Éditorial : Accompagner la Deru

En 1990 et 1991, en même temps que la Communauté économique européenne élaborait la première directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (Deru), la France se mettait en état de l’appliquer sans délai. Michel Rocard, alors Premier ministre, considérait que la politique française de l’eau devait rattraper un retard de plus de dix ans et devenir exemplaire. Le principal défi était la mise aux normes de l’assainissement, et l’hôte de Matignon a donc convoqué des assises nationales de l’eau, précédées par des réunions dans les régions et les bassins, pour dresser un état des lieux, prévoir les moyens nécessaires et appliquer la Deru dès qu’elle serait publiée.

La conclusion des travaux préparatoires était notamment qu’il faudrait au moins doubler les investissements dans ce domaine. Les assises de l’eau en ont tiré la conclusion qu’il faudrait doubler le prix de l’eau et les budgets des agences de l’eau. Ce point acquis, on a pu déterminer qui ferait quoi, à quel prix et avec quelles aides. On avait hélas oublié de faire participer aux débats les principaux intéressés : les usagers. Ceux-ci ont vigoureusement protesté, ce qui a retardé l’application de ces décisions. En fin de compte, la France a mis beaucoup plus de temps que prévu pour respecter la Deru, et c’est seulement à partir de 2007 qu’elle s’est définitivement mise aux normes, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie. Il subsiste d’ailleurs toujours quelques points noirs aujourd’hui, mais ce n’est plus grand-chose par rapport à certains États membres de l’Union européenne.

À présent qu’il est question de réviser la Deru, la France prépare à nouveau un plan national assainissement. Il lui permettra notamment de faire face à cette révision, mais il portera aussi sur d’autres sujets d’actualité, comme la lutte contre les lingettes, l’adaptation au changement climatique et à l’évolution des débits et de la pluviométrie, l’infiltration à la source des eaux pluviales, le contrôle des branchements, la réutilisation des eaux usées traitées, la production d’énergie verte, la valorisation des boues, de l’azote et du phosphore. Un programme de travail très complet.

On notera toutefois une différence majeure avec la démarche suivie il y a trente ans. En 1990 et 1991, Michel Rocard, en tant que Premier ministre, avait pu imposer d’emblée au ministère des finances de desserrer les cordons de la bourse au profit de l’assainissement. À présent, le futur plan national assainissement portera d’abord sur des questions techniques, qui seront débattues entre le ministère de la transition écologique et ses interlocuteurs habituels. On abordera bien la question du coût de toutes les mesures envisagées, et sans doute aussi des financements envisageables, mais il faudra ensuite négocier âprement avec Bercy pour passer du concept à la concrétisation. Ce sera beaucoup plus ardu que du temps de la loi sur l’eau de 1992.

René-Martin Simonnet

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