o Évaluation environnementale des projets qui n’atteignent pas les seuils réglementaires

Si l’autorité chargée d’autoriser un projet pense qu’il pourrait affecter l’environnement, elle pourra saisir l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, qui tranchera.

Dans le feuilleton interminable de la transposition en droit français de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dite directive EIE, le Conseil d’État avait annulé un décret, le 15 avril 2021, en laissant un sursis de neuf mois au Premier ministre pour corriger le tir. En fin de compte, il en a fallu onze : le présent décret en Conseil d’État s’applique aux premières demandes d’autorisation ou déclarations d’un projet déposées à compter du 27 mars 2022.

Rappelons que la directive impose une évaluation environnementale, soit systématique pour certains projets, soit après évaluation de leurs incidences pour d’autres projets « susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation ». Pour ces derniers, la France a instauré une procédure de tri préalable, dite « au cas par cas ». Mais ce que le Conseil d’État lui a reproché, c’est que ce tri était fondé sur des seuils, autrement dit sur les seules dimensions des projets.

Quinze jours pour imposer un examen au cas par cas

Par conséquent, en complément des procédures déjà en usage, un nouvel article R. 122-2-1 du code de l’environnement impose à l’autorité compétente de soumettre à l’examen au cas par cas tout projet, y compris de modification ou d’extension, dont elle est la première saisie dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou de déclaration, et dont les caractéristiques sont inférieures à ces fameux seuils, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 du même code, dont les impacts sur l’eau.

Cette autorité dispose de quinze jours, après le dépôt de la demande d’autorisation ou de la déclaration, pour décider de soumettre le projet à un examen au cas par cas, et pour transmettre cette décision motivée au maître d’ouvrage. Celui-ci est alors chargé de saisir l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Il peut aussi la saisir de sa propre initiative, même sans décision de l’autorité compétente, de tout projet dont les caractéristiques sont inférieures aux seuils (NDLR : on peut parier que cet article va engendrer une nombreuse jurisprudence).

Une procédure réservée à la première autorité saisie

Pour permettre l’application effective de ce nouvel article, il est nécessaire de modifier une foule d’autres articles réglementaires, soit pour moduler l’application de cette procédure, soit pour faire ajouter aux dossiers la mention des autres déclarations ou demandes d’autorisation déjà déposées. En effet, cette procédure nouvelle est réservée à l’autorité saisie en premier, et il faut donc indiquer si d’autres autorités ont déjà eu le dossier en main, pour éviter que chacune à son tour ne demande une évaluation.

Ces modifications affectent avant tout le code de l’environnement. Ainsi, quand une demande d’autorisation environnementale ou une déclaration est déposée pour une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité (Iota) relevant de la législation sur l’eau, la demande d’autorisation ou le dossier de déclaration comprend, le cas échéant, la mention des demandes d’autorisation ou des déclarations déjà déposées pour ce projet d’Iota au titre d’une autre législation, avec la date de dépôt et la mention de l’autorité compétente.

Dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale portant sur un projet d’Iota, lorsque le préfet soumet le projet à un examen au cas par cas dans les quinze jours qui suivent la délivrance de l’accusé de réception, le délai d’examen du dossier et les délais laissés aux autorités, organismes et personnes consultés dans cette phase d’examen sont suspendus à compter de l’envoi de cette décision au pétitionnaire. Cette suspension est levée quand le préfet reçoit, soit la décision de ne pas prescrire d’évaluation environnementale, soit l’étude d’impact.

Pour un projet d’Iota soumis à déclaration, lorsque le préfet le soumet à un examen au cas par cas en application des dispositions de l’article R. 122-2-1 dans le délai de quinze jours à compter de la réception d’une déclaration complète, le délai dont il dispose pour s’opposer à la déclaration est interrompu. Le déclarant lui transmet la décision prise par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Si cette autorité décide que le projet d’Iota ne nécessite pas d’évaluation environnementale, un nouveau délai de deux mois court à compter de la réception de cette décision par le préfet. Si elle prescrit la réalisation d’une évaluation environnementale, le déclarant informe le préfet de la procédure qui fait office d’autorisation au sens de la directive EIE. L’opération soumise à déclaration fait l’objet d’une décision d’opposition expresse.

Modification ou destruction d’un site classé

Pour les monuments naturels et les sites classés ou en instance de classement, la procédure prévue à l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement est applicable aux demandes d’autorisation spéciale de destruction ou de modification de l’état ou de l’aspect des lieux, lorsqu’elles ne sont pas soumises à autorisation ou à déclaration au titre du livre IV du code de l’urbanisme. Ces décisions d’autorisation spéciale de travaux font l’objet d’une publication par voie électronique au recueil des actes administratifs.

