organisation, qui nous semble relever de la cohérence, du bon sens et du principe de proximité. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement du Gouvernement. » Le Sénat le suivit et repoussa le n1419.

L’article 46 porte sur les agences de l’eau. Il précise en particulier que le préfet coordonnateur de bassin en préside le conseil d’administration, et que les préfets des départements relevant de chaque agence présentent chaque année au comité de bassin les priorités de l’État et les projets de l’État et des collectivités territoriales dans les domaines de compétence de l’agence. Cet article fut attaqué par six amendements de suppression, parce qu’il s’agit « d’une recentralisation des enjeux de l’eau et d’une reprise en main par l’État qui ne dit pas son nom », accusa Didier Marie.

Mais le rapporteur fit remarquer en réponse que l’article avait été justement modifié par la commission des lois pour éviter ce risque, en remplaçant le préfet coordonnateur de bassin, mentionné dans le texte initial, par les préfets de département : « Nous avons justement essayé de répondre aux [objections] soulevées par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), en remettant le comité de bassin au centre des enjeux et en rapprochant le préfet de département du comité de bassin. […]

« Cela change fondamentalement les choses ! Le préfet de département n’a pas le même avis que le préfet de région, qui agit à un échelon complètement différent. Or les problématiques de l’eau se posent très différemment d’un département à l’autre. […]

Le comité de bassin ou le conseil d’administration de l’agence de l’eau ?

« Les apports de la commission des lois répondent, selon nous, à un triple enjeu : la proximité, avec la mise en avant du préfet de département ; la réponse aux inquiétudes soulevées par le CNEN et par les élus des territoires, avec le rétablissement du lien entre le comité de bassin et les préfets ; et la prise en compte de l’échelon départemental, qui nous semble être l’échelon pertinent pour la politique de l’eau. » Il demanda par conséquent le retrait de ces amendements de suppression.

La ministre fit de même, mais avec une argumentation différente : « Aujourd’hui toutes les agences de l’eau, sans exception, sont présidées par des préfets. L’article 46 vise à donner au préfet le rôle, non pas de fixer les priorités de ces agences, mais d’exposer les priorités et les projets de l’État dans la perspective de la meilleure coordination possible entre l’action des services déconcentrés et celle des agences au service des politiques de l’eau et de la biodiversité.

« Les conseils d’administration des agences de l’eau, composés pour un tiers de représentants de l’État, pour un tiers d’usagers, et pour un tiers de représentants des collectivités, restent bien souverains dans leur prise de décision, mais il est normal que les agences de l’eau tiennent compte des politiques publiques que l’État entend mettre en place. » Au bénéfice de ces explications, les amendements de suppression furent retirés ou rejetés.

Ensuite, le n1420, présenté par la ministre, visait à revenir à la rédaction initiale de l’article, en chargeant notamment le seul préfet coordonnateur de bassin de porter à la connaissance du conseil d’administration, et non du comité de bassin, les priorités de l’État et la synthèse des projets de l’État et des collectivités territoriales dans les domaines de compétence de l’agence et en lien avec les enjeux du territoire.

« Nous pensons que la présence du préfet coordonnateur de bassin au conseil d’administration est suffisante, puisqu’il porte la voix des préfets de département, expliqua Jacqueline Gourault. Il nous paraît préférable qu’il assure la synthèse des contributions des préfets : cela fait moins de monde au comité, ce qui est moins lourd. »

Le préfet de département sera-t-il le coordonnateur ?

Cela ne convenait pas au rapporteur : « À l’issue d’une réflexion à laquelle tous les groupes ont été associés, nous avons décidé collectivement que le préfet de département était le guichet, la porte d’entrée de l’État territorial et celui qui coordonnait l’action de ce dernier sur les territoires.

« Nous réaffirmons donc avec force et clarté, sur cette question des agences de l’eau, comme sur la question de l’Ademe et sur les autres points que nous verrons dans quelques instants et qui ont tous trait à l’organisation de l’État territorial et à ces mesures de déconcentration, qu’il incombe au préfet de département de jouer ce rôle de coordination. » Le n1420 fut donc repoussé.

Toujours dans cet article, mais sur un point différent, le n175 rectifié ter, présenté par Dominique Théophile (Guadeloupe, RDPI), proposait de faire siéger dans les comités de bassin les présidents des conseils économiques et sociaux environnementaux régionaux (Ceser). Ces comités « apportent une vision équilibrée, fruit de dialogues démocratiques sur les enjeux liés à la gestion de ces milieux », plaida-t-il.

