o Éditorial : CGDE

Même les salons et les congrès sont mortels, mais ils peuvent parfois survivre à une crise en se transformant. C’est le cas des Assises nationales de l’assainissement non collectif (ANC), qui ont accompagné l’éclosion et la croissance des services publics d’assainissement non collectif (Spanc). Une première édition de ces assises avait été tentée en 2001 à Orléans, mais le sujet n’était pas mûr du tout et l’idée avait été rangée dans un tiroir par l’organisateur, le Réseau Idéal, devenu désormais Idéalco (ou idealCO, comme il l’écrit avec un brin de maniérisme). Elle avait été ressortie en 2005, car la loi imposait aux communes de créer ces Spanc avant 2006. Et cette première vraie édition avait été un succès.

Chaque année depuis, ces assises se tenaient dans une ville différente, et plus largement dans un bassin différent, car elles étaient alors subventionnées par les agences de l’eau, chacune à son tour. Cette rotation permettait aux spanqueurs de toute la France d’y participer au moins une fois tous les six ans sans avoir à casser leur tirelire – pas celle de leur Spanc, car ces services avaient des budgets anémiques. On y trouvait un salon où les entreprises du secteur présentaient leurs produits, ce qui permettait aux spanqueurs de découvrir la dernière fosse toutes eaux ou microstation des principaux fabricants.

On pouvait surtout suivre des conférences et des débats destinés à un public qui s’y connaissait souvent autant que les orateurs et qui réclamait des données précises, et non un vague verbiage commercial. Les entreprises y trouvaient une mine d’informations pour faire évoluer leurs équipements en fonction de ces remontées du terrain. Et très vite, les Assises nationales de l’ANC sont devenues le cadre des annonces importantes. Ainsi, telle entreprise lançait une étude sur les installations d’ANC en fonctionnement et en distillait les résultats une année après l’autre. Telle évolution réglementaire était annoncée, puis débattue pendant un an entre les autorités et les acteurs de l’ANC, puis publiée un peu avant les assises suivantes, de manière à y être présentée en détail. Je mentionnerai en particulier Jessica Lambert, qui était chargée de l’ANC au ministère de l’écologie et qui ne manquait pas une édition, passant souvent une après-midi entière à dialoguer avec une salle de plusieurs centaines de personnes attentives et passionnées.

Mais ces assises ont aussi été le théâtre d’un véritable drame, quand une équipe de chercheurs présenta les résultats d’une autre étude sur les installations d’ANC en fonctionnement, en 2017 à Limoges. Ce travail, piloté par l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea, désormais absorbé par l’Inrae), était très critique à l’égard de certains modèles, dont la plupart des microstations à culture libre, ce qui n’étonna pas grand monde. Mais il souffrait de plusieurs biais, par exemple des protocoles imprécis pour le prélèvement des échantillons d’eaux usées traitées. Il en résulta une crise chez les fabricants d’équipements agréés, qui décidèrent notamment de boycotter la manifestation et de ne plus la financer. Les dernières Assises nationales de l’ANC se réunirent en 2018 à Dunkerque.

En 2019, l’organisateur changea légèrement la formule et son intitulé : ce furent les Rencontres nationales de l’ANC, qui se tinrent à Dijon. Par chance, la région, le département et la métropole trouvèrent valorisant d’héberger désormais cette réunion chaque année, et de la subventionner au moins au début. On perdait ainsi l’itinérance qui avait permis aux spanqueurs de toute la France de participer de temps à autre. En contrepartie, la manifestation put survivre à la crise sanitaire, non sans peine. Après avoir porté durant deux ans un nom invraisemblable, qu’il vaut mieux oublier, elle a retrouvé une certaine vitalité cette année, sous le nom de Carrefour des gestions durables de l’eau (CGDE). Cet intitulé est inspiré du Carrefour des gestions locales de l’eau (CGLE), réuni chaque année à Rennes par le même organisateur depuis 1999.

Le premier CGDE s’est donc déroulé mercredi et jeudi derniers, et il a tenu ses promesses, avec environ 80 exposants et 2 000 participants. C’est peu par rapport aux 500 exposants et aux 13 000 visiteurs du CGLE ; mais c’est une bonne base de départ, et l’édition 2023 est déjà prévue. La manifestation mélange plusieurs thèmes, parmi lesquels la gestion des eaux pluviales, la réutilisation des eaux usées traitées, la Gemapi, les économies d’eau ; et tout de même une bonne dose de conférences sur l’ANC, dont certaines ont été suivies par plusieurs centaines de spanqueurs et d’autres acteurs de ce secteur. Certains préfèrent d’ailleurs considérer qu’il s’agissait de la dix-neuvième édition des Assises nationales de l’ANC, malgré le peu d’exposants de ce secteur. En tout cas, le ministère de la transition écologique était de nouveau représenté par celle qui a repris le flambeau de l’ANC, Maïmouna Ndiaye, aussi appréciée pour sa capacité de dialogue que l’était Jessica Lambert en son temps.

René-Martin Simonnet

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