o Éditorial : Énergie

Un des enjeux de la révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (Deru) est la prise en compte de la consommation d’énergie. Si l’on en croit Michel Sponar, qui prépare cette révision au sein de la Commission européenne, les États membres consacrent entre 1 % et 8 % de leur consommation d’énergie à l’assainissement des eaux usées. D’autres évaluations parviennent à une moyenne de 2 %. Et si l’Union européenne veut parvenir à la neutralité énergétique en 2050, il lui faudra réaliser des économies dans ce domaine-là aussi. Pour cela, il faudra à la fois réduire la consommation et accroître la production d’énergie dans les systèmes d’assainissement.

Dans les réseaux de collecte des eaux usées urbaines, les économies seront difficiles à dénicher. Le principal poste de consommation est le pompage, dont l’importance dépend avant tout de la configuration du réseau : l’écoulement gravitaire n’est pas possible partout, surtout quand le relief est très accidenté. Un autre poste important est l’enfouissement des canalisations d’égout, sur lequel on ne peut pas non plus réaliser des économies, à moins de revenir aux réseaux unitaires. En revanche, il est assez facile d’extraire de l’énergie thermique des eaux usées, grâce à des échangeurs reliés à des pompes à chaleur. Plusieurs systèmes existent déjà, plus ou moins avancés et encore très chers ; mais si le prix de l’énergie augmente, ils seront de plus en plus compétitifs. Quant à l’utilisation du courant d’eau pour faire tourner des générateurs électriques, elle ne doit être envisagée qu’avec la plus grande prudence : tout obstacle dans les égouts se traduit par des dépôts de matières en suspension.

Dans les stations d’épuration, outre l’installation de pompes à chaleur, on peut aussi recourir à des procédés de traitement moins énergivores, lors de la construction ou de la modernisation de l’équipement. On peut aussi optimiser le fonctionnement des pompes et des autres appareils, en ajustant leur pilotage grâce à des capteurs et à des programmes informatiques dédiés. Mentionnons aussi des solutions classiques, comme l’installation de panneaux photovoltaïques voire d’éoliennes sur le site de l’équipement, ou le turbinage des effluents épurés en amont de leur point de rejet. Des exemples de tous ces équipements peuvent déjà se rencontrer dans des stations d’épuration françaises.

Pour être encore plus efficace, il faudra raisonner plus globalement, et accepter de consommer plus d’énergie dans une étape de traitement pour en économiser ailleurs. Par exemple, lors du dernier salon Pollutec, du 12 au 15 octobre, Suez a présenté deux équipements qui permettent de produire des boues d’épuration plus denses dans la filière de traitement de l’eau. Clément Roche, qui effectuait cette présentation, a reconnu qu’ils consommaient pas mal d’énergie ; mais il a estimé qu’en contrepartie, ils permettraient d’en économiser encore davantage dans la filière de traitement des boues.

Cette même logique pourrait-elle s’appliquer encore plus largement ? Par exemple, avec la réutilisation des eaux usées traitées, l’énergie consommée par un traitement plus poussée est-elle compensée par l’économie résultant du recours à cette ressource en eau alternative, abondante et accessible sans pompage ou presque ? Et la valorisation agricole des boues d’épuration consomme-t-elle globalement plus ou moins d’énergie que la production, le transport et l’épandage d’engrais chimiques ? Ou vaudrait-il mieux favoriser leur méthanisation suivie d’une incinération avec récupération de chaleur ? Et plus largement, si la Deru révisée fixe des règles générales pour calculer l’énergie dépensée ou économisée, à quel périmètre faudra-t-il les appliquer ? Et seront-elles adaptées à toutes les situations locales ?

René-Martin Simonnet

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