o Pas de préjudice, pas d’injonction

En matière de travaux publics, on ne peut pas demander au juge administratif de prononcer une injonction, sauf si l’on demande une indemnité.

Une société de location de terrains et d’autres biens immobiliers, la SCI La Closerie, attaque la commune d’Eugénie-les-Bains (Landes), où elle exerce son activité, ainsi que le Syndicat intercommunal des rivières des bassins de l’Adour landais. Elle demande au tribunal administratif (TA) de Pau de les condamner à installer des clapets anti-retour sur les exutoires des réseaux d’eau de pluie et à procéder au nettoyage complet du Bahus, un petit affluent de l’Adour, sur une zone élargie de ce ruisseau, sous astreinte de 150  par jour de retard.

Avant de se prononcer, le TA demande au Conseil d’État son avis sur un point de droit : puisque le juge administratif peut formuler une injonction en l’absence de demande d’indemnisation, en matière de dommages de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, peut-il faire de même en cas de responsabilité pour faute, toujours en l’absence de demande d’indemnisation ? Le peut-il en particulier dans le cas de la carence fautive d’une personne publique à exercer ses pouvoirs de police ou de son refus de se conformer aux obligations qui lui sont fixées par voie législative ou réglementaire ?

En réponse, le Conseil d’État rétablit le raisonnement dans le bon sens : en cas de faute d’une personne publique, il faut commencer par demander une indemnisation, et d’autres conclusions à fin d’injonction ne peuvent être présentées qu’en complément. Plus précisément : « La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d’une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l’indemniser des conséquences dommageables de ce comportement.

« Elle peut également, lorsqu’elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu’elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets. De telles conclusions à fin d’injonction ne peuvent être présentées qu’en complément de conclusions indemnitaires. »

Et contrairement à ce que croyait le TA au début de sa question, « dans le cadre d’une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à ce qu’il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu’en complément de conclusions indemnitaires ».

Par conséquent et dans tous les cas, si la société requérante ne commence pas par demander une indemnité, et donc par établir qu’elle a subi un préjudice direct et certain, elle ne peut pas se limiter à demander l’installation de clapets anti-retour sur les exutoires pluviaux, ni le « nettoyage complet » du Bahus.

Avis no 458176 du 12 avril 2022 (JO 17 avr. 2022, texte n95).

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