Les carrelets de pêche sont aussi soumis au droit de l’urbanisme

Même si ce sont des constructions provisoires sur le domaine public fluvial, ils doivent obtenir un permis de construire selon les règles de droit commun.

Question de Nathalie Delattre, sénatrice (RDSE) de la Gironde :

La reprise ou la création de nouveaux carrelets de pêche, dans le cadre de la délivrance d’autorisations d’occupation temporaire, sont examinées par les autorités compétentes sur leur domaine public respectif. Dans la Gironde, cela concerne l’établissement public territorial de bassin de la Dordogne, le grand port maritime de Bordeaux ou l’établissement public Voies navigables de France (VNF).

Alors que le régime juridique des carrelets avait pu être défini en 2004, en concertation avec les pêcheurs au carrelet, et qu’il est encadré par le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) en tant que biens mobiliers, VNF a indiqué récemment que les carrelets seraient désormais soumis aux règles d’urbanisme, ce qui impose une déclaration en mairie pour les cabanes dont la superficie serait comprise entre 5 et 20 m2 et le dépôt d’une demande de permis de construire au-delà de 20 m2.

S’il paraît raisonnable de limiter la surface de ces carrelets à 20 m2, les soumettre à des règles d’urbanisme conçues pour des ouvrages différents par nature et par destination est en revanche problématique. Cela constitue à mon sens une surinterprétation juridique, qui tend à modifier la nature juridique de ces biens, les transformant en biens immobiliers alors qu’ils sont mobiliers. Ces cabanes n’ont pas d’usage d’habitation et ne sauraient en avoir ; elles sont entièrement démontables, précaires et sans réelles emprises.

Les communes sont-elles compétentes envers le domaine public fluvial ?

De plus, cette décision unilatérale est source de confusion, parce qu’elle tend à faire porter sur les municipalités une responsabilité nouvelle sans aucune forme d’explication. Les communes se retrouvent démunies face à une intervention sur le domaine public fluvial qui n’est pas de leur compétence. Aucune disposition spécifique ne figure d’ailleurs au sein des plans locaux d’urbanisme pour prévoir ce cas de figure. À ce jour, nombre de communes refusent d’exercer cette compétence, qui ne leur est pas dévolue officiellement.

Enfin, il me semble paradoxal d’introduire de telles dispositions alors que les carrelets ont été reconnus par le ministère de la culture, il y a quelques semaines, comme appartenant au patrimoine culturel immatériel de la France. J’aimerais donc que vous puissiez nous apporter votre éclairage pour préciser l’environnement juridique applicable aux carrelets.

Réponse de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Certes, le régime juridique des carrelets de pêche, tel qu’il a pu être défini en 2004, en concertation avec les associations de pêcheurs au carrelet, est encadré par le CGPPP en tant que biens mobiliers. Toutefois, cela ne les exclut ni du droit commun ni du champ d’application du code de l’urbanisme. Je rappelle que d’autres constructions ayant des caractéristiques similaires à celle des cabanes de pêche au carrelet, telles que les petites bases nautiques démontables ou les paillotes, sont aussi soumises au respect du code de l’urbanisme.

Bien qu’elles ne requièrent qu’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public fluvial, il est important que ces constructions respectent les dispositions du code de l’urbanisme, notamment pour s’assurer qu’elles s’insèrent harmonieusement dans leur environnement. Cette condition ne pose évidemment pas de difficulté pour les carrelets de pêche. En effet, ces derniers sont reconnus comme relevant du patrimoine culturel immatériel de la France ; ils s’intègrent donc par nature correctement dans leur environnement.

VNF n’a fait que rappeler le droit en vigueur

Rien de tout cela n’est nouveau ; aucune disposition n’a été introduite récemment dans le droit de l’urbanisme en la matière. Concernant les indications données par VNF aux associations de pêcheurs de la Gironde, il s’agit seulement d’un rappel du droit commun auquel, jusqu’à présent, les carrelets de pêche ne font pas exception. Le régime juridique défini en 2004 n’a pas eu d’incidence en la matière.

Le principe est simple : toute construction nouvelle, même si elle est entièrement démontable, doit être soumise à l’obtention d’un permis de construire. Par exception, ces constructions peuvent être soumises à une simple déclaration préalable, voire dispensées de formalités d’urbanisme, en fonction de critères liés à leurs caractéristiques de hauteur ou de surface, à leur localisation ou à leur durée d’implantation, critères qui doivent être appréciés au cas par cas. Il s’agit donc, non pas de l’instauration de nouvelles obligations juridiques, qui créeraient de la complexité pour la pêche au carrelet, mais d’un simple rappel par VNF du droit existant.

JO Sénat CR, 21 juill. 2021, p. 7358.

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