Le rapporteur n’y voyait aucun intérêt : « Notre collègue évoque les représentants de la société civile, mais je veux lui rappeler que les usagers de l’eau siègent dans les comités de bassin. Je ne vois donc pas ce que le Ceser apporterait de plus. » À l’inverse, la ministre rappela que « des représentants du Ceser siégeaient auparavant dans les comités de bassin. Ils étaient en général plutôt assidus. » Mais le Sénat ne la suivit pas et repoussa le n175 rectifié ter, avant d’adopter l’article 46 sans modification.

Financer le Cérema avec les budgets locaux

L’article 48 tente de sauver le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cérema), qui joue notamment un rôle d’expertise important en matière de réseaux d’eau et d’assainissement. Jusqu’à présent financé essentiellement par l’État, il voit sa subvention pour charges de service public et ses effectifs diminuer d’année en année.

Selon cet article 48, les collectivités territoriales et leurs groupements pourront, à leur demande, obtenir la qualité de membres associés au Cérema, en échange de quoi ils devront verser une contribution annuelle. En outre, le centre pourra réaliser jusqu’à 20 % de ses activités pour des personnes morales qui ne siégeront pas dans son conseil d’administration. Largement réécrit par la commission des lois, en accord avec la ministre, cet article fut adopté moyennant une petite modification de dernière minute.

L’article 49 bis, créé par la commission, concerne le régime d’assurance contre les catastrophes naturelles. Il institue une commission consultative qui rend un avis sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Elle comprendra au moins deux élus locaux et un représentant du ministère chargé de la transition écologique, et sa composition sera détaillée dans un décret.

Son avis, accompagné des rapports techniques utilisés par la commission, sera publié sur un site internet dédié dans un délai de dix jours suivant son adoption. Cet article fut voté après une petite retouche, avec la bénédiction de la ministre.

Droit de préemption pour la préservation des ressources en eau

Dans sa version débattue au Sénat, l’article 60 traite trois sujets. D’abord, il étend aux syndicats mixtes compétents le droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine, qui figure aux articles L. 218-1 à L. 218-14 du code de l’urbanisme : il vise ainsi à rendre enfin applicables ces articles créés en 2019, qui sont jusqu’à présent restés lettre morte.

Il permet en outre à ces syndicats, ainsi qu’aux communes et à leurs groupements, de déléguer ce droit aux régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine de l’établissement public délégataire. Ils peuvent être mis à bail, en particulier au profit d’un exploitant agricole, mais avec des clauses environnementales. Ils peuvent être cédés à une personne publique ou privée, mais avec l’obligation de respecter un cahier des charges annexé à l’acte de vente.

Enfin, dans ce même article, la commission des lois a prévu de remplacer la notion d’obligation réelle environnementale par celle d’obligation accessoire à un droit réel, en lui donnant une autre définition.

Des sujets aussi importants avaient suscité une quinzaine d’amendements. Notons dès à présent que tous furent repoussés, à part celui qui supprimait une lettre pour corriger une faute d’accord ; il est néanmoins intéressant d’en évoquer certains. Notons aussi que, pour cet article et les suivants, discutés le 19 juillet, ce n’était pas Mathieu Darnaud qui était le rapporteur de la commission des lois, mais Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine, UC). De même, la ministre en séance n’était pas Jacqueline Gourault, mais Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Pour commencer, cinq amendements proposaient de renoncer à cette faculté de déléguer ce droit de préemption. On retiendra l’argumentation de Jacky Deromedi (Français établis hors de France, LR) : « S’agissant de déléguer un droit de préemption sur tout ou partie d’une aire d’alimentation de captages, et non pas seulement lors d’opérations ponctuelles d’aliénation, il semble préférable d’en réserver l’exercice aux seuls titulaires que sont les communes, groupements de communes et syndicats mixtes compétents, qui doivent en conserver la pleine maîtrise. Les titulaires précités, qui demeurent les garants de l’intérêt public, disposeront toujours de la faculté de rétrocéder le foncier acquis, le cas échéant, à des régies, si cette rétrocession se révèle nécessaire. »

Déléguer la gestion du captage mais pas la maîtrise du foncier ?

