Justice environnementale

Principales nouveautés : la création de juridictions pénales spécialisées dans l’environnement, et la possibilité pour une personne morale d’éviter une condamnation si elle répare les dégâts qu’elle a commis.

Cette loi visait à l’origine à transcrire en droit français un règlement européen de 2017 qui crée un Parquet européen compétent pour certaines infractions. Mais au fil de l’actualité, elle s’est enrichie d’un certain nombre d’autres dispositions, ce qui l’a transformée en un texte fourre-tout. Le principal ajout a été l’insertion d’un chapitre consacré à la lutte contre les atteintes à l’environnement, qui complète trois codes.

Code de procédure pénale :

Art. 28 et 56 (modifiés) :

Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois. D’office ou sur instructions du procureur de la République, ils peuvent concourir à la réalisation d’une même enquête avec des officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ), le cas échéant, en les assistant dans les actes auxquels ils procèdent.

En cas de crime flagrant, ils ont le droit de prendre connaissance des papiers, documents ou données informatiques prouvant ce crime, avant qu’ils ne soient saisis.

Art. 28-3 (nouveau) :

Des inspecteurs de l’environnement des catégories A ou B, compétents pour rechercher et constater les infractions portant atteinte à l’environnement et affectés à l’Office français de la biodiversité, disposent des mêmes prérogatives et obligations que les OPJ, pour les enquêtes judiciaires qu’ils diligentent sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction.

Ils sont désignés par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et de l’environnement, pris sur avis conforme d’une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d’État. Toutefois, pour certains délits, ils ne sont compétents que lorsqu’ils concourent à la réalisation d’une même enquête avec des OPJ, des APJ ou des agents des douanes.

Pour l’exercice des missions prévues au présent article, ils ont compétence sur l’ensemble du territoire national. Ils sont autorisés à déclarer comme domicile l’adresse de leur résidence administrative. Ils sont habilités personnellement en vertu d’une décision du procureur général. Si cette habilitation est suspendue ou retirée, l’inspecteur de l’environnement concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision ; à défaut, il peut former un recours selon les modalités précisées au présent article.

Les inspecteurs de l’environnement habilités sont placés exclusivement sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction du siège de leur fonction. À peine de nullité, ils ne peuvent exercer d’autres attributions ou accomplir d’autres actes que ceux prévus par le présent code dans le cadre des faits dont ils sont saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire.

Art. 41-1-3 (nouveau) :

Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le code de l’environnement ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes prévus au livre II du code pénal, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public qui lui impose une ou plusieurs obligations.

Il peut s’agir de verser une amende d’intérêt public au Trésor public. Son montant est fixé de manière proportionnée, le cas échéant au regard des avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République dans la limite d’un an.

Il peut aussi s’agir, pour la personne morale en cause, de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements dans le cadre d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement. Il peut enfin s’agir de réparer le préjudice écologique résultant des infractions commises, dans le même délai et sous le contrôle des mêmes services.

Les frais occasionnés par le recours à des experts ou à des autorités qualifiées, dans le cadre du contrôle par ces services, sont supportés par la personne morale mise en cause, dans la limite d’un plafond fixé par la convention. Ils ne peuvent être restitués en cas d’interruption de l’exécution de la convention.

Lorsque la victime est identifiée, la convention prévoit également le montant et les modalités de la réparation des dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an, sauf si la personne morale mise en cause justifie de la réparation de son préjudice.

L’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention sont publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise ou, à défaut, de l’établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient.

Art. 180-3 (nouveau) :

Lorsque le juge d’instruction est saisi de faits qualifiés constituant un délit mentionné à l’article 41-1-3, il peut transmettre la procédure au procureur de la République, afin que celui-ci applique la procédure prévue à cet article. L’instruction est suspendue à l’égard de la personne morale concernée, mais elle se poursuit à l’égard des autres parties. Elle reprend à l’égard de cette personne morale si la convention n’est pas conclue dans un délai de trois mois ou si la personne morale ne justifie pas de l’exécution intégrale de ses obligations dans le délai prévu par la convention.

