o Éditorial : Caussade en sursis

Un jugement pénal qui contente tout le monde, ce n’est pas si fréquent. Pourtant, si l’on en croit les parties en présence, la cour d’appel d’Agen n’a fait que des heureux avec son arrêt du 13 janvier sur le barrage illégal de Caussade. En première instance, le 10 juillet 2021, le président de la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne, avait été condamné à neuf mois de prison fermes et à la révocation d’un sursis de quatre mois, soit treize mois de prison au total, et le vice-président, Patrick Franken, à huit mois fermes et à la révocation d’un sursis de quatorze mois, soit vingt-deux mois au total. Les deux hommes avaient fait appel et n’avaient donc pas été incarcérés. La cour d’appel a rallongé les peines à dix mois dans les deux cas, mais assortis d’un sursis probatoire pour une période de dix-huit mois. Elle les a en effet relaxés de l’infraction de complicité de mise en danger de la vie d’autrui.

Tout heureux d’avoir échappé à la prison jusqu’à nouvel ordre, les condamnés se sont hautement félicités de ce jugement devant leurs partisans de la Coordination rurale, qui font bloc derrière eux depuis le début de l’affaire. En face, les associations de protection de l’environnement qui avaient porté plainte ont un peu regretté cette relative mansuétude de la justice, mais elles se sont consolées en soulignant que c’était la première fois qu’une peine de prison, même avec sursis, était prononcée par une cour d’appel dans une affaire de ce genre. Surtout, les juges ont confirmé les peines pécuniaires : 7 000  d’amende pour le président et le vice-président, 20 000  ferme et autant avec sursis pour la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, et 72 900  d’indemnités diverses au bénéfice des plaignants, parmi lesquels Enedis dont des installations ont été endommagées pendant la construction de cet ouvrage illégal.

Et maintenant ? Le barrage a été mis en service, il retient près d’un million de mètres cubes qui ont été utilisés pour l’irrigation l’été dernier. Il a été déclaré illégal par la justice administrative pour défaut d’autorisation au titre de la législation sur l’eau, mais la Coordination rurale veille sur lui et a jusqu’à présent bloqué toute tentative de le détruire, alors que des études ont montré qu’il risquait de se dégrader. L’arrêté préfectoral imposant la remise en état des lieux a été suspendu, mais pas annulé ; il peut donc être remis en vigueur à tout moment, et le barrage est toujours en sursis.

En accordant aux condamnés dix-huit mois de sursis probatoire, la cour d’appel a laissé un peu de temps au temps ; mais une fois passée l’actuelle période électorale, l’État devra bien se saisir de ce dossier qu’il a laissé dormir depuis trois ans. D’ici au 13 juillet 2023, on peut espérer que les esprits se refroidiront et qu’un compromis sera trouvé. Il sera très difficile à faire accepter par les parties en présence, d’autant plus que chacune est intimement convaincue de son bon droit. L’agitation médiatique va retomber, mais les prochains ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement auront intérêt à ne pas attendre qu’elle se réveille pour trancher.

René-Martin Simonnet

Rectificatif : En écrivant l’éditorial de la semaine dernière, j’ai pris un 2 pour un 1. Par conséquent, la commission mixte paritaire sur le projet de loi 3DS ne s’est pas réunie lundi dernier, le 17 janvier, mais elle se réunira jeudi prochain, le 27 janvier. Cela rend encore plus serré le calendrier pour l’adoption définitive du texte en cas d’échec de cette CMP.

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