o La réglementation sur les boues d’épuration évoluera progressivement

Sous la pression de l’Europe, la France va faire évoluer cette réglementation, mais en prenant le temps nécessaire.

Question de Chantal Deseyne, sénatrice (LR) d’Eure-et-Loir :

Les articles 125 et 86 de la loi n2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) ont autorisé l’administration à fixer, d’une part, de nouveaux référentiels applicables aux boues d’épuration en vue de leur épandage et, d’autre part, les conditions dans lesquelles ces boues pourront être compostées par ajout d’un coproduit structurant, par exemple des déchets verts.

Les options de traitement de la boue d’épuration en vue de son hygiénisation dépendent pour les territoires de considérations géographiques, techniques, historiques et financières diverses qu’une modification brutale et uniforme pourrait gravement fragiliser.

Des boues trop sèches pour l’épandage agricole ?

Cette nouvelle réglementation suscite diverses inquiétudes. Il semble notamment que les exigences de siccité sont susceptibles de rendre les boues impropres à l’usage agricole en deçà d’un certain seuil, qu’il sera nécessaire d’adapter la capacité de traitement des stations d’épuration, et que les exigences liées au seuil de structurants dans le cadre des procédés de compostage seront relevées. Que prévoyez-vous ?

Réponse de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, au nom du ministre de l’agriculture et de l’alimentation :

L’article 125 de la loi Agec a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives européennes relatives aux déchets. En conséquence, l’article 14 de l’ordonnance du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets a ajouté un article au code rural et de la pêche maritime, en vertu duquel un décret fixera « les critères de qualité agronomique et d’innocuité selon les conditions d’usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture, afin de s’assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne porte pas atteinte à la santé publique, à la santé animale et à l’environnement ». Ce décret, dit « socle commun des matières fertilisantes et supports de culture », prendra en compte toutes les matières fertilisantes mises sur le marché ou utilisées en France, dont les boues d’épuration.

De son côté, l’article 86 de la loi Agec précise que les référentiels réglementaires sur l’innocuité environnementale et sanitaire, applicables aux boues d’épuration en vue de leur retour au sol, doivent être révisés au plus tard le 1er juillet 2021. À compter de cette date, l’épandage de ces boues, seules ou en mélange, brutes ou transformées, sera interdit dès lors qu’elles ne respecteront pas les normes ainsi définies. Une période de transition est prévue entre cette date et l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Durant cette période, les dispositions des arrêtés des 8 janvier et 2 février 1998 resteront applicables aux boues.

L’hygiénisation imposée par le Covid-19 est temporaire

En revanche, les mesures exceptionnelles concernant les boues d’épuration dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 ne sont pas liées à cette future réglementation. Il n’est en effet pas prévu que celle-ci rende obligatoire à titre pérenne l’hygiénisation des boues d’épuration avant leur épandage.

Le décret « socle commun des matières fertilisantes et supports de culture » devra répondre au double objectif de protéger les terres agricoles et de faire progresser l’économie circulaire. Les nouvelles dispositions sur l’innocuité et l’efficacité des matières fertilisantes seront mises en place progressivement, en fonction notamment des données scientifiques disponibles, de la nature de ces matières fertilisantes, des risques qu’elles peuvent présenter, des moyens existants pour les maîtriser et des délais d’adaptation pour les acteurs.

Réplique de Chantal Deseyne :

J’ai bien compris que nous étions contraints de transposer une norme européenne, mais cela entraînera des coûts élevés à la charge des usagers. Et si, en fin de compte, la qualité des boues d’épuration n’est pas jugée satisfaisante, celles-ci finiront dans des installations d’incinération, ce qui n’est ni économique ni écologique.

JO Sénat CR, 7 mai 2021, p. 3505.

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