À force d’entendre parler de la réforme des redevances des agences de l’eau, on pouvait se demander si elle finirait par voir le jour. C’est fait ! Elle figure à l’article 16 du projet de loi de finances pour 2024, avec une application prévue à partir du 1er janvier 2025. Cela laissera un an pour se préparer à cette évolution et pour prendre les nombreux textes et mesures d’application nécessaires. Sur un plan purement formel, cette réforme a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. En réalité, les débats sur cette question ont été des plus limités : la commission des finances a adopté cet article sans modification, le 13 octobre, en rejetant tous les amendements qui visaient pour l’essentiel à modifier des points de détail. Mais la commission a ensuite rejeté en bloc la première partie du projet de loi de finances, dont cet article.
En séance plénière, l’article n’a été évoqué brièvement que par le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Luc Fugit (Rhône, RE) : « L’article 16 acte une réforme attendue depuis des années, celle des redevances versées aux agences de l’eau, pour mieux établir le principe du pollueur-payeur et accroître le signal-prix sur les prélèvements. Il opère un rééquilibrage de l’effort entre [les] usagers, conformément aux annonces du plan Eau. Cela permettra aux agences de l’eau de bénéficier de ressources supplémentaires utiles dans un contexte de tensions autour de cette ressource. » Ensuite de quoi, mercredi dernier, la Première ministre a dégainé l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, avant le début de la discussion des articles. Les deux motions de censure ont été rejetées, et la première partie de la loi de finances est désormais considérée comme adoptée par les députés.
Le débat sur la réforme des redevances se déroulera donc au Sénat. En un certain sens, c’est mieux : les sénateurs sont beaucoup plus experts que les députés pour débattre de taxes qui affectent en priorité les services publics locaux d’eau et d’assainissement et leurs usagers. On peut déjà prévoir que la majorité sénatoriale ne suivra pas aveuglément Bercy sur ce sujet, et encore moins sur les redevances à la charge du monde rural. Toutefois, l’article 40 de la Constitution bridera leurs ardeurs défiscalisatrices, puisque tous les amendements visant à supprimer ou à réduire une redevance devront être gagés. En outre, on ne peut pas réclamer avec insistance des moyens supplémentaires pour les agences de l’eau tout en rognant sur les redevances qui constituent leurs seules recettes. Cela nous promet donc de belles discussions durant les prochaines semaines, dont nous rendrons compte dans ces pages.
René-Martin Simonnet