o La Charte de l’environnement s’impose à tout le code minier

Pour la première fois, une déclaration d’inconstitutionnalité se fonde sur les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.

On a beaucoup parlé de la présente décision depuis vendredi, dans le petit monde de l’environnement. On a beaucoup glosé sur sa portée, et France nature environnement (FNE), à l’origine de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a même cru que le Conseil constitutionnel avait annulé plusieurs articles du code minier. Mais il n’a censuré qu’une phrase d’un seul article comme contraire à la Constitution, et pendant dix ans seulement.

Prolongation de droit

Le contentieux qui a suscité cette QPC concerne le renouvellement de quatre concessions minières en Guyane, attaqué par FNE pour non-respect des articles 1er à 3 de la Charte de l’environnement. Ce renouvellement a été réalisé dans le contexte très particulier de la réforme progressive du droit minier : l’article L. 144-4 du code minier, créé par l’ordonnance n2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, a décidé l’expiration, au 31 décembre 2018, des anciennes concessions minières perpétuelles. Mais selon la seconde phrase de cet article, « la prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit ».

S’il écarte l’accusation de non-respect de l’article 2 de la Charte, le Conseil constitutionnel fonde en revanche tout son raisonnement sur les deux autres articles invoqués par FNE : « Selon l’article 1er de la Charte de l’environnement : “Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. Son article 3 dispose : “Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences”. Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions. »

Aucune prise en compte de l’environnement

Il est facile de comprendre que la seule motivation prévue par l’article L. 144-4 du code minier pour prolonger une concession, à savoir l’exploitation en cours du gisement, ne prend en compte aucune considération relative à la protection de l’environnement ou de la santé. Par conséquent, en rédigeant cet article, le législateur de 2011 a méconnu les articles 1er et 3 de la Charte.

Mais il a réparé son omission dix ans après, dans la loi n2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : ce texte ajoute un article L. 114-3 dans le code minier, qui permet dans la cas présent de rejeter une demande de prolongation d’une concession en cas de doute sérieux sur la possibilité d’exploiter le gisement sans atteinte grave à l’environnement, ou d’imposer le respect d’un cahier des charges comportant des obligations environnementales.

Le Conseil constitutionnel en tire un petit considérant interprétatif : « Dès lors, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le fait que les dispositions contestées prévoient que la prolongation des anciennes concessions perpétuelles est de droit ne saurait être interprété comme faisant obstacle à la prise en compte des conséquences sur l’environnement de la décision de prolongation de ces concessions. »

Autrement dit, la prolongation prévue par l’article L. 144-4 n’est plus tout à fait de droit. Cette disposition n’est donc plus contraire aux articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, et il n’est pas nécessaire d’en prononcer l’abrogation. Toutefois, son inconstitutionnalité antérieure doit être prise en compte par les juges dans toutes les instances introduites à la date du 19 février 2022 et non jugées définitivement.

Des articles peu utilisés

Ces articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement sont rarement invoqués à l’appui d’une QPC, et c’est la première fois que leur application conjointe aboutit à une déclaration d’inconstitutionnalité. Ce ne sont toutefois pas des nouveaux venus dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’y était référé en particulier dans sa décision n2011-116 QPC du 8 avril 2011.

Il avait alors décidé, à propos des articles 1er et 2, que « le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par ces articles s’impose non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l’ensemble des personnes » ; et à propos des articles 3 et 4, « qu’il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ». Dans le cadre de l’affaire à l’origine de la QPC de 2011, il avait décidé que ces articles n’avaient pas été méconnus ; cette fois-ci, il aboutit à la conclusion inverse.

Décision no 2021-971 QPC du 18 février 2022 (JO 19 févr. 2022, texte n67).

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