Et celle d’Alain Richard (Val-d’Oise, RDPI) : « L’acquisition du sol et la maîtrise de l’espace de captage constituent le cœur du dispositif de préservation de la ressource en eau et sont assorties de missions importantes de protection de la biodiversité. La collectivité maître d’ouvrage, que ce soit un syndicat mixte ou un EPCI, peut tout à fait déléguer l’activité de gestion du captage. Toutefois, la prise en charge de l’acquisition des sols, avec les aspects stratégiques que cela comporte, doit, selon nous, rester de la seule responsabilité des collectivités territoriales ou de leur groupement. »

Par ailleurs, trois autres amendements, en discussion commune avec les cinq premiers, visaient à imposer aux titulaires de ce droit de préemption de signer au préalable une convention avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Concernant les cinq premiers, la rapporteuse étaya ainsi son avis défavorable : « Il arrive fréquemment qu’une commune, un EPCI-FP ou un syndicat délègue tout ou partie de sa compétence en matière d’eau potable à un établissement public créé à cet effet. Dans ce cas, la compétence n’est pas exercée en régie directe, mais par l’intermédiaire d’une régie personnalisée.

« L’article 60 du projet de loi prévoit que, dans ce cas, l’autorité compétente puisse aussi déléguer à cet établissement public l’exercice de son droit de préemption de terrains agricoles pour la préservation des ressources en eau potable. Cette possibilité de délégation du droit de préemption me paraît assez ordinaire, puisqu’elle existe dans le droit urbain. »

Éviter les allers-retours incessants

Et contre les trois autres, elle se montra inflexible : « Nous ne pouvons, dans un projet de loi qui vise à soutenir les libertés locales, imposer aux communes ou à leurs groupements de conventionner avec la Safer pour exercer le droit de préemption de terrains agricoles. S’il faut que les collectivités discutent, y compris avec la Safer, on ne peut néanmoins prévoir une telle obligation. »

La ministre avança des arguments analogues, avec un complément à l’encontre des cinq premiers amendements : « Il s’agit d’éviter les allers-retours incessants entre ceux qui siègent formellement et ceux qui agissent concrètement. »

Ces huit amendements rejetés, le Sénat en examina deux autres, les nos 171 rectifié ter et 1381 rectifié ter, qui visaient à imposer la consultation de la chambre d’agriculture sur un projet d’obligation environnementale destiné à encadrer un bail agricole.

Jacky Deromedi les défendit ainsi : « Si la protection de la ressource en eau doit, dans certains secteurs, s’accompagner de changements de pratiques agricoles via des clauses environnementales proposées au preneur en place, il est essentiel que la nature de ces clauses et leur objet puissent être appréhendés au regard des impacts qu’elles engendrent sur l’exploitation agricole de l’occupant des parcelles concernées.

« Un accompagnement par une chambre d’agriculture susceptible d’apporter des conseils pédologiques, technico-économiques et agronomiques serait de nature à garantir les résultats attendus en matière de qualité de l’eau, tout en préservant un équilibre économique pour le locataire en place. »

Ces amendements furent combattus par la rapporteuse : « Ils sont contraires au principe de liberté contractuelle, y compris des collectivités territoriales. Faisons confiance aux élus sur ce sujet extrêmement important : ils savent prendre en compte les enjeux agricoles, très présents pour l’avenir de leur territoire. »

Et par la ministre, avec un autre argument : « Imposer une consultation sur des baux pouvant être librement signés entre des acteurs tout à fait capables d’intégrer des clauses environnementales ne me semble pas aller dans ce sens de la simplification que nous souhaitons. Au contraire, cela tendrait à rigidifier plus qu’à simplifier. » Les nos 171 rectifié ter et 1381 rectifié ter furent ainsi repoussés.

Geler les biens préemptés durant neuf ans ?

Les quatre amendements suivants demandaient que les biens ainsi préemptés restent au moins neuf ans dans le patrimoine de l’acquéreur. Ils furent défendus avec brio par Alain Richard : « La chronique des dernières années nous a montré que les ministres de l’agriculture successifs vivaient des moments parfois intenses liés au contrôle de constitutionnalité sur l’exercice du droit de préemption.

