ICPE : on peut infliger deux amendes pour une même faute

Le non-respect d’une mise en demeure prononcée par le préfet peut faire l’objet de plusieurs sanctions différentes.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel se penche sur deux articles du code de l’environnement, dont l’un a été complété par la loi n2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

La société Specitubes conteste la nouvelle version de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, en l’estimant redondante avec le paragraphe II de l’article L. 173-1 du même code. En effet, en cas de non-respect d’une mise en demeure prononcée par l’autorité administrative à l’encontre d’une ICPE, le premier permet à cette autorité d’ordonner le paiement d’une amende administrative, tandis que le second permet au juge d’infliger une amende pénale. Pour Specitubes, il s’agit là d’une violation du principe non bis in idem, qui interdit le cumul de deux peines, et par conséquent des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

Le Conseil constitutionnel confirme d’abord un principe constant : l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 s’applique, non seulement aux peines prononcées par les juridictions pénales, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

Des amendes cumulées mais plafonnées

« Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. »

Mais l’article L. 171-8 ne prévoit qu’une sanction de nature pécuniaire, alors que l’article L. 173-1 est beaucoup plus large : il permet une peine d’amende et une peine d’emprisonnement pour les personnes physiques, et en plus une peine de dissolution pour les personnes morales.

« Dès lors, les faits prévus et réprimés par les dispositions contestées doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions de nature différente. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit être écarté », et les dispositions contestées sont ainsi conformes à la Constitution.

Décision n2021-953 QPC du 3 décembre 2021 (JO 4 déc. 2021, texte n104).

Retour