o Procédure d’autorisation pour la réutilisation des eaux usées traitées

Sauf pour l’irrigation, chaque projet devra être autorisé par le préfet. Son exploitation devra faire l’objet d’un rapport annuel. Certains usages resteront interdits.

Petit à petit, la réglementation française sur la réutilisation des eaux usées traitées se précise et s’ouvre à d’autres usages. Cette évolution faisait partie des décisions adoptées à l’issue des Assises de l’eau. Elle avait été engagée par l’article 69 de la loi n2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui devait être appliqué par un décret en Conseil d’État. Le voici.

L’irrigation conserve une procédure spécifique

L’encadrement réglementaire prévu par l’article R. 211-23 du code de l’environnement reste en vigueur, mais il ne concerne plus que l’utilisation des eaux usées traitées à des fins agronomiques ou agricoles : pour cet usage, ces règles restent fixées par arrêté interministériel, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de la mission interministérielle de l’eau.

D’autres usages sont désormais possibles, sous réserve d’être autorisés au cas par cas. Le présent texte commence par définir trois concepts. Le producteur des eaux usées traitées est l’exploitant ou le maître d’ouvrage de l’installation de traitement des eaux usées. L’utilisateur des eaux usées traitées est la personne qui utilise les eaux usées traitées dans les conditions définies par le présent texte. Quant aux parties prenantes, ce sont le producteur, l’utilisateur et toute autre personne intervenant dans la mise en œuvre du projet d’utilisation des eaux usées traitées.

L’utilisation des eaux usées traitées peut être autorisée à condition que les caractéristiques de ces eaux et les usages qui en sont faits soient compatibles avec les exigences de protection de la santé humaine et de l’environnement.

Eaux usées traitées par les stations d’épuration

Ces eaux peuvent être issues d’installations soumises à autorisation ou à déclaration au titre de la rubrique 2.1.1.0 de la nomenclature de l’article R. 214-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire les stations d’épuration des agglomérations d’assainissement ou les dispositifs d’assainissement non collectif de plus de 20 équivalents-habitants, à condition que leurs boues respectent l’ensemble des valeurs limites figurant aux tableaux I a et I b de l’annexe I de l’arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles.

Elles peuvent aussi être issues des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), à condition que les boues produites par leur dispositif de traitement des eaux usées respectent l’ensemble des valeurs limites figurant aux tableaux I a et I b de l’annexe VII a de l’arrêté du 8 janvier 1998.

Hygiénisation des effluents des équarisseurs

Dans les deux cas, si l’installation de traitement des eaux usées est reliée à un établissement de collecte, d’entreposage, de manipulation ou de transformation des sous-produits animaux des catégories 1 ou 2 et relevant des rubriques 2730, 2731 ou 3650 de la nomenclature des ICPE, ou si les eaux usées proviennent directement d’un tel établissement, elles ne peuvent être réutilisées qu’après un traitement thermique préalable à une température de 133 °C, pendant vingt minutes et sous une pression de trois bars.

L’autorisation ne peut être délivrée pour un usage conduisant à utiliser ces eaux usées traitées à l’intérieur des locaux à usage d’habitation, des établissements sociaux, médico-sociaux, de santé ou d’hébergement de personnes âgées, des cabinets médicaux ou dentaires, des laboratoires d’analyse de biologie médicale, des établissements de transfusion sanguine, des crèches, des écoles maternelles et élémentaires, et en général des autres établissements recevant du public pendant les heures d’ouverture au public.

Ni dans le verre, ni dans la baignoire, ni dans la piscine

L’autorisation ne peut être délivrée pour certains usages : les usages alimentaires, dont la boisson, la préparation, la cuisson et la conservation des aliments et le lavage de la vaisselle ; l’hygiène du corps et du linge ; les usages d’agrément, dont les piscines et les bains à remous, la brumisation, les jeux d’eau, les fontaines décoratives accessibles au public.

Certains usages restent régis par des règles spécifiques et ne sont donc pas soumis à autorisation au titre du présent texte : l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts, la production et la transformation des denrées alimentaires, les usages dans une ICPE autorisée ou dans une station d’épuration autorisée. Pour les industries alimentaires, une expérimentation sera lancée par un décret complémentaire. Pour les ICPE et stations d’épuration autorisées, c’est l’arrêté préfectoral encadrant le fonctionnement de l’installation qui fixe les modalités d’utilisation des eaux usées traitées au sein de cette installation.

Pour l’application du présent texte, la demande d’autorisation est déposée par le producteur ou l’utilisateur des eaux usées traitées auprès du préfet du département où ces eaux sont produites, en vue de leur utilisation sur le territoire du département (NDLR : l’utilisation dans un autre département semble donc interdite). Elle est accompagnée d’un dossier permettant de justifier de l’intérêt du projet par rapport aux enjeux environnementaux et de démontrer sa compatibilité avec la protection de la santé humaine et de l’environnement.

Maîtriser les risques en cas de panne

Le dossier comporte une lettre de demande identifiant les parties prenantes et un document prévoyant leurs engagements et obligations réciproques. Il décrit le milieu qui reçoit jusqu’à présent les eaux usées traitées et le projet d’utilisation de ces eaux. Il évalue les risques sanitaires et environnementaux et propose des mesures préventives et correctives pour maîtriser et gérer ces risques, notamment lors des dysfonctionnements de l’installation de traitement des eaux usées.

Il décrit en détail les modalités de contrôle, de surveillance, d’entretien et d’exploitation des installations de traitement des eaux usées et des installations dans lesquelles ces eaux seront utilisées. Il précise les conditions économiques de réalisation du projet. Il indique les informations qui seront enregistrées dans un carnet sanitaire et les modalités de transmission au préfet des données collectées et enregistrées. Un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé précise en tant que de besoin le contenu du dossier de demande d’autorisation.