« À plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a fixé une limite au droit de préemption en le définissant comme une atteinte substantielle au droit de propriété. Il ne peut donc pas être utilisé avec une complète liberté. En l’occurrence, il s’agit de biens préemptés en vue de la préservation de la ressource en eau, c’est-à-dire d’une mission publique reconnue.

« Il paraît problématique, en tout cas quelque peu perturbateur du marché foncier agricole, qu’ils puissent être revendus huit jours après. L’amendement vise à introduire une précaution juridique en relation avec leur objet d’intérêt public, en prévoyant que les propriétés restent dans le patrimoine de la collectivité ou de l’établissement qui les a acquises pendant au moins la durée d’un bail agricole. »

Cette argumentation mit la rapporteuse mal à l’aise : « Ces amendements me perturbent quelque peu. Lors de l’acquisition d’un bien, au-delà des contraintes imposées dans les dispositions régissant l’acte de vente, le propriétaire dispose du bien qu’il a acquis. Or ces amendements prévoient qu’un EPCI ou une commune qui aurait acquis des terrains par droit de préemption les laisse pendant neuf ans non occupés ou non exploités.

Laisser une terre agricole en friche durant neuf ans ?

« La chose me semble assez compliquée puisqu’une commune ou un EPCI n’a pas vocation à exploiter directement des terres agricoles. On ne peut pas imposer à une collectivité de laisser des terrains en friche pendant neuf ans au prétexte qu’elle ne peut pas les confier à un exploitant. En outre, je rappelle que ces acquisitions sont faites en vue de constituer des réserves pour l’eau potable. »

Le point de vue de la ministre fut plus simple : « Nous cherchons à simplifier. Aussi, imposer à une collectivité de se retrouver propriétaire pour neuf ans d’un terrain sur lequel on n’est même pas certain, au moment où elle active le droit de préemption, qu’elle va effectivement y organiser un captage de l’eau me paraît aller dans le sens contraire de ce que nous visons au travers de ce projet de loi.

« L’objectif est que toutes les précautions soient prises, c’est-à-dire que le droit de propriété soit préservé et que les compensations éventuelles soient activées. Néanmoins, ne nous mettons pas dans la situation de regretter dans quelques années d’avoir obligé les collectivités à devenir propriétaires pour neuf ans ! »

Mais Alain Richard n’avait pas dit son dernier mot : « Il ne s’agit pas d’une acquisition ordinaire à l’amiable, mais d’une acquisition contrainte avec un objectif d’intérêt public. Aussi, logiquement, la collectivité ne s’est pas trompée en achetant ce terrain par voie de contrainte : c’est pour elle une nécessité. Pardonnez-moi, madame la rapporteuse, mais l’amendement ne tend aucunement à empêcher la collectivité de donner à bail ce bien et de le rendre inutile sur le plan agricole. C’est bien le transfert de propriété qui est problématique. Il me semble que la prudence constitutionnelle consisterait plutôt à ne pas trop se risquer sur ce sujet. »

La préemption est une procédure très encadrée

Toutefois, Françoise Gatel n’était pas à court d’arguments : « J’entends ce que dit notre collègue Richard mais, encore une fois, un droit de préemption ne s’exerce pas aisément et facilement. Nous le savons, lorsque des collectivités ont besoin d’acquérir des terres agricoles, notamment en vue de constituer des réserves d’eau potable, cela induit tout un processus, un certain nombre de contrôles, d’autorisations et de conditions. Aussi l’acquisition par préemption constitue-t-elle un droit très précis et contraint.

« Encore une fois, ces amendements tendent à bloquer la collectivité ou l’EPCI pour une durée de neuf ans. On touche un peu fortement, nous semble-t-il, au droit de propriété. En outre, rappelons que l’acquisition est faite en vue d’un intérêt général qui ne saurait être discuté, puisqu’il s’agit de constituer des réserves en eau potable. Je maintiens donc la demande de retrait de la commission. »

Il s’en suivit un débat où les points de vue ne relevaient pas du positionnement politique, mais de la conviction des orateurs, comme c’est souvent le cas au Sénat. On relèvera en particulier l’intervention d’André Reichardt (Bas-Rhin, apparenté LR) : « Je comprends les arguments de M. Richard. Il me semble évident que le droit de préemption porte atteinte au droit de propriété. Nous devons donc faire attention.

