La rupture d’une digue a tué 70 % des poissons dans un tronçon de l’Escaut

Cette catastrophe écologique est due à la fois aux négligences d’un industriel et aux réactions tardives et désordonnées des autorités.

Question de Martine Filleul, sénatrice (SER) du Nord :

Dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, la digue d’un bassin de la sucrerie Tereos à Thun-Saint-Martin, dans le Nord, s’est rompue, provoquant la fuite de 90 000 m3 d’eau polluée dans l’Escaut. C’est une des pires catastrophes écologiques survenues dans la région depuis des décennies. Selon l’Office français de la biodiversité (OFB), 12 millions de poissons sont morts, soit 70 % de la population piscicole, 40 % de la flore a été détruite, et une espèce parasite s’est répandue.

Il ressort des conclusions du rapport analysant l’accident que l’entreprise Tereos n’aurait pas respecté la réglementation, en ce qui concerne l’entretien des bassins et des digues, et que la prise de conscience par les services de l’État de la gravité de la pollution aurait été trop tardive. En effet, les services compétents pour la qualité de l’eau n’ont pas été associés dès le début à la gestion de l’accident.

La Belgique n’a pas été avertie à temps

Aucune coordination des services de l’État n’a ensuite été mise en place pour organiser le suivi de la pollution. De plus, des acteurs qui auraient pu contribuer à la surveillance du milieu aquatique et à la gestion de ces conséquences n’ont été ni informés ni associés. Enfin, les autorités belges n’ont pas été prévenues à temps.

Ces manquements successifs de l’entreprise et des services de l’État posent question. Quels sont les moyens réels donnés à l’État pour contrôler le respect par les entreprises des mesures environnementales ? Comment mieux coordonner la réponse des services étatiques face à ce type de crise ?

Réponse de la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité :

Nous avons été très sensibles à cet accident dramatique pour les milieux aquatiques. À la demande du ministère, une mission a été diligentée pour analyser cet incident et ses conséquences, afin d’en dégager les retours d’expérience nécessaires. Les recommandations du rapport remis à cette occasion ont déjà été prises en compte et, pour la plupart d’entre elles, appliquées.

Le préfet consolidera en un seul arrêté l’ensemble des obligations réglementaires du site, après examen par l’inspection des installations classées des études mises à jour par Tereos. Un protocole définissant plus précisément le rôle des différents services de l’État en cas de pollution des milieux aquatiques et impliquant l’OFB est en cours de finalisation. Un comité de pilotage relatif à la restauration écologique de l’Escaut a été mis en place et associe toutes les parties prenantes, dont les riverains.

Par ailleurs, l’inspection des installations classées a inspecté dès 2020 chaque site agro-industriel des Hauts-de-France comportant d’importants bassins de lagunage. La remise en eau de certains de ces bassins n’a été autorisée qu’après la réalisation d’études et de travaux.

Le pollueur a déjà admis sa responsabilité

Concernant la question de la responsabilité pénale, une procédure judiciaire est en cours, qui devra déterminer les causes de l’accident, ainsi que les manquements imputables à l’exploitant. En parallèle, le préfet va engager la procédure en responsabilité environnementale de Tereos. Dans ce cadre, Tereos a admis sa responsabilité sur le linéaire français. Cette procédure permettra de prescrire à l’exploitant les mesures de réparation environnementale adaptées, après qualification des dommages causés par la pollution.

Après cet arrêté préfectoral et sur proposition d’un groupe d’experts intégrant les parties prenantes, sera présentée prochainement au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) du Nord une prescription de restauration des zones d’habitat propices à la reproduction piscicole dans plusieurs secteurs de l’Escaut. Enfin, le ministère a mis en place un dispositif de vigilance renforcée pour les sites faisant l’objet d’incidents réguliers ou de non-conformité. Tereos en fera partie.

Réplique de Martine Filleul :

Vous reprenez les conclusions d’un rapport que je connaissais déjà. Cette réponse me laisse donc partiellement insatisfaite. Je continue à m’interroger : qui paiera la note ? La Cour des comptes européenne, dans un rapport spécial consacré au principe pollueur-payeur, souligne que ce sont souvent, en bout de chaîne, les citoyens de l’Union européenne qui paient la facture de ces dégâts environnementaux. Et qu’en est-il des moyens accordés par l’État pour contrôler les entreprises, tant en amont, avant les accidents, qu’en aval, pour mesurer l’efficacité des mesures qu’elles mettent en place ?

JO Sénat CR, 14 juill. 2021, p. 6985.

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