o Pour empêcher les huîtres de s’échapper

Les huîtres tétraploïdes sont très prolifiques, mais il vaut mieux qu’elles ne se reproduisent pas dans la nature. Et pour cela, il faut traiter les effluents des élevages.

Commençons par un petit cours d’ostréiculture, qui vous permettra de briller en société ces prochains jours derrière votre masque. Les huîtres naturelles sont diploïdes, c’est-à-dire qu’elles ont deux jeux de chromosomes. Elles consacrent chaque année une bonne partie de leur énergie à la reproduction, période durant laquelle elles sont laiteuses, c’est-à-dire baignées de leurs spermatozoïdes ou de leurs ovocytes, et jugées moins goûteuses.

Les chercheurs ont constaté que les huîtres triploïdes, avec donc trois jeux de chromosomes, ne présentent pas ces inconvénients : elles peuvent être vendues toute l’année, elles grossissent plus vite et elles sont plus charnues. Et pour cause : elles sont stériles. On peut ainsi les élever en mer sans risquer de contaminer les huîtres diploïdes. Mais on ne peut pas les faire se reproduire.

Une huître plus chère qu’une perle

Pour obtenir des huîtres triploïdes, il faut croiser des femelles diploïdes avec des mâles tétraploïdes, ceux qui ont quatre jeux de chromosomes. Ceux-là sont totalement artificiels, sans être pour autant des organismes génétiquement modifiés ; et vu leur prix de revient, vous ne risquez pas de les retrouver dans votre assiette. Ils ont l’avantage d’être très prolifiques, au plus grand bonheur de leurs producteurs, jusqu’à présent en France l’Ifremer seul.

Mais c’est aussi un danger redoutable, si un mâle ou ses gamètes s’échappaient dans la nature : il en résulterait une zone plus ou moins grande où les huîtres diploïdes sauvages ne donneraient naissance qu’à des huîtres triploïdes. Et à la mort de ces dernières, il faudrait des années à l’espèce pour recoloniser la zone, au grand dam de ses très nombreux prédateurs naturels.

Cet arrêté fournit un cadre réglementaire à l’élevage des huîtres tétraploïdes, notamment au cas où l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer n’en serait plus le producteur exclusif pour les ostréiculteurs français. On conçoit assez facilement que ces établissements doivent avant tout éviter le rejet en mer des spermatozoïdes et des stades mobiles de ces mâles reproducteurs. Les installations doivent donc être implantées à terre et être fermées.

Traiter les effluents en contact avec du matériel reproducteur

L’exploitant doit tenir à jour un plan des réseaux de collecte de tous ses effluents, avec les secteurs collectés, l’ensemble des dispositifs de traitement des eaux et le détail des équipements annexes. Il doit indiquer en détail les réseaux de collecte, de traitement et de rejet des effluents entrant en contact avec du matériel tétraploïde.

Les opérations réalisées dans l’établissement sont sous la responsabilité de l’exploitant qui fixe des consignes d’exploitation, écrites et tenues à jour. Il y détaille les modes opératoires garantissant la non-dispersion dans le milieu naturel de matériel tétraploïde en cas de risque de vagues ou de submersion marine. Il indique les mesures à prendre en cas de fuite sur un récipient ou une tuyauterie susceptible de contenir du matériel tétraploïde. Il décrit le fonctionnement des dispositifs de traitement des effluents et la périodicité de leur vérification, et les procédures d’autocontrôle des effluents.

Tous les effluents en contact avec du matériel tétraploïde sont canalisés et chaque canalisation dispose d’un point de prélèvement d’échantillons. Ces points sont implantés dans une section dont les caractéristiques permettent de réaliser des mesures représentatives. Les effluents rejetés ne contiennent pas de matériel tétraploïde vivant : l’exploitant met en place un traitement adapté visant à rendre inactif tout matériel reproducteur tétraploïde.

Garantir l’absence de matériel tétraploïde vivant dans les rejets

L’exploitant tient à jour un document décrivant les procédures d’autocontrôle mises en place pour garantir l’absence de matériel tétraploïde vivant dans les effluents rejetés. Les opérations de vérification du bon déroulement de cette procédure en temps réel y sont également inscrites. Ces vérifications s’effectuent par des mesures à une fréquence adaptée à la production, au moins après chaque production impliquant le matériel tétraploïde. Les résultats des mesures sont conservés pendant cinq ans à la disposition de la direction départementale des territoires et de la mer.

L’exploitant doit déclarer dans les meilleurs délais à la DDTM tout événement susceptible de conduire à une remise en cause de la traçabilité du matériel tétraploïde présent sur son installation. Cette déclaration précise les circonstances et les causes de l’événement, ainsi que les mesures correctives prises ou envisagées pour en pallier les effets à court et moyen terme.

Lorsqu’il est constaté que l’exploitant a méconnu les obligations du présent texte, le préfet de département le met en demeure de se conformer aux mesures correctives qui lui sont prescrites, dans un délai qu’il fixe. Si l’exploitant ne s’est pas mis en règle dans ce délai, le préfet suspend l’autorisation d’exploitation de cultures marines.

Arrêté du 7 décembre 2021 relatif aux règles générales et prescriptions techniques applicables aux exploitations aquacoles détenant ou produisant des huîtres tétraploïdes ou leur matériel reproducteur (JO 15 déc. 2021, texte n51).

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