« La solution ne se trouverait-elle pas, beaucoup plus simplement, dans l’explicitation du motif de la préemption ? Dès lors que la collectivité a expliqué clairement pourquoi elle préemptait, le fait qu’elle revende les terres ainsi acquises, conformément au processus indiqué dans le motif de la préemption, ne me semble pas gênant.

« Me dérange, en revanche, le fait que la commune puisse se défaire du bien préempté pour un motif différent de celui invoqué pour la préemption. Voilà, me semble-t-il, le problème soulevé par les auteurs des amendements.

« La rédaction de ces amendements ne permet pas de répondre à cette problématique puisqu’il s’agit, en l’occurrence, exclusivement d’une thématique temporelle. Il est vrai que la durée du bail rural peut poser problème. C’est la raison pour laquelle je voterai contre ces amendements. La volonté originelle des auteurs de ces amendements était d’éviter que le droit de préemption ne soit détourné par une cession ipso facto, au lendemain de la préemption. Ce risque subsiste, mes chers collègues. »

Des obligations précises en cas de revente

La rapporteuse se voulut rassurante : « Je comprends quelles précautions les auteurs des amendements souhaitent prévoir. Mais l’article 60 du présent projet de loi définit très précisément les obligations de l’acquéreur éventuel : nous avons sécurisé le dispositif. Par ailleurs, nous avons voté une disposition en ce sens en 2019, dans la loi Engagement et proximité. » Et la ministre renchérit sur cet argument : « Soyons clairs : dans le meilleur des cas, après préemption, le droit de propriété est transféré de manière durable, bien au-delà de neuf ans.

« Obtenir un titre de propriété pour un terrain dont on ne sait plus que faire durant neuf ans, cela crée de la rigidité. Dans ce cas de figure, votre argument est le bon. Néanmoins, le droit de préemption doit être manié avec beaucoup de précautions, le transfert de propriété se faisant dans des conditions très complexes.

« Il nous semble utile de conserver un minimum de souplesse pour les collectivités qui voudraient rétrocéder ce droit avant une durée fixe de neuf ans. Je me range donc totalement à l’avis émis par la commission. » Ce débat s’acheva par le rejet de ces quatre amendements.

Les deux derniers amendements sur cet article, les nos 545 et 1525, visaient à rétablir le régime des obligations réelles environnementales, que la commission des lois avait remplacé par un autre dispositif. Jean-Michel Houllegatte (Manche, SER) les défendit en détail : « Ces obligations ont été créées par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dite loi Biodiversité. Elles permettent à un propriétaire immobilier de mettre en place une protection de l’environnement attachée à son bien pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans. Elles se traduisent par l’inscription dans un contrat d’obligations ayant pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques.

Un régime utile ou lacunaire ?

« Ce régime est donc totalement en phase avec l’esprit des objectifs environnementaux et climatiques que la France se fixe. Or les rapporteurs ont supprimé ce régime, au motif qu’il était “extrêmement lacunaire”. Les auteurs de cet amendement ne partagent pas la volonté de supprimer cet outil. Ils estiment qu’une telle réforme nécessiterait une étude d’impact et un débat à part entière.

« Dans un rapport du Gouvernement rendu au Parlement en janvier 2021 sur ces obligations, aucune remise en cause de ce dispositif n’a été mise en avant. Si le Gouvernement y reconnaissait que “l’absence de mécanisme de suivi de la signature de ces contrats rend difficile l’existence d’une vision nationale de la mise en œuvre” de ces obligations, il n’en remettait nullement en cause l’existence et la pertinence.

« Il précisait même, en conclusion, que si des évolutions du mécanisme des obligations peuvent être envisageables, une telle décision “semble en tout état de cause prématurée compte tenu du manque de recul sur l’utilisation de cet outil dont elle serait de nature à changer la philosophie”. Nous proposons tout simplement de ne pas supprimer ce régime. »

Cette leçon suscita l’agacement de la rapporteuse : « Je ne plaiderai pas coupable à propos du travail de la commission. Je rappelle qu’ici, nul ne remet en cause l’enjeu de la transition écologique et de l’environnement. Il arrive toutefois qu’au sein de la commission des lois, et au Sénat en général, nous fassions aussi du droit. Or il se trouve que l’obligation réelle environnementale répond à une définition quelque peu baroque sur le plan juridique et qu’elle n’a pas vraiment d’existence.

