Il ne suffit pas de négocier avec les riverains pour réglementer l’usage des pesticides près des habitations

La Charte de l’environnement donne à toute personne le droit de participer aux décisions publiques concernant l’environnement.

Après en avoir censuré un tiers avant sa promulgation, pour non-respect de la procédure parlementaire, le Conseil constitutionnel continue par la présente décision à tailler dans la loi no 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim.

Cette fois-ci, il intervient dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), transmise par le Conseil d’État sur la requête de plusieurs associations de protection de l’environnement. En cause : le paragraphe III ajouté à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) par l’article 83 de cette loi, et applicable depuis le 1er janvier 2020.

Concertation limitée

Selon ce III, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques près des habitations et de leurs terrains annexes est subordonnée à des mesures de protection des habitants. Ces mesures doivent être formalisées dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, écrite par les utilisateurs « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ».

Les associations requérantes accusent ce membre de phrase de méconnaître l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui porte sur la participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Selon elles, le législateur n’a pas assez précisé les conditions de cette concertation ; il a permis qu’elle associe, non pas chacun des riverains en cause, mais seulement leurs représentants ; et il a confié l’organisation de cette concertation aux utilisateurs sans l’assortir de garanties de neutralité et d’impartialité.

Décision de l’autorité administrative

Pour analyser le membre de phrase contesté, le Conseil constitutionnel commence par se reporter au deuxième alinéa du même paragraphe III, qui permet à l’autorité administrative de restreindre ou d’interdire l’utilisation de ces produits, en l’absence de mesures de protection ou dans l’intérêt de la santé publique.

Cela implique que, si l’autorité administrative considère comme suffisantes les mesures proposées dans le projet de charte, elle les approuve. « Par conséquent, ces chartes doivent nécessairement faire l’objet d’une décision de l’autorité administrative pour produire des effets juridiques. » Le Conseil constitutionnel ne le précise pas, mais cette décision peut être implicite.

« D’autre part, dès lors qu’elles régissent les conditions d’utilisation à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, lesquels ont des conséquences sur la biodiversité et la santé humaine, ces chartes ont une incidence directe et significative sur l’environnement. Il résulte de ce qui précède que les chartes d’engagements départementales approuvées par l’autorité administrative constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. »

Respecter l’article 7 de la Charte de l’environnement

Or cet article 7 donne à toute personne le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, de participer à l’élaboration de telles décisions publiques. Dans le cas présent, le législateur a prévu une procédure particulière de participation du public, qui rend inapplicable la procédure ordinaire prévue par l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement. Cela lui est tout à fait possible, à condition que cette procédure particulière respecte les principes figurant à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

« Or, d’une part, les dispositions contestées se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l’échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagements. D’autre part, le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu’avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées par des produits phytopharmaceutiques, ne satisfait pas les exigences d’une participation de “toute personne” qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement. »

Ce membre de phrase est donc contraire à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à la date du 20 mars 2021. Elle a pour effet d’invalider immédiatement l’ensemble du système de charte instauré par l’article L. 253-8 du CRPM.

Décision no 2021-891 QPC du 19 mars 2021 (JO 20 mars 2020, texte no 78).

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