Avec trois ans d’avance sur la directive, la France impose depuis cette année la mesure des Pfas dans l’eau potable. Elle demande aussi aux industriels qui en produisent ou en utilisent de les mesurer dans leurs effluents liquides et, dans certains cas, de réduire ces rejets.
Question de Gilbert-Luc Devinaz, sénateur (SER) du Rhône :
Présents dans les poêles en téflon, dans les textiles industriels ou dans les emballages alimentaires, les polyfluoroalkyles (Pfas) sont partout dans notre quotidien. Ces molécules pratiquement indestructibles se retrouvent également dans les rivières, l’eau de pluie, les sols, l’alimentation et même le lait maternel. Sommes-nous face au poison du siècle ?
Ma région est la plus exposée à ces polluants. Selon un reportage, les riverains de l’usine Arkema présenteraient une imprégnation sept fois plus importante que la moyenne nationale. Les habitants et les élus sont très inquiets, car les effets nocifs et toxiques de certaines de ces substances sont désormais reconnus.
Selon le dernier rapport de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable, les Pfas ne font l’objet d’aucune réglementation dans notre pays. Or aucune norme n’est prévue pour les limiter dans les rejets. Comment prévoyez-vous d’accompagner les collectivités concernées par ces pollutions ? Qui paiera la dépollution des sites contaminés ? Et quand peut-on espérer la mise en place d’une vaste étude sur l’imprégnation des populations locales ?
Réponse de la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé :
Il est nécessaire d’assurer une meilleure prise en compte des effets et une maîtrise accrue des risques pour l’environnement et la santé liés à l’usage des Pfas. Il s’agit d’un enjeu de santé publique essentiel qui nous mobilise à l’échelon national comme européen. Nous devons assurer une transparence totale sur les informations dont nous disposons.
Avec le ministre de la transition écologique, nous avons lancé un plan d’action en janvier dernier, qui prévoit des mesures concrètes en matière de maîtrise des rejets industriels et de connaissance des contaminations environnementales. Notre priorité est d’améliorer notre connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, dans le but de réduire l’exposition des populations.
5 000 usines devront mesurer leurs rejets de Pfas dans l’eau
Déjà, l’analyse des effluents industriels fortement susceptibles de contenir des Pfas a fait l’objet d’un arrêté ministériel, qui vise environ 5 000 installations industrielles sur l’ensemble du territoire, couvrant la quasi-totalité des sites pouvant produire, utiliser ou rejeter des Pfas. Notre objectif est de mieux surveiller les émissions de ces installations et de prendre des mesures pour les réduire.
J’ajoute que la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive eau potable, rend obligatoire à partir de 2026 le contrôle sanitaire des Pfas dans l’eau. Nous avons décidé d’anticiper cette exigence en rendant ce contrôle applicable dès janvier dernier, pour mieux surveiller la présence de ces polluants dans les eaux.
J’en viens à la situation de Pierre-Bénite. En coordination avec le préfet, nous avons prescrit à l’entreprise Arkema de réduire par palier les rejets de Pfas sur le site, puis d’y mettre un terme d’ici à la fin de 2024. Par ailleurs, à la suite de la première campagne de mesures dans l’environnement réalisée par Arkema, conformément aux arrêtés préfectoraux du 1er juillet 2022, des mesures supplémentaires des Pfas dans les sols et dans les végétaux ont été exigées des exploitants, autour de leurs installations et à leurs frais.
Afin de mieux appréhender les risques sanitaires, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a été saisie en novembre dernier. Nous attendons des éléments de réponse en fin d’année. En complément, l’enquête sur la santé, la biosurveillance, l’alimentation et la nutrition, nommée Albane, qui sera prochainement menée par Santé publique France, s’intéressera spécifiquement à l’exposition aux Pfas.
JO Sénat CR, 15 juin 2023, p. 5272.