o Éditorial : Audit des agences de l’eau

Tous les six ans, la Cour des comptes publie un bilan du programme échu des agences de l’eau. Et tous les six ans, elle écrit que les agences n’ont pas rempli correctement leurs missions, bien qu’elle soit incapable de définir ces missions, ni même de les énumérer. Cela ne lui importe guère, puisque son seul objectif est de faire disparaître totalement l’autonomie de ces organismes, voire les organismes eux-mêmes, qu’elle a combattus dès leur création en 1964.

On ne risquait guère de parvenir aux mêmes conclusions avec l’audit interne des agences de l’eau réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable. D’abord parce que le CGEDD connaît parfaitement le rôle et les missions des agences. Mais surtout parce qu’il s’est limité à cinq sujets précis, rarement abordés par la Cour des comptes alors qu’ils sont les plus importants : la stratégie et la gouvernance, l’organisation interne, les relations avec les autres acteurs publics, les interventions financières, la politique des redevances.

La mission chargée de ce travail devait surtout aborder un point très délicat, dont ne parlent jamais ni la Cour des comptes ni les ministères de tutelle : les dépenses imposées aux agences de l’eau dans les domaines pour lesquels il n’existe toujours pas de redevance spécifique, en particulier la biodiversité terrestre et marine. Elle devait identifier la manière dont cette situation, contraire au principe pollueur-payeur, était perçue par les différents acteurs, et les risques qui pourraient en résulter pour l’application des politiques concernées. La question est loin d’être anodine si l’on se souvient comment, à partir de 1993, les usagers domestiques se sont révoltés contre le doublement des redevances. Il s’agissait pourtant alors d’appliquer la Deru, qui relève bien des missions originelles des agences de l’eau ; mais on avait juste oublié d’en avertir au préalable les redevables. Est-ce une bonne idée de faire payer la préservation de la biodiversité par les consommateurs d’eau, alors qu’ils sont loin d’être les principaux responsables de son érosion ?

La mission a travaillé en quantifiant les risques présentés par chaque problème potentiel identifié dans les cinq sujets énumérés ci-dessus, et en proposant des pistes pour réduire ces risques. C’est ainsi qu’elle recommande notamment : 

de fonder le pilotage des agences par leur tutelle sur des indicateurs stables de résultats plutôt que de moyens (risque orange),

d’augmenter le nombre de représentants des consommateurs dans les comités de bassin (orange),

de cesser de réduire les effectifs des agences (rouge),

de ne plus financer aucun renouvellement d’équipements relevant du petit cycle de l’eau, une fois achevé le plan de relance (rouge),

de se préoccuper du rejet du financement de la biodiversité par de nombreux acteurs de l’eau (orange),

de regrouper dans une seule ligne analytique les dépenses concernant l’adaptation au changement climatique (orange),

de réformer rapidement la redevance pour pollution domestique (rouge),

d’harmoniser davantage les taux de certaines redevances, d’en relever les plafonds et de fixer des planchers (rouge).

Plus généralement, elle estime que « la participation des agences à la mise en œuvre de la politique de l’eau donne satisfaction, à la hauteur des forts enjeux de cette politique » ; et que les comités de bassin, les conseils d’administration et les équipes dirigeantes étaient impliqués et mobilisés en faveur de cette politique. Exactement l’inverse de ce que prétend la Cour des comptes… Mais elle avertit que, si la France n’atteint pas les objectifs de la directive-cadre sur l’eau, la réduction des budgets et des effectifs des agences de l’eau risque d’augmenter l’éventualité d’un contentieux européen. Malgré toutes ses déclarations incendiaires à l’encontre des agences, Bercy pourrait être sensible à ce dernier argument.

René-Martin Simonnet

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