On sait enfin par qui le plan pour l’eau en 53 mesures sera financé : par les usagers domestiques et les autres redevables. En revanche, la grande remise à plat des redevances semble enterrée, y compris sans doute la création de redevances sur la biodiversité, pourtant promise en 2015.
Question d’Hervé Gillé, sénateur (SER) de la Gironde :
Les sénateurs du groupe SER ont obtenu la création d’une mission d’information sur « la gestion durable de l’eau : l’urgence d’agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement ». J’en suis le rapporteur. Cette mission d’information entend réaliser une évaluation des politiques publiques de la gestion de l’eau au regard des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
Concernant l’organisation locale, qui doit agir et avec quels moyens ? La démarche et la méthode des projets de territoires pour la gestion de l’eau (PTGE) vont dans le bon sens. Cependant, au-delà des consensus territoriaux, on se heurte souvent à des recours tardifs réduisant les négociations à néant. Que comptez-vous faire pour que cette situation évolue ?
Nous devons sans cesse rappeler le rôle des collectivités territoriales : elles sont en première ligne, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, des fuites, des difficultés d’approvisionnement, de l’assainissement ou encore de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi), bien que cette compétence ne soit pas toujours bien financée. Nous insistons en outre sur l’échelle des bassins versants, qui permet d’optimiser la ressource.
Le plan Eau détaille des pistes intéressantes, mais comment ces chantiers seront-ils réellement financés ? La revalorisation financière substantielle dont les agences de l’eau bénéficient est la bienvenue. Elle doit être de 475 M€/an, mais ne sera pas appliquée avant le douzième programme, donc pas avant 2025. Allez-vous augmenter la fiscalité existante ou créer des redevances supplémentaires ?
Pour atteindre nos objectifs, nous pourrions étudier la mise en place des contrats d’objectifs et de performance (COP) avec l’ensemble des parties prenantes, ou le conditionnement des aides et des financements à des objectifs communs pour sécuriser la ressource. Il serait normal de partager ces objectifs de performance et de sobriété.
Réponse de la secrétaire d’État chargée de l’écologie :
Je vous confirme que nous ne procéderons pas à la création de nouveaux outils fiscaux ; nous avons opté pour le rehaussement du taux des redevances existantes. En matière d’organisation de la gestion de l’eau, cette compétence est décentralisée à l’échelle des bassins et des sous-bassins, et nous n’avons aucune intention de remettre en cause ce transfert. Ce que nous voulons, c’est une gestion de l’eau associant l’ensemble des acteurs. À ce jour, 54 % du territoire national est couvert par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) ou un autre document de planification et par une commission locale de l’eau (CLE).
Des simplifications réglementaires seront apportées pour accélérer et généraliser à l’échelle de chaque sous-bassin versant la création d’une CLE, véritable instance de dialogue, et d’un PTGE, au plus tard en 2027, selon le principe « un territoire, un projet politique pour l’eau ». Pour discuter à l’échelle des territoires, il n’y a pas meilleure instance que les parlements de l’eau. Je vous invite à jouer un rôle moteur pour la création des Sage et des CLE. J’insiste également sur les PTGE, qui sont encore trop peu nombreux sur notre territoire.
Réplique d’Hervé Gillé :
Vous nous confirmez que les redevances existantes feront l’objet d’un relèvement : dont acte. Personnellement, je suis très favorable à un renforcement de la planification en matière de gestion de l’eau. Les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) jouent un rôle essentiel : il faut s’efforcer de les développer et de les conforter dans l’ensemble des territoires, en lien avec les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Épage). Il faut en effet multiplier les Sage et faire en sorte que les CLE deviennent de véritables parlements locaux et territoriaux de l’eau.
À mon sens, il faudra également assurer l’intégration de la gestion de l’eau dans les politiques d’urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale permettraient sans doute d’approfondir encore davantage ce sujet. De même, les plans locaux d’urbanisme et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux pourraient concourir à la gestion de l’eau, au bénéfice notamment du pluvial et des zones humides. Je vous invite à examiner cette piste.
JO Sénat CR, 12 avr. 2023, p. 3640.
NDLR : Pas de nouvelle redevance, cela signifie que l’eau continuera à payer la biodiversité. En outre, il n’est pas impossible que certaines des redevances actuelles soient réformées, en particulier la redevance pour modernisation des réseaux de collecte, qui pourrait être étendue aux usagers de l’eau potable pour financer la lutte contre les fuites. Stricto sensu, une redevance modifiée n’est pas une redevance nouvelle. Affaire à suivre.