o Éditorial : On reparle d’eau

Depuis sa réforme l’an dernier, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) peut publier des déclarations de son bureau. À ce jour, on en recense trois, toujours sur des questions d’actualité : la guerre en Ukraine, l’interruption volontaire de grossesse et l’eau. Cette dernière, un petit texte de deux pages et demi adopté mardi dernier, porte sur la sécheresse et la canicule de l’été dernier. Elle énumère d’abord les conséquences de ce dérèglement climatique, préjudiciable « tant pour la biodiversité [et] l’environnement que pour les activités humaines : assèchement des cours d’eau déstabilisant les milieux naturels et impactant les flux et activités économiques, multiplication des incendies et mégafeux, impacts sur la consommation d’eau potable, impossibilité d’irrigation des cultures ».

S’il en souligne les effets pour l’économie, en particulier l’agriculture et la production d’électricité, le Cese aborde aussi un point qui est en général passé sous silence : « De nombreux défauts sur la qualité des masses d’eau ont été signalés, augmentés par la faible dilution due au manque d’eau et à la chaleur. Les difficultés persistantes de notre pays à respecter la directive-cadre sur l’eau (DCE) et à tenir l’objectif relatif à la qualité des masses d’eau s’en trouvent aggravées. » En outre, les restrictions imposées par les préfets dans 93 départements « ont ravivé des débats environnementaux (mégabassines, réservoirs d’eau…), notamment au regard du partage de l’effort à fournir pour préserver la ressource en eau ».

Le risque de voir ces dérèglements climatiques devenir plus fréquents affectera la capacité de reconstituer les réserves d’eau, et les tempêtes imposent de renforcer les réseaux d’eau et d’assainissement, ainsi que les politique publiques en la matière. Et le Cese enfonce le clou, en alertant « les pouvoirs publics sur la nécessité de répondre aux enjeux actuels et futurs relatifs à cette question, en y répondant par des politiques ambitieuses et justes. […] La mise en haut de l’agenda politique des questions relatives à l’eau est une nécessité. » Autrement dit, les Assises de l’eau et le Varenne agricole de l’eau sont loin d’avoir épuisé le sujet, et l’État ne peut pas se réfugier derrière ces exercices de concertation à huis clos pour s’en désintéresser.

L’assemblée du palais d’Iéna donne une liste non exhaustive de progrès à réaliser : apprendre à économiser l’eau tout au long de l’année, utiliser les solutions offertes par la nature, recenser les réserves d’eau, développer les interconnexions entre les réseaux d’eau potable, entretenir ces réseaux pour réduire les fuites, recycler les eaux usées, revoir l’agriculture en insistant sur la protection de la qualité de l’eau, adapter les productions agricoles à un climat plus chaud et plus sec, et faire évoluer « d’autres types d’activités, pour ne pas aggraver les pénuries d’eau et leurs effets, pour les gérer et s’y adapter ». Le Cese a par conséquent décidé de se lancer sur-le-champ dans la rédaction d’un « avis sur l’eau, dans ses trois versants : quantité, qualité et partage ».

Deux jours après, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a donné le coup d’envoi du premier chantier de la planification écologique, consacré à la gestion de l’eau. Christophe Béchu, accompagné de sa secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, d’une ministre déléguée relevant du ministère de la santé et d’un représentant du ministère de l’agriculture, a réuni à Marseille le président du Comité national de l’eau et les présidents des comités de bassin, toujours à huis clos. À lire le communiqué de presse publié après cette réunion à Marseille, il s’agit surtout de savoir comment atteindre l’objectif de baisse des prélèvements de 10 % d’ici à 2025 et de 25 % d’ici à 2035 : c’était déjà prévu à l’issue des Assises de l’eau, mais on n’a guère progressé depuis. Planifier la politique de l’eau, la France le fait depuis 1964. La seule vraie question est de savoir comment financer cette politique, et on n’a rien appris de nouveau à ce sujet jeudi dernier.

René-Martin Simonnet

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