o Éditorial : Conclusions du Varenne de l’eau

Si tous les sondages actuels prédisent une réélection confortable du pas-encore-candidat Emmanuel Macron, ils sont nettement plus incertains en ce qui concerne les législatives qui suivront. Le président réélu pourrait bien se retrouver sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, obligé de s’appuyer sur des groupes plus ou moins alliés, à droite ou à gauche. François Mitterrand y était parvenu entre 1988 et 1993 ; mais son successeur actuel n’a pas la même capacité à louvoyer. Le gouvernement sortant fait donc tout son possible pour éviter cette situation. Pour cela, il donne des gages aux électeurs encore hésitants, en particulier ceux du monde rural.

C’était toute la raison d’être du large débat intitulé Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, qui a été conclu mercredi dernier par un discours du Premier ministre. Dans un moment pareil, Jean Castex préfère faire oublier qu’il est énarque et qu’il a fait l’essentiel de sa carrière à la Cour des comptes, dans des ministères et à l’Élysée, avant d’entrer à Matignon. Il insiste plutôt sur ses mandats locaux dans les Pyrénées-Orientales, un territoire où l’agriculture est largement tributaire de l’irrigation. D’où un intérêt tout particulier pour ce sujet, qu’on aurait cherché en vain chez son prédécesseur normand, Édouard Philippe.

Dans son discours, Jean Castex a aligné les promesses d’aides de l’État : 300 M en plus pour l’indemnisation des agriculteurs victimes des aléas climatiques, 200 M pour l’adaptation des filières agricoles au changement climatique et l’achat de matériel agricole adapté, une aide non chiffrée à la recherche, notamment pour le développement de variétés plus résistantes à la sécheresse, un cofinancement par l’État des projets de restructuration des investissements, sur le modèle du GIP Transitions créé en Occitanie, 700 M provenant du plan de relance pour l’adaptation des pratiques culturales, 13 M pour recenser par satellite les retenues d’eau inutilisées, 100 M pour financer des dispositifs innovants de pilotage intelligent des stockages d’eau et pour expérimenter le stockage des pluies hivernales et la réutilisation des eaux usées, etc.

Malgré ce milliard et demi, dont une bonne partie proviendra sans doute des agences de l’eau, les agriculteurs n’ont pas tous été emballés par les conclusions du Varenne de l’eau. Beaucoup d’irrigants en attendaient en effet une quasi-suppression des obligations réglementaires qui encadrent les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), afin de pouvoir réaliser librement autant que réserves d’eau qu’il leur plairait, avec des aides publiques. Ils ont certes obtenu une promesse d’assouplissement des règles, qui se traduira par une « mise à jour » de l’instruction de 2019 sur le PTGE, une révision à la marge du décret n2021-795 du 23 juin 2021 et une modification rapide des schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux, qui seront votés le mois prochain. Et les préfets pourront débloquer les projets de PTGE en attente, mais seulement s’ils sont conformes à la réglementation.

Car les débats ont aussi prouvé clairement l’indigence de nombre de ces projets, notamment en matière d’optimisation de la consommation d’eau. Avec l’aide du Comité national de l’eau, la secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Abba, a obligé le monde agricole à le reconnaître. À tel point que le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, qui voulait à l’origine « conforter les PTGE », a sensiblement infléchi sa rhétorique et parle désormais de « conforter et améliorer les PTGE ». C’est là une nuance de taille. Certes, la plus grande partie du monde agricole n’est pas prête à rejoindre la position de la Fédération nationale d’agriculture biologique : « Le modèle agricole doit s’adapter aux volumes prélevables, et non l’inverse. » Mais l’essentiel est que les PTGE devront toujours être élaborés dans une logique de concertation et d’adaptation de l’agriculture aux ressources en eau du territoire. C’est-à-dire en respectant les principes fondateurs de la politique de l’eau.

René-Martin Simonnet

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