Art. 706-2 (modifié) :

Cet article permettait jusqu’à présent à certains fonctionnaires des catégories A ou B ou aux titulaires de certains diplômes d’exercer des fonctions d’assistant spécialisé en matière sanitaire. Il permet désormais à ces personnes, notamment les fonctionnaires qui relèvent du ministre chargé de l’environnement, d’exercer des fonctions d’assistant spécialisé en matière environnementale auprès d’un pôle interrégional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement et à la santé publique.

Art. 706-2-3 (nouveau) :

Dans le ressort de chaque cour d’appel, la compétence territoriale d’un tribunal judiciaire est étendue au ressort de la cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement de certains délits prévus par le code de l’environnement ou par d’autres codes ou lois du même domaine, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient complexes, en raison notamment de leur technicité, de l’importance du préjudice ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent. Cette compétence s’étend aux infractions connexes.

Un décret fixe la liste de ces juridictions qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions. Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République et le juge d’instruction exercent leurs attributions sur toute l’étendue du ressort de la cour d’appel.

La juridiction saisie reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent. Pour les infractions entrant dans le champ du présent article, le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que ceux mentionnés au présent article peut requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction du tribunal judiciaire à compétence territoriale étendue par application du présent article.

Des fonctions d’assistant spécialisé en matière environnementale peuvent être exercées par les fonctionnaires des catégories A ou B relevant des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de l’économie, ainsi que par les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d’un diplôme national sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études supérieures qui remplissent les conditions d’accès à la fonction publique et justifient d’une expérience professionnelle minimale de quatre années.

Art. 706-107 et 706-111-1 (modifiés) :

La compétence d’un tribunal judiciaire peut être étendue au ressort d’une ou de plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement des infractions en matière de pollution des eaux marines et des voies ouvertes à la navigation maritime prévues et réprimées par le code de l’environnement, qui sont commises sur le plateau continental.

Il en est de même pour les infractions relatives aux atteintes aux biens culturels maritimes prévues par le code du patrimoine, quand elles sont commises dans la zone contiguë aux eaux territoriales.

Code de l’environnement :

Art. L. 173-1 (modifié) :

Une peine de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende punit, non seulement le fait de ne pas se conformer aux obligations de remise en état prescrites par l’autorité administrative après la cessation d’activités d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage, mais aussi le fait de ne pas se conformer aux mesures de surveillance prescrites par cette même autorité.

Art. L. 173-9 (modifié) :

Lorsqu’un tribunal condamne une personne physique ou morale pour une infraction prévue au code de l’environnement, il peut ajourner le prononcé de la peine en ordonnant des mesures de remise en état des lieux ; par dérogation au code pénal, la décision sur la peine peut intervenir deux ans après cette décision d’ajournement, et non un an après.

Art. L. 174-2 (nouveau, en remplacement des articles L. 171-5 et L. 172-9) :

Pour les nécessités des contrôles et des enquêtes qu’ils conduisent en application du code de l’environnement, les fonctionnaires et agents publics chargés des contrôles, ainsi que ceux qui sont chargés de rechercher et de constater les infractions en vertu de l’article L. 172-4 du même code, peuvent se communiquer spontanément les informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions de police, sans que puisse y faire obstacle le secret professionnel auquel ils peuvent être tenus.

Art. L. 218-84 (modifié) :

Quand un navire rejette des eaux de ballast en infraction du code de l’environnement, il peut être immobilisé sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi. Cette infraction peut être constatée par toutes les autorités mentionnées à l’article L. 218-26 du même code.

Code de l’organisation judiciaire :

Art. L. 211-20 (nouveau) :

Dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire spécialement désigné connaît des actions relatives au préjudice écologique fondées sur les articles 1246 à 1252 du code civil, et des actions en responsabilité civile prévues par le code de l’environnement ou fondées sur les régimes spéciaux de responsabilité applicables en matière environnementale résultant de règlements européens, de conventions internationales et des lois prises pour l’application de ces conventions.

Loi no 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (JO 26 déc. 2020, texte n4).

NDLR : la présente loi ne comporte pas deux innovations pénales importantes qui ont été annoncées mais ne sont pas encore mises en forme : la création d’un délit général de pollution de l’environnement et celle d’un délit d’écocide. Ce sera l’affaire d’un texte ultérieur.

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