o Éditorial : Sécheresse ?

Avant de retourner labourer ses terres électorales de la Haute-Marne, Bérangère Abba s’est offert un dernier rendez-vous médiatique en tant que secrétaire d’État chargée de l’écologie. La proximité de l’élection présidentielle impose en effet aux ministres et sous-ministres la plus grande réserve en matière d’apparitions publiques, depuis le 18 mars. Le hasard du calendrier, ou le choix de l’intéressée, a fait que ce dernier rendez-vous a porté sur la politique de l’eau, et plus précisément sur la situation hydrologique. La secrétaire d’État a en effet réuni mercredi dernier le Comité d’anticipation et de suivi hydrologique (Cash), puis elle en a présenté le bilan à la presse. Un prochain Cash se réunira dans deux mois, mais on ne sait pas encore qui le présidera. Ce qu’on peut en revanche prévoir, c’est que son ambiance sera sans doute morose : après un hiver plutôt sec, Météo-France prévoit un printemps plus sec et plus chaud que la normale.

Grâce à des précipitations abondantes en septembre et décembre, la situation n’est pas catastrophique. Néanmoins, le cumul des précipitations depuis le début de l’automne est déficitaire de 25 % à 50 % dans le Grand Est, le sud-est méditerranéen, la Corse, le sud de la Bretagne et une zone allant de la Vendée à l’Indre. Ailleurs, il est habituel, voire excédentaire au pied des Pyrénées et dans quelques départements voisins. Grâce à leur répartition sur plusieurs mois, ces précipitations ont été assez efficaces sur l’ensemble du territoire métropolitain, avec une moyenne d’environ 300 mm d’eau absorbée par les sols, ce qui est toutefois inférieur à la moyenne dans beaucoup de régions. Au final, l’indice d’humidité des sols superficiels est à peu près conforme à la moyenne, sauf dans les départements du littoral méditerranéen et en Corse ; en revanche, si l’on prend aussi en compte les sols profonds, certains départements du Grand Est sont dans une situation très défavorable, de même que les Deux-Sèvres, le Var et les Alpes-Maritimes.

La carte des grandes nappes d’eau souterraines est à peu près identique, avec un déficit marqué dans le bassin de la Charente, les départements méditerranéens et une partie du bassin de la Saône. Mais en raison du déficit de précipitations en février, le niveau des nappes commence déjà à baisser dans de nombreuses régions. De même, le débit des cours d’eau est déjà faible dans le bassin aval de la Loire, le sud du Bassin aquitain, le sud du Massif central, le pourtour méditerranéen et la Corse. Toutefois, le taux de remplissage des barrages de soutien d’étiage est supérieur à 60 % à peu près partout.

La situation n’est donc pas catastrophique, mais elle est déjà préoccupante, et c’est pourquoi le Cash de mai prochain risque d’avoir à prendre des décisions difficiles. Dès à présent, les préfets sont invités à sensibiliser les agriculteurs et les autres acteurs économiques, pour qu’ils prennent des mesures d’anticipation. Ils s’appuieront sur la nouvelle réglementation sur la gestion de la sécheresse, à savoir le décret n2021-795 du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse et sa circulaire d’application du 27 juillet 2021. Sauf en Corse, les préfets coordonnateurs de bassin ont déjà pris les arrêtés d’orientation prévus par ces textes, qui fixent les grandes lignes des restrictions temporaires à imposer en fonction de la situation locale. La moitié des préfets ont déjà précisé ces mesures à l’échelle des départements. Il reste aux autres deux mois pour faire de même.

René-Martin Simonnet

Retour