Lorsque le préfet ou, le cas échéant, le directeur de l’établissement public du parc soumet le projet à un examen au cas par cas en application des dispositions de l’article R. 122-2-1, le délai qui lui est imparti pour se prononcer sur cette demande d’autorisation spéciale est suspendu à compter de l’envoi de cette décision au demandeur. Le demandeur transmet au préfet ou au directeur la décision prise par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Si celle-ci décide qu’une évaluation environnementale n’est pas nécessaire, la suspension du délai est levée quand le préfet ou le directeur reçoit cette décision. En cas d’évaluation environnementale, cette suspension est levée quand il reçoit le rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête.

Projet de déclassement d’un site classé

Dans le cas d’un projet de déclassement d’un monument naturel ou d’un site classé, le préfet transmet le dossier complet de demande d’autorisation spéciale de travaux au ministre chargé des sites dès que possible, et au plus tard cinq jours après son dépôt. Lorsque le ministre soumet le projet à un examen au cas par cas en application des dispositions de l’article R. 122-2-1, le délai de six mois est suspendu à compter de l’envoi de cette décision au demandeur.

Le demandeur transmet au ministre la décision prise par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Si celle-ci décide qu’une évaluation environnementale n’est pas nécessaire, la suspension du délai est levée quand le ministre reçoit cette décision. En cas d’évaluation environnementale, le préfet compétent saisit sans délai la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, à la demande du ministre, afin que son avis soit joint au dossier d’enquête. La suspension du délai est levée quand le ministre reçoit le rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête.

Pour une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à déclaration, le dossier de déclaration comporte, le cas échéant, la mention des demandes d’autorisation ou des déclarations déjà déposées pour l’installation au titre d’une autre législation, avec la date de dépôt et la mention de l’autorité compétente, ou des demandes d’autorisation ou déclarations que le déclarant envisage de déposer pour cette même installation avec la mention de l’autorité compétente.

ICPE déclarée soumise à un examen au cas par cas

Quinze jours après la délivrance de la preuve de dépôt de la déclaration, le déclarant peut mettre en service l’installation et l’exploiter, sauf si le préfet la soumet à un examen au cas par cas en application des dispositions de l’article R. 122-2-1. Dans ce cas, la mise en service ne peut intervenir qu’après, soit une décision de ne pas prescrire d’évaluation environnementale, soit une autorisation lorsque la décision prescrit la réalisation d’une évaluation environnementale. Dans tous les cas, le déclarant transmet au préfet la décision rendue par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Le présent texte modifie aussi d’autres codes, à commencer par le code forestier. En cas de demande d’autorisation de défrichement d’un bois ou d’une forêt appartenant à un particulier, le dossier de demande comporte, s’il y a lieu, l’étude d’impact réalisée en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement ou la décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas de ne pas prescrire d’évaluation environnementale. Il comporte aussi, le cas échéant, la mention des demandes d’autorisation ou des déclarations déjà déposées au titre d’une autre législation pour le projet pour lequel la demande d’autorisation de défrichement est adressée, avec la date de dépôt et la mention de l’autorité compétente.

Lorsque le préfet soumet le projet à un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement dans le délai de quinze jours à compter de la réception du dossier complet, le délai qui lui est imparti pour se prononcer sur la demande est suspendu à compter de l’envoi de cette décision au demandeur. Cette suspension est levée quand le préfet reçoit l’étude d’impact ou la décision de ne pas prescrire d’évaluation environnementale.

Défrichement des bois et forêts

Lorsque la demande d’autorisation porte sur un défrichement soumis à une enquête publique ou à une procédure de participation du public par voie électronique, selon les modalités prévues par le code de l’environnement, la durée de l’enquête ou de la participation est celle prévue par ce code. Si une reconnaissance des terrains est effectuée, son procès-verbal est joint au dossier soumis à l’enquête ou à la participation.

Pour le défrichement des bois et forêts de certaines personnes morales, dont les collectivités territoriales, lorsque ces personnes morales demandent une autorisation de défrichement, les obligations détaillées ci-dessus s’appliquent aussi. L’avis de l’Office national des forêts est joint au dossier soumis à l’enquête publique ou à la participation du public par voie électronique.

