o Protection des lanceurs d’alerte

Ces deux lois imposent notamment la création d’une procédure interne de recueil et de traitement des alertes par toutes les personnes morales employant au moins 50 personnes.

Tout lanceur d’alerte, notamment dans le domaine de l’environnement, peut adresser un signalement au Défenseur des droits, qui a désormais pour mission d’informer ces personnes, de les conseiller et de défendre leurs droits, ainsi que les droits des autres personnes protégées dans le cadre d’une procédure d’alerte.

Un nouveau rôle pour le Défenseur des droits

Si ce signalement relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille, le traite selon une procédure indépendante et autonome, et fournit un retour d’information à son auteur. Un décret en Conseil d’État précise les délais et les garanties de confidentialité applicables à cette procédure. Si le signalement relève de la compétence d’une autre autorité, le Défenseur des droits oriente son auteur vers celle-ci. S’il relève de plusieurs autorités ou d’aucune, il l’oriente vers l’autorité, l’administration ou l’organisme le mieux à même d’en connaître.

Le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne pour rendre, dans un délai de six mois, un avis sur sa qualité de lanceur d’alerte ou sur la protection dont elle peut bénéficier. Il est assisté d’un adjoint chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte, nommé par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits. Le Conseil constitutionnel a précisé que le Premier ministre ne pouvait mettre fin aux fonctions de cet adjoint que selon la même procédure.

Le Défenseur des droits présente tous les deux ans au Président de la République, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte, réalisé à partir des informations transmises par les autorités compétentes pour traiter et recueillir les signalements (NDLR : mieux que toute disposition formelle, la préparation de ce rapport lui permettra d’asseoir son autorité dans ce domaine).

Définition plus précise du lanceur d’alerte

En complément de la loi organique, la loi ordinaire, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2022, donne une nouvelle définition du lanceur d’alerte : c’est une personne physique qui signale ou divulgue, de bonne foi et sans contrepartie financière directe, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Si ces informations n’ont pas été obtenues dans des conditions permettant un signalement interne dans le cadre de l’activité professionnelle, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.

Sont exclus du régime de l’alerte les faits, informations et documents dont la révélation ou la divulgation est interdite au nom du secret de la défense nationale, du secret médical, du secret des délibérations judiciaires, du secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou du secret professionnel de l’avocat.

Protection des facilitateurs et de l’entourage

Certaines mesures de protection s’appliquent également aux facilitateurs, c’est-à-dire à toute personne physique ou à toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect de la présente loi.

Elles s’appliquent aussi aux personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte qui risquent de faire l’objet d’une mesure de pression ou de rétorsion dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services. Elles s’appliquent enfin aux entités juridiques contrôlées par un lanceur d’alerte, et à celles pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.

Les lanceurs d’alerte sont protégés s’ils adressent un signalement interne après avoir eu connaissance des informations concernées dans le cadre de leurs activités professionnelles, s’ils adressent un signalement externe, directement ou après avoir adressé un signalement interne, ou s’ils procèdent à une divulgation publique, dans les conditions prévues par la présente loi.

Lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité est révélée par la suite bénéficie des mêmes protections.

Certaines personnes physiques qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

Recueil et traitement des signalements internes

Cette faculté appartient aux membres du personnel, aux anciens membres du personnel et aux candidats à un emploi au sein de l’entité concernée, aux actionnaires et assimilés, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance, aux collaborateurs extérieurs et occasionnels, aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous-traitants et aux dirigeants et membres du personnel de ces cocontractants ou sous-traitants.

Une procédure interne de recueil et de traitement des signalements doit être établie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, par les administrations de l’État et les autres personnes morales employant au moins 50 personnes. Certaines de ces entités peuvent mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements. Les communes et leurs établissements publics peuvent en charger leur centre de gestion de la fonction publique territoriale. Si cette procédure interne n’existe pas, les personnes physiques mentionnées ci-dessus peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l’ensemble des sociétés d’un groupe, selon des modalités fixées par décret. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des informations relatives à un signalement effectué au sein de l’une des sociétés d’un groupe peuvent être transmises à une autre de ses sociétés, en vue d’assurer ou de compléter leur traitement.

Tout lanceur d’alerte peut adresser un signalement externe, directement ou après avoir effectué un signalement interne, à une autorité désignée par décret en Conseil d’État, ou au Défenseur des droits qui l’oriente vers la ou les autorités compétentes, ou à l’autorité judiciaire, ou à une institution, un organe ou un organisme compétents de l’Union européenne.

Un décret en Conseil d’État dresse la liste des autorités externes, parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargées d’une mission de service public, compétentes pour recueillir et traiter les signalements relevant de leur champ de compétence.

Signalement auprès d’une autorité externe

Ce décret fixe les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure et les délais du retour d’information réalisé par ces autorités auprès des auteurs des signalements externes. Il précise les modalités de clôture des signalements, les conditions d’évaluation des procédures et les obligations de formation des personnes concernées.

Les autorités externes rendent compte chaque année de leur action au Défenseur des droits. Elles lui communiquent les informations nécessaires à l’élaboration de son rapport, dont la nature est précisée par décret en Conseil d’État.

Si une autorité externe saisie d’un signalement estime que celui-ci ne relève pas de sa compétence ou qu’il concerne aussi la compétence d’autres autorités, elle le transmet à l’autorité externe compétente ou au Défenseur des droits, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles les autorités externes peuvent échanger des informations en vue de traiter le signalement.

Les autorités compétentes peuvent, le cas échéant en commun, assurer la mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des personnes ayant adressé un signalement. Elles peuvent leur accorder un secours financier temporaire si elles estiment que leur situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement.

Les protections prévues par la présente loi bénéficient aussi à tout lanceur d’alerte qui divulgue publiquement des informations après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, sans qu’aucune mesure appropriée n’ait été prise en réponse à ce signalement à l’expiration du délai prévu par la loi ou les règlements.

Signalement d’un danger grave et imminent

Elles lui bénéficient également en cas de danger grave et imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible, sauf si la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales (NDLR : cela fera beaucoup de concepts à définir par la jurisprudence).

Elles lui bénéficient enfin, sauf en cas d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales, lorsque la saisine d’une autorité compétente ferait courir à son auteur un risque de représailles ou qu’elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si le lanceur d’alerte a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts, en collusion avec l’auteur des faits ou impliquée dans ces faits.

Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec son consentement. Ils peuvent toutefois être communiqués à l’autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire. Des explications écrites sont jointes à cette information.

Les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires. Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n’y soient ni identifiées ni identifiables.

Irresponsabilité civile et pénale du lanceur d’alerte

Les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique, dès lors qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. Elles bénéficient également de l’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-9 du code pénal. La présente loi détaille encore les mesures de représailles qui ne peuvent leur être infligées, et la procédure applicable à l’encontre de telles mesures et de leurs auteurs.

Loi organique no 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte

Loi no 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

Conseil constitutionnels : décisions nos 2022-838 DC et 2022-839 DC du 17 mars 2022 (JO 22 mars 2022, textes nos 1 à 4).

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