o La chevrette arrive dans les piscicultures de métropole

Certains services de l’État commencent à autoriser dans l’Hexagone l’élevage de cette crevette d’eau douce déjà répandue dans les départements d’outre-mer. Avec beaucoup de prudence toutefois, pour éviter une dissémination semblable à celle de l’écrevisse de Californie.

Question de Jérôme Buisson, député (RN) de l’Ain :

Mon département est le premier de France pour la pisciculture en eau douce, dans les étangs de la Dombes, mais cette filière doit désormais s’adapter au changement climatique et diversifier sa production. Il se trouve que le règlement européen no 708/2007 du 11 juin 2007, modifié par le règlement no 304/2011 du 9 mars 2011, autorise, dans des conditions très encadrées, les aquaculteurs à élever certaines espèces exotiques dont la crevette d’eau douce Macrobrachium rosenbergii. Originaire du bassin du Mékong, elle commence sa vie en eau saumâtre et ne survivrait pas au-dessous de 13 °C, ce qui serait de nature à empêcher sa prolifération dans l’Ain en cas de fuite dans le milieu naturel.

Cette espèce adaptée à un climat plus chaud, et donc à une eau plus chaude, permettrait de diversifier sur l’année les sources de revenus des aquaculteurs, qui pourraient élever certaines espèces durant la saison chaude et d’autres à la saison froide. Outre l’outre-mer, quelques élevages ont pu se lancer en France métropolitaine, non sans peine, dont un dans le Gers après trois ans de démarches : un arrêté préfectoral lui a donné une autorisation provisoire, assortie d’un cahier des charges. Il a commencé à commercialiser ces crevettes.

Dans l’Ain, la direction départementale des territoires continue de refuser toute autorisation. Elle se fonde sur le règlement européen du 11 juin 2007, dans sa version initiale, alors précisément que la modification du 9 mars 2011 distingue l’introduction d’une nouvelle espèce dans le milieu naturel, toujours interdite, et son élevage au sein d’installations fermées, que le règlement modifié autorise. Ce texte est donc appliqué différemment d’un département à l’autre, ce qui pose un problème d’égalité devant la loi. Pouvez-vous en faire uniformiser l’application, ce qui permettrait aux pisciculteurs de la Dombes de se lancer dans cet élevage tout en respectant la biodiversité ?

Réponse du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire :

L’aquaculture en eau douce est particulièrement réglementée, car elle a contribué à perturber la biodiversité. Je pense à l’écrevisse de Californie, une espèce exotique envahissante qui s’est répandue en Suède et de là dans toute l’Europe, y compris la France. C’est pourquoi la réglementation européenne soumet l’élevage des crevettes d’eau douce à une évaluation environnementale préalable, sauf dans le cas des installations considérées comme fermées, caractère qui relève de l’appréciation des services de l’État.

Vous me dites que cette appréciation varierait en fonction du territoire ; je vais demander à mes services de se pencher sur le cas de l’Ain, afin d’examiner les motifs de la décision que vous avez évoquée et de les comparer à ceux qui ont été retenus dans le Gers et en Charente-Maritime.

J’ai souhaité dans chaque région un référent aquaculture : la chose est quasiment faite. Nous avons en effet besoin d’une coordination nationale, que j’ai bien l’intention d’organiser, mais aussi régionale, afin que puissent se développer de tels projets.

AN, 7 mars 2023, 1re séance.

NDLR : Cette espèce est déjà élevée dans plusieurs îles françaises des Tropiques, en particulier les Antilles sous le nom de ouassou ; on la trouve aussi sur les étals en Nouvelle-Calédonie, où on l’appelle chevrette, et à la Réunion, où c’est le camaron. Elle peut atteindre jusqu’à 30 cm de long, mais on la vend le plus souvent quand elle atteint 10 à 15 cm, au bout de huit à neuf mois. À l’état naturel, les larves se développent dans l’eau saumâtre des estuaires, tandis que les adultes remontent les cours d’eau pour vivre en eau douce, en laissant ensuite leur ponte redescendre au fil du courant. Cette alternance limite la prédation des formes juvéniles par les adultes.

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