Remplacer la littérature par le droit

« Dans son rapport sur ce texte, la commission a écrit une dizaine de pages motivant sa position. Le Gouvernement, je crois, a dû en écrire quelques autres. Il nous semble que les obligations réelles environnementales relèvent davantage de la littérature et de la bonne intention que du droit. Ces obligations étant difficiles à définir, il n’y a aucune matière pour évaluer les choses et les faire respecter. D’ailleurs, le ministère de la justice n’a même pas été associé à cette réflexion. Je souhaite donc en rester à la version de la commission qui, juridiquement, est plus robuste. »

Pour une fois dans cet article, la ministre adopta une position inverse à celle de la commission : « Le dispositif des obligations réelles environnementales […], souple, n’a jamais entraîné, à notre connaissance, de fragilité juridique depuis 2016 : aucune décision de justice n’est venue contester cette obligation. Le Gouvernement, par cohérence, avait proposé une rédaction initiale de l’article 60 qu’il juge toujours appropriée. Au contraire, celle de la commission ferait évoluer très significativement ce dispositif juridique et, à bien des égards, le rendrait assez complexe à mettre en œuvre. » Mais son avis favorable n’empêcha pas la majorité sénatoriale de rejeter les nos 545 et 1525 avant d’adopter l’article.

L’article 64 crée une obligation de réaliser un diagnostic de l’ouvrage de raccordement à l’assainissement collectif, et une obligation de réaliser les travaux prescrits à l’issue de ce diagnostic. Ce mécanisme, calqué sur celui qui s’applique déjà pour l’assainissement non collectif, est déjà largement pratiqué sur le terrain.

Cet article constitue ainsi une validation législative et une généralisation ; la commission l’a en effet étendu à l’ensemble du territoire national, alors que le texte original le limitait à l’Île-de-France. Il n’a fait l’objet que d’un amendement, le n987 rectifié bis, qui visait à à doubler le délai de remise du diagnostic de raccordement à l’assainissement collectif au moment de la vente immobilière d’un immeuble, en le faisant passer d’un à deux mois.

Forte de son expérience d’élue locale, la rapporteuse estima que cet allongement était inutile : « Il appartient au vendeur et au notaire de ne pas attendre la date de la signature du compromis de vente pour s’activer sur la demande de contrôle. » La ministre abonda dans son sens, tout en ajoutant qu’un décret préciserait cette question. Le n987 rectifié bis fut ainsi retiré et l’article 64, adopté.

Imposer la mise aux normes de l’assainissement

Dans la foulée, la rapporteuse présenta son amendement n1723, qui ajoutait un nouvel article visant à donner aux élus locaux des pouvoirs de contrainte pour imposer aux propriétaires la mise aux normes de leur assainissement, collectif ou non collectif. Après une mise en demeure demeurée infructueuse, ils pourraient faire prononcer par le juge une astreinte pouvant atteindre 100  par jour de retard, dans la limite de 5 000 . Pour l’instant, le seul levier à la disposition des élus est la majoration de la redevance pour service rendu, que Françoise Gatel a estimée « juridiquement fragile ».

Pas d’accord, lui répondit la ministre : « Vous soulignez, madame la rapporteuse, que le dispositif actuel serait une sanction déguisée en redevance pour service rendu. Ce n’est pas le cas puisqu’il s’agit bien d’une taxe fiscale, comme l’a reconnu le Conseil constitutionnel en décembre 1983. Par ailleurs, aucune difficulté de mise en œuvre n’a été portée à la connaissance du Gouvernement sur cette réalité bien connue du Conseil constitutionnel depuis 1983.

Une procédure plus lourde à la charge des élus locaux

« Sur le fond, les mises en demeure et les astreintes donnent beaucoup plus de travail aux collectivités. Je ne suis pas certaine que, tel que vous l’avez conçu, cet amendement permette de manière aussi claire que vous le souhaitez de prévoir des pénalités systématiques. » Mais malgré son avis défavorable, l’amendement n1723 fut adopté, ajoutant encore un article au texte.

Enfin, toujours dans le même esprit, le Sénat a adopté sans débat ni modification l’article 64 bis, ajouté par la commission des lois. Il permettra au service de gestion des eaux pluviales urbaines de contrôler le raccordement des immeubles au réseau correspondant. Pour ce faire, ses agents pourront accéder aux propriétés privées.

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