Marché public négocié avec un seul opérateur

Les marchés publics locaux relèvent toujours des directives du 26 février 2014, y compris s’ils sont subventionnés par le budget de l’Union européenne.

En Bulgarie, la commune de Razlog a passé un marché public dans des conditions qui interpellent le vice-ministre de l’aménagement du territoire et des travaux publics. Celui-ci saisit la Cour administrative suprême, équivalent bulgare du Conseil d’État français, pour en obtenir l’annulation. Comme il s’agit d’un cas inhabituel, le juge administratif demande à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de rendre une décision préjudicielle.

Un marché public financé par l’Union n’est pas un marché public de l’Union

La CJUE commence par corriger une erreur d’interprétation du droit européen : on ne peut pas appliquer dans cette affaire l’article 160, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, ni d’autres dispositions de même nature. Ces textes ne concernent que les marchés publics passés par les organes de l’Union européenne, et non ceux des pouvoirs adjudicateurs des États membres, quand bien même les marchés de ces pouvoirs adjudicateurs sont financés par des ressources provenant des Fonds structurels et d’investissement européens.

Pour ces marchés-là, il faut se référer aux directives du 26 février 2014, et en l’occurrence à la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2015/2170 du 24 novembre 2015. Toute la question est de savoir si le marché en cause a bien respecté ce texte.

Sa conclusion a été toute une affaire : la commune avait d’abord lancé une procédure ouverte, tout à fait classique, mais elle n’a reçu qu’une seule offre, qui plus est inappropriée. Elle a donc clos cette procédure. Ensuite, elle a lancé une procédure négociée sans publicité préalable, avec un seul opérateur économique, mais en reprenant « sans modification substantielle les conditions initiales du marché », comme le relève la CJUE. Pour compléter le tableau, ajoutons que « l’objet du marché en cause ne présente objectivement pas de spécificités justifiant de confier exclusivement son exécution à cet opérateur ».

Procédure négociée sans publication préalable en l’absence d’offre

Or cette situation est bien prévue par l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2014/24/UE : « Il est possible de recourir à la procédure négociée sans publication préalable pour des marchés publics […] lorsque aucune offre ou aucune offre appropriée ou aucune demande ou aucune demande appropriée de participation n’a été déposée en réponse à une procédure ouverte ou restreinte, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées et qu’un rapport soit communiqué à la Commission, à sa demande. »

C’est exactement ce qui s’est passé dans le cas présent, et la CJUE insiste sur la bonne foi de la commune de Razlog et sur son respect du droit européen, en se référant à l’article 18, paragraphe 1, de la directive : « Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée. » Ce qui a été le cas en l’occurrence, n’en déplaise au vice-ministre bulgare de l’aménagement du territoire et des travaux publics.

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 16 juin 2022 (demande de décision préjudicielle du Varhoven administrativen sad — Bulgarie) — Zamestnik-ministar na regionalnoto razvitie i blagoustroystvoto i rakovoditel na Upravlyavashtia organ na Operativna programa « Regioni v rastezh » 2014-2020 / Obshtina Razlog (Affaire C-376/21) [Renvoi préjudiciel – Passation des marchés publics – Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 – Règlement (UE, Euratom) n966/2012 – Inapplicabilité aux marchés publics passés par des États membres et financés par des ressources provenant des Fonds structurels et d’investissement européens – Directive 2014/24/UE – Renvoi direct et inconditionnel dans la législation nationale à des dispositions du droit de l’Union – Applicabilité à un marché dont la valeur estimée est inférieure au seuil fixé par la directive – Article 32, paragraphe 2, sous a) – Faculté pour un pouvoir adjudicateur de lancer une invitation à participer à une procédure négociée sans publication préalable à un seul opérateur économique, après avoir constaté le caractère infructueux d’une procédure ouverte antérieure – Obligation de conserver les conditions initiales du marché sans introduire de modifications substantielles] (JOUE C 303, 8 août 2022, p. 8).

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