Lorsque le dossier est complet, un accusé de réception est transmis au demandeur. En cas de lacune, le préfet l’invite à compléter le dossier dans le délai qu’il fixe. Le dossier complet est transmis pour avis au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). Il est transmis également pour avis à la commission locale de l’eau si le projet est situé dans le périmètre d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux approuvé ou s’il a des effets dans un tel périmètre. Ces deux organismes disposent de deux mois pour rendre leur avis, ensuite de quoi ils sont réputés avoir rendu un avis favorable.

Avis conforme de l’agence régionale de santé

Le dossier est aussi transmis pour avis conforme à l’agence régionale de santé (ARS) qui peut solliciter l’avis de la cellule d’intervention en région. À la demande du directeur général de l’ARS, les ministres chargés de la santé et de l’environnement peuvent demander l’expertise de l’Anses sur la demande d’autorisation, ce qui a pour effet de porter de deux à quatre mois le délai pour que l’ARS rende son avis conforme. Quant au préfet, il dispose au total de six mois pour se prononcer, son silence au-delà de ce délai valant décision de refus.

S’il accorde l’autorisation, son arrêté indique la qualité sanitaire des eaux usées traitées à respecter pour les usages autorisés, et fixe les obligations incombant aux parties prenantes, notamment les prescriptions techniques à respecter pour la protection de la santé humaine et de l’environnement. Cet arrêté précise l’origine des eaux usées traitées et le niveau de qualité des boues produites, les débits et les volumes journaliers d’eaux usées traitées qu’il est prévu d’utiliser, les modalités d’utilisation et le programme d’utilisation de ces eaux.

Il précise aussi les modalités et le programme d’entretien des installations d’utilisation des eaux usées traitées, les modalités et le programme de contrôle et de surveillance, et les mesures d’information des personnes fréquentant les installations ou les lieux d’utilisation des eaux usées traitées.

Il précise encore les modalités des échanges entre les parties prenantes et avec le préfet, notamment en cas de dysfonctionnement, ainsi que les modalités de transmission au préfet des données et informations collectées, notamment celles enregistrées dans le carnet sanitaire. Il fixe enfin la durée de validité de l’autorisation, qui ne peut excéder cinq ans.

Toute modification substantielle du projet, qu’elle intervienne avant ou pendant la réalisation du projet ou au cours de son exploitation, est subordonnée à la délivrance d’une nouvelle autorisation. Est regardée comme substantielle la modification susceptible d’avoir une incidence sur les dangers ou inconvénients du projet pour la protection de la santé humaine et de l’environnement. La délivrance d’une nouvelle autorisation est soumise aux mêmes formalités que l’autorisation initiale.

Toute autre modification de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d’autorisation est portée au préalable à la connaissance du préfet avec tous les éléments d’appréciation. S’il y a lieu, le préfet modifie les prescriptions.

Contrôles, mesures et sanctions administratives

Les contrôles du respect des prescriptions de l’arrêté préfectoral d’autorisation et, le cas échéant, les mesures et sanctions en cas de manquement sont réalisés conformément aux dispositions des articles L. 171-1 à L. 171-12 du code de l’environnement, qui régissent l’ensemble des contrôles administratifs réalisés et des mesures et sanctions administratives prises en application de ce code.

En cas de danger ou d’inconvénient grave pour la santé humaine ou l’environnement, le préfet peut suspendre sans délai l’autorisation, aussi longtemps que nécessaire pour que soient prises les mesures propres à faire disparaître ce danger ou cet inconvénient. Si une des parties prenantes constate que les eaux usées traitées n’ont pas le niveau de qualité exigé par l’autorisation, elle en informe immédiatement le préfet et les autres parties prenantes. Les eaux ne sont alors plus utilisées jusqu’à ce que de nouvelles analyses permettent d’établir qu’elles sont redevenues conformes au niveau de qualité requis.

Le bénéficiaire de l’autorisation transmet au préfet, en vue d’une présentation pour avis au Coderst, au plus tard le 1er mars de chaque année, un rapport relatif à la mise en œuvre du projet au cours de l’année écoulée. Ce rapport est établi avec les parties prenantes.

Bilan annuel des volumes utilisés

Il comprend notamment un bilan des volumes d’eaux usées traitées utilisés, les résultats de la surveillance mise en place pour le suivi et l’évaluation de l’utilisation des eaux, un bilan des dépenses et des recettes et une analyse coûts-bénéfices, une synthèse des dysfonctionnements survenus dans l’année écoulée, les mesures correctives prises pour y remédier et les mesures de vérification de leur efficacité. Dans les trois mois suivant la réception du rapport, le Coderst rend un avis et peut formuler des recommandations sur les actions à conduire pour assurer le respect de l’autorisation.

Au plus tard six mois avant la date d’expiration de l’autorisation, son bénéficiaire en établit un bilan global, qui présente de façon qualitative et quantitative les impacts sanitaires et environnementaux, ainsi qu’une évaluation économique du projet.

Ce bilan est adressé au préfet, qui le transmet au Coderst afin que celui-ci rende, dans les trois mois suivant sa réception, un avis sur les résultats et l’intérêt du projet réalisé. En cas de demande de renouvellement de l’autorisation, ce bilan global, les rapports annuels et l’ensemble des avis rendus par le Coderst sont joints au dossier.

Décret no 2022-336 du 10 mars 2022 relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées (JO 11 mars 2022, texte n1).

Retour