o Éditorial : Sénégal

Dans cinq semaines s’ouvrira le neuvième forum mondial de l’eau à Diamniadio, près de Dakar. La France y participera largement, avec notamment un village d’exposants géré par le Partenariat français pour l’eau, où se tiendront des débats en complément des séances officielles. Les quatre priorités retenues par le Sénégal et le Conseil mondial de l’eau sont assez classiques : la sécurité de l’eau et de l’assainissement, l’eau pour le développement rural, la coopération, les outils et moyens. Ce dernier thème est un fourre-tout qui regroupe tous les sujets sensibles, dont le financement, la gestion des connaissances et l’organisation.

La principale innovation sera sans doute l’émergence d’un cinquième « segment », pour reprendre la phraséologie absconse de cet événement, c’est-à-dire un groupe constitué de personnes ou d’organismes relevant d’une même catégorie. Il y avait déjà les ministres, les parlementaires, les villes, les bassins ; il y aura en plus les magistrats, même si l’on ne sait pas encore ce qui en résultera. Pour l’instant, c’est un galop d’essai.

On ne peut pas parler d’eau à Dakar sans s’intéresser au Sénégal. Pas le pays, le fleuve qui lui a donné son nom et dont le bassin de 340 000 km2, soit trois fois celui de la Loire, s’étend sur quatre pays : la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Si l’aménagement du fleuve et de son bassin avait été envisagé dès l’origine dans une logique globale par la puissance coloniale française, ce sont bien ces quatre États qui l’ont réalisé, en fondant en 1972 l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). La Guinée, qui avait d’abord refusé d’y participer, a rejoint l’organisation en 2005. Malgré les tensions entre ses membres, en particulier le Mali depuis un an, cette structure est parvenue à mettre en place et à appliquer un programme de gestion intégrée qui couvre tous les usages de l’eau sur son territoire.

Parmi ses réalisations, on relèvera, dès l’origine, l’attribution au Sénégal et à ses affluents du statut de cours d’eau international, ce qui garantit la libre navigation sur l’ensemble du réseau navigable et l’accord préalable de tous les États signataires avant le lancement de tout projet susceptible de modifier les caractéristiques principales du fleuve. De même, les principaux ouvrages sont la propriété commune des États qui les financent ensemble, quel que soit leur territoire d’implantation. Et une charte de 2002 détermine notamment les modalités de répartition des eaux entre les différentes catégories d’utilisateurs, la participation de ces utilisateurs aux décisions et les règles de protection de l’environnement. Le bassin a pu ainsi être aménagé pour la navigation, la production d’électricité, la prévention des inondations et l’irrigation.

Tout n’est pas parfait, et il reste notamment beaucoup à faire en matière d’eau potable, d’assainissement, de protection de l’environnement et de lutte contre les maladies d’origine hydrique. Mais l’OMVS poursuit son travail et s’attaque aussi à de nouveaux défis, comme l’aide aux projets locaux portés par des femmes, notamment dans le domaine agricole, qui ont pour objectifs de générer des recettes et de réduire la pauvreté.

Parmi la vingtaine d’organismes de bassin que compte l’Afrique, celui-ci fait ainsi figure d’exemple à suivre. Il se dit d’ailleurs que l’OMVS aurait été proposée pour recevoir le prochain prix Nobel de la paix. Les règles propres au Comité Nobel norvégien ne permettront d’en avoir le cœur net que dans un demi-siècle, à moins que le prix ne lui soit décerné. Si c’est le cas, ce sera aussi une reconnaissance éclatante du rôle pacificateur de la gestion intégrée de l’eau par bassin.

René-Martin Simonnet

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