Le rachat de Suez par Véolia dépendra aussi de la Commission européenne

Bruxelles ne donnera son feu vert que si la concurrence est préservée, en France mais aussi dans l’ensemble de l’Union européenne.

Question de Jean-Pierre Moga, sénateur (UC) de Lot-et-Garonne :

Dans la perspective du rachat de Suez par Véolia, personne ne semble envisager un éventuel veto des autorités européennes de la concurrence qui auront à traiter cette affaire, et qui, de manière similaire, avaient exercé leur droit de veto contre la fusion d’Alstom et de Siemens en février 2019. Il est rare que de tels mariages entre deux acteurs champions dans leur domaine soient autorisés.

Or trois arguments allant dans ce sens pourraient être pris en compte. Premièrement, une telle fusion pourrait être conditionnée à une exigence de désinvestissements, ce qui réduirait d’autant sa pertinence. Deuxièmement, les parties prenantes, au premier rang desquelles les collectivités territoriales, soulignent à raison les bienfaits de la concurrence en termes de prix et de qualité de service.

Troisièmement, cette opération suscite des inquiétudes quant à l’emploi et à la valeur de la future entité, alors que les bienfaits d’une croissance par la taille critique, par l’innovation et la signature de nouveaux marchés concernant ces deux acteurs tricolores complémentaires sur la scène internationale sont potentiellement surestimés.

Alors que l’idée défendue par la France d’une réforme du règlement européen sur les concentrations n’est pas à l’ordre du jour, et alors que la méfiance européenne envers les grands groupes est bien d’actualité, où en sont vos discussions avec la Commission européenne ? Vous inquiétez-vous d’un éventuel veto européen ?

Réponse du ministre de l’économie, des finances et de la relance :

Vous posez deux questions liées, mais différentes. La première porte sur le maintien de la concurrence entre Véolia et Suez. Nous y sommes attachés. Ce projet de rapprochement peut poser des difficultés du point de vue de la concurrence. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager.

Je poursuivrai ce dialogue, car n’oublions pas que, au bout du compte, c’est la Commission européenne qui donnera ou non le feu vert à cette opération. Il est donc légitime que je sois en contact régulier avec elle sur ce point. Vous avez unanimement appelé à juste titre au maintien d’une saine concurrence dans le domaine du traitement des déchets et de la gestion de l’eau. Vous pouvez compter sur ma mobilisation et sur la très grande attention avec laquelle je défendrai ce sujet devant de la Commission européenne.

Votre deuxième question porte sur le sujet plus global du maintien d’un cadre concurrentiel adapté à la réalité de la situation économique mondiale. Il y a quelques mois, à l’occasion du projet de fusion entre Siemens et Alstom, mon homologue allemand Peter Altmaier et moi-même en avons appelé à l’adoption d’un cadre plus global et plus pertinent sur les marchés, découlant d’une analyse à la fois mondiale et dynamique.

Nous continuons à défendre à cette nouvelle approche du droit de la concurrence en Europe, car aujourd’hui, une approche mondiale et dynamique est plus pertinente qu’une approche locale et statique. Nous devons notamment tenir compte de la rapidité avec laquelle nos concurrents étrangers peuvent monter en gamme et en puissance. Je continuerai à défendre ces deux points auprès de la Commission européenne.

JO Sénat CR, 26 mars 2021, p. 2225.

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