o L’effacement des seuils coûterait moins cher que leur entretien

En interdisant totalement d’écrêter les vannages des moulins, le Parlement augmente les dépenses à la charge des propriétaires.

Question de Jean-Marie Janssens, sénateur (UC) de Loir-et-Cher :

Depuis plusieurs années, les organismes publics, notamment ceux chargés de la gestion environnementale et de la gestion de l’eau, exercent une pression forte sur les propriétaires de moulins à eau et les communes possédant des moulins sur leur territoire.

Au nom de la continuité écologique, il leur est en particulier demandé de procéder à des travaux importants, dont l’arasement du vannage des moulins à eau, c’est-à-dire l’abaissement de la crête de l’ouvrage. Ces ouvrages sont en effet jugés responsables d’altérer le fonctionnement écologique et la biodiversité des rivières et cours d’eau.

Outre le fait que la prise en charge de ces travaux est hors de portée financière pour la plupart des propriétaires, il n’est pas établi que ces vannages soient à l’origine de la dégradation de la faune et de la flore constatée depuis quelques décennies dans nos rivières. Au contraire, beaucoup d’acteurs locaux considèrent que la destruction des vannages des moulins entraîne des conséquences néfastes et irréversibles sur l’hydraulique des rivières. Elle s’accompagnera, selon eux, d’une réelle dégradation de la faune et de la flore.

Parmi ces conséquences, on relève l’accélération du courant, la modification des berges, l’aggravation des crues, ainsi que des étiages très importants en cas de manque de pluie. Les vannages permettent, en effet, de stocker l’eau dans des zones humides ou inondables afin de prévenir les inondations en aval (NDLR : étant donné que les retenues des microcentrales sont toujours pleines, elles n’empêchent aucune inondation).

Il semble donc indispensable de repenser cette politique d’arasement et d’opérer des concertations locales les plus larges possible avant d’imposer des travaux coûteux dont l’intérêt semble discutable. Quelle est votre position sur ce sujet sensible ?

Réponse de la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité :

Dans le cadre de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience, de nombreuses incompréhensions ont amené les parlementaires à adopter une disposition qui exclut l’effacement des seuils comme solution de restauration des continuités écologiques, à la suite de quelques dossiers territoriaux litigieux qu’il aurait fallu réexaminer de plus près.

En tout état de cause, le réchauffement des eaux, la concentration des sédiments et des pollutions, le remplacement d’espèces d’eau courante par des espèces plus banales, adaptées aux eaux stagnantes, la disparition d’habitats diversifiés liée à la variation des niveaux d’eau d’une rivière courante et dynamique, tout cela a des impacts au niveau écologique.

Les retenues bloquent les sédiments dont le transport dissipait l’énergie des crues

Chaque seuil génère des difficultés. Il est donc nécessaire de travailler à ces rétablissements de continuité écologique, comme le cadre européen nous l’impose. Les blocages plus ou moins importants des sédiments dans les retenues engendrent des déficits en aval, avec des dégâts plus importants lors des crues. En effet, l’énergie de l’eau n’est plus dissipée par le transport des sédiments et des cailloux.

Retirer des vannages obsolètes, lorsque le propriétaire ne souhaite plus investir dans leur réparation, leur gestion et leur entretien au quotidien était une option avantageuse à la fois pour l’écologie et pour le propriétaire. C’est d’ailleurs un point sur lequel la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, était tombée d’accord.

L’effacement des seuils est donc une option qui n’existe plus dans le cadre dudit projet de loi, puisqu’elle a été supprimée ici même au Sénat, et que le texte a été adopté en commission mixte paritaire sans cette disposition. Il faudra donc trouver des solutions d’entretien et de gestion performantes du point de vue environnemental pour assurer cet objectif de restauration des continuités, même si elles sont plus coûteuses.

Je demeure à l’écoute des différents porteurs de projet. J’ai d’ailleurs proposé que nous nous retrouvions à l’automne, après l’examen des consultations sur les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, pour une concertation avec les acteurs des territoires et les élus, au premier rang desquels les parlementaires impliqués sur ces questions, afin d’évoquer dans le cadre d’une médiation nationale les situations les plus complexes.

Sénat, 13 juill. 2021.

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