Utilisation du domaine public maritime

Le présent texte modifie également le code général de la propriété des personnes publiques. Pour les demandes de concession d’utilisation du domaine public maritime en dehors des ports, et pour les demandes d’autorisation d’occupation temporaire concernant les zones de mouillages et d’équipements légers sur le domaine public maritime, le dossier comprend, s’il y a lieu, l’étude d’impact prévue par l’article R. 122-5 du code de l’environnement ou la décision prise par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas qui dispense ce projet d’évaluation environnementale.

Toujours pour les demandes de concession d’utilisation du domaine public maritime, mais aussi pour les demandes d’occupation ou d’utilisation du domaine public maritime naturel, le dossier comprend, le cas échéant, la mention des demandes d’autorisation ou des déclarations déjà déposées pour le projet au titre d’une autre législation, avec la date de dépôt et l’autorité compétente, ainsi que la mention des demandes d’autorisation ou déclarations que le demandeur envisage de déposer par la suite pour ce même projet.

Lorsque l’autorité compétente pour délivrer un titre d’occupation ou d’utilisation du domaine public maritime naturel soumet le projet à un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2-1 du code de l’environnement, le délai qui lui est imparti pour se prononcer sur la demande est suspendu à compter de l’envoi de cette décision au demandeur. Le demandeur lui transmet la décision prise par l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. La suspension du délai est levée quand l’autorité compétente pour délivrer le titre d’occupation ou d’utilisation reçoit, soit la décision de ne pas prescrire d’évaluation environnementale, soit l’étude d’impact.

Exploitation de cultures marines

Toujours en ce qui concerne la mer, le présent texte modifie sur un point le code rural et de la pêche maritime : en cas de demande de concession pour l’exploitation des cultures marines, la demande fait l’objet d’une enquête publique réalisée selon la procédure prévue par le code de l’environnement, si le préfet applique l’article R. 122-2-1 du même code.

Enfin, le présent texte modifie quatorze articles de la partie réglementaire du code de l’urbanisme et en crée un quinzième. Pour les demandes de permis et les déclarations concernant les constructions, les aménagements et les démolitions, lorsque le permis ou la non-opposition à déclaration préalable ne peut être délivré qu’après enquête publique, le délai d’instruction d’un dossier complet part de la réception par l’autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête.

Le délai d’instruction de droit commun pour les déclarations préalables, qui est d’un mois en temps normal, est de trois mois lorsque le projet est soumis à participation du public par voie électronique.

Permis de construire, d’aménager ou de démolir

En matière de permis de construire, de permis d’aménager, de permis de démolir ou de déclaration préalable, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet lorsque le projet est soumis à participation du public par voie électronique selon les modalités prévues par le code de l’environnement.

Le dossier de demande de permis de construire comprend, s’il y a lieu, les demandes d’autorisation et les déclarations dont le projet a déjà fait l’objet au titre d’une autre législation que celle du code de l’urbanisme. Il en est de même pour une demande de permis d’aménager et pour une déclaration préalable portant sur un projet d’aménagement, ainsi que pour une demande de permis de démolir.

Vérifier que le dossier n’a pas été tripoté entretemps

Il en est encore de même pour une déclaration préalable portant sur un projet de construction, sur des travaux sur une construction existante ou sur un changement de destination d’une construction. En outre, ce dossier comprend l’étude d’impact ou la décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas dispensant le projet d’évaluation environnementale. Dans ce dernier cas, l’autorité compétente pour recevoir la déclaration préalable vérifie que le projet est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas de ne pas le soumettre à évaluation environnementale.

Si le projet doit faire l’objet d’une évaluation de ses incidences sur un site Natura 2000, le dossier comprend le dossier d’évaluation de ces incidences.

Pour une demande de permis de démolir et pour une déclaration préalable portant sur un projet d’aménagement, le dossier comprend, s’il y a lieu, l’étude d’impact ou la décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas dispensant le projet d’évaluation environnementale ; l’autorité compétente pour accorder le permis ou recevoir la déclaration préalable vérifie également qu’on n’a pas transformé les éléments qui ont guidé la décision négative de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Si ce projet est soumis à plusieurs autorisations et si ses incidences sur l’environnement n’ont pas pu être complètement identifiées ni appréciées avant l’octroi de la première autorisation, le dossier comprend l’étude d’impact actualisée, ainsi que les avis de l’autorité environnementale compétente et des collectivités territoriales et leurs groupements intéressés par le projet, rendus sur l’étude d’impact actualisée.

Décret no 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets (JO 26 mars 2022, texte n4).

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