Un assouplissement important de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols : on ne prendra plus en compte les terrains de moins de 2 500 m2, les constructions de moins de 50 m2 et les infrastructure linéaires de moins de 5 m de large.
Pour que la France atteigne en 2050 son objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN), elle doit commencer par réduire de moitié cette artificialisation entre 2021 et 2031, par rapport à la période de 2011 à 2021. C’est là l’une des principales dispositions de la loi no 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, dont elle occupe les articles 192 et 194. C’est sans doute aussi celle qui provoque le plus de remous, en particulier chez les maires ruraux et les agriculteurs.
Dans un premier temps, le Gouvernement avait cru que cette grogne s’apaiserait une fois publiés les décrets d’application de ces articles. Il avait tort : les élus ruraux sont vent debout contre cette perspective, qu’ils accusent de bloquer tous les projets de développement des petites communes. Ce sujet a été central dans les dernières élections sénatoriales, en septembre, et dans le congrès des maires de France qui s’est tenu le mois dernier. De même, le monde agricole ne perd pas une occasion pour manifester ses craintes.
Pour tenter d’éviter que ces protestations ne dégénèrent, le Gouvernement a d’abord soutenu une proposition de loi d’origine sénatoriale, qu’il a toutefois largement recadrée. C’est devenu la loi no 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. Et comme la grogne se poursuit, il publie désormais trois textes d’application de ces nouvelles modalités. Nous n’abordons ici que le premier, un décret en Conseil d’État qui assouplit les modalités d’évaluation de l’artificialisation des sols.
Sans rentrer dans le détail des ajustements ainsi édictés, il convient de détailler l’outil principal de cette politique : la nomenclature qui permet de décider si un sol est artificialisé ou non. Un changement essentiel est la fixation de deux seuils : 50 m2 pour les sols imperméabilisées en raison du bâti, et 2 500 m2 pour tous les autres sols. Les superficies qui n’atteignent pas ces seuils ne sont tout simplement plus prises en compte dans le calcul, de même que les infrastructures linéaires dont la largeur est inférieure à 5 m. Ainsi, un canal de dérivation de 4,99 m de large n’est pas concerné par l’objectif de ZAN, même si son fond et ses bords ont été imperméabilisés. En revanche, une piscine dont le bassin et les abords imperméabilisés occupent au total 51 m2 sera considérée comme une surface artificialisée.
Surfaces naturelles couvertes d’eau
Comme précédemment, cette nomenclature révisée classe parmi les surfaces non artificialisées les surfaces naturelles qui sont couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace. On retrouve également dans cette même catégorie, avec une rédaction un peu plus précise, les surfaces à usage de cultures dont les sols sont recouverts d’eau, c’est-à-dire la pêche, l’aquaculture et la saliculture.
De toute manière, ce décret comporte une inflexion majeure : jusqu’en 2031, les élus compétents en matière d’urbanisme n’ont pas besoin de se référer à cette nomenclature dans leurs rapports triennaux sur l’artificialisation des sols, tant que les documents d’urbanisme de la commune ou du groupement n’ont pas intégré un objectif de lutte contre l’artificialisation des sols. Il leur suffira de faire un bilan de l’objectif de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, calculée d’après le création ou l’extension effectives d’espaces urbanisés.
Décret no 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols (JO 28 nov. 2023, texte no 17).