o Réciprocité de l’accès aux marchés publics et aux concessions

Si un pays tiers n’applique pas correctement un accord de réciprocité, la Commission européenne disposera de toute une gamme de moyens de pression à son encontre.

Certes, l’Union européenne est largement ouverte aux flux économiques du monde entier ; mais à condition de recevoir un accueil aussi favorable dans les pays concernés. Le présent règlement fixe donc un cadre pour l’ouverture des marchés publics et des concessions de l’Union aux opérateurs économiques des autres pays, et demande en contrepartie que les opérateurs économiques européens bénéficient de la même faculté.

Cette ouverture réciproque est exclue du champ d’application des accords généraux signés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, mais rien n’interdit aux membres de cette organisation de négocier entre eux des accords complémentaires, au cas par cas, pour la satisfaction des besoins de leurs pouvoirs publics.

Plus précisément, « l’accord plurilatéral sur les marchés publics de l’OMC et les accords commerciaux de l’Union qui contiennent des dispositions relatives aux marchés publics ou aux concessions prévoient un accès des opérateurs économiques de l’Union uniquement aux marchés publics des pays tiers qui sont parties à ces accords ».

Le présent texte détaille donc les règles et les procédures à appliquer pour s’assurer, notamment, qu’un opérateur économique relève bien d’un pays tiers qui a signé un tel accord avec l’Union. Il est en effet très facile, pour une entreprise relevant d’un autre pays, de créer une filiale dans un pays signataire, alors que ce ne sera qu’une coquille vide. Ce texte permet aussi à la Commission européenne de lancer des enquêtes à l’encontre d’un pays tiers signataire qui restreindrait malgré cela l’accès des opérateurs économiques européens à ses marchés publics et à ses concessions.

Négociations ou mesures de rétorsion

Si c’est le cas, la Commission peut engager des négociations avec le pays récalcitrant. Et si ces négociations échouent, la Commission peut imposer des mesures relevant de l’instrument relatif aux marchés publics internationaux (Impi), en lien avec de telles mesures ou pratiques de pays tiers, afin de limiter l’accès des opérateurs économiques, biens ou services de pays tiers aux procédures de passation de marchés publics de l’Union. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices de l’UE incluent une référence à l’application du présent règlement et de toute mesure relevant de l’Impi applicable dans les documents de passation de marché public ou de concession, pour les procédures entrant dans le champ d’application d’une mesure relevant de l’Impi.

Si l’opérateur économique est une personne physique, son origine est réputée être le pays dont elle est ressortissante ou où elle jouit d’un droit de séjour permanent. Si c’est une personne morale, ce peut être le pays selon la législation duquel elle est constituée et sur le territoire duquel elle effectue des opérations commerciales substantielles. Si elle n’y effectue pas des opérations commerciales substantielles, son origine est celle de la ou des personnes qui peuvent exercer, directement ou indirectement, une influence dominante sur la personne morale en vertu de leur propriété de celle-ci, de leur participation financière à celle-ci ou des règles qui régissent cette personne morale. Le règlement précise comment déterminer cette influence dominante.

Lorsqu’un opérateur économique est un groupement de personnes physiques ou morales, ou les deux, et qu’au moins l’une de ces personnes provient d’un pays tiers où les opérateurs économiques, les biens ou les services sont soumis à une mesure relevant de l’Impi, cette mesure s’applique également aux offres soumises par ce groupement, sauf exception. En règle générale, dans le présent règlement, la notion de service inclut aussi la réalisation de travaux ou d’ouvrages, au sens des directives sur les marchés publics et les concessions.

À tout moment au cours de la procédure de passation de marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent demander à l’opérateur économique de soumettre, de clarifier ou de compléter les informations ou les documents liés à la vérification de son origine dans un délai approprié, pour autant que ces demandes soient en conformité avec les principes d’égalité de traitement et de transparence. Lorsque l’opérateur économique ne fournit pas ces informations ou ces documents sans apporter d’explication raisonnable, il est exclu de la procédure de passation concernée.

Enquête sur une mesure de restriction hors de l’UE

De sa propre initiative ou sur la base d’une plainte dûment étayée d’une partie intéressée de l’Union ou d’un État membre, la Commission peut ouvrir une enquête sur une prétendue mesure ou pratique d’un pays tiers en publiant un avis au Journal officiel de l’Union européenne. Cet avis comprend l’évaluation préliminaire par la Commission de la mesure ou pratique du pays tiers et invite les parties intéressées et les États membres à fournir les informations pertinentes à la Commission dans un délai défini.

La Commission met à disposition un outil en ligne sur son site internet. Les États membres et les parties intéressées de l’Union utilisent cet outil pour déposer une plainte étayée. La Commission n’ouvre pas d’enquête en ce qui concerne les pays les moins avancés, sauf s’il existe des preuves d’un contournement d’une mesure relevant de l’Impi imputable au pays tiers ou à ses opérateurs économiques.

Après publication de l’avis, la Commission invite le pays tiers concerné à soumettre ses observations, à fournir les informations pertinentes et à engager une concertation avec la Commission en vue d’éliminer la prétendue mesure ou pratique du pays tiers ou d’y remédier. Elle tient les États membres régulièrement informés de l’avancement de l’enquête et de la concertation au sein du comité des obstacles au commerce. L’enquête et la concertation sont closes neuf mois après leur ouverture, ce délai pouvant être porté à quatorze mois dans des cas justifiés.

Un délai de grâce pour le pays s’il fait des efforts

Elles peuvent être suspendues si le pays tiers concerné prend des actions correctives satisfaisantes ou s’engage envers l’Union à les prendre progressivement au plus tard dans un délai de six mois. Si la situation n’évolue pas, la Commission relance la procédure.

Au terme de l’enquête et de la concertation, la Commission publie un rapport présentant les principales conclusions de l’enquête et une proposition de ligne de conduite. Elle présente ce rapport au Parlement européen et au Conseil. Lorsqu’elle établit que la prétendue mesure ou pratique n’est pas maintenue ou n’entraîne pas d’entrave grave et récurrente à l’accès aux marchés publics ou aux concessions du pays tiers, elle met fin à l’enquête.

Si la Commission établit l’existence d’une mesure ou pratique d’un pays tiers, elle adopte une mesure relevant de l’Impi, si elle estime que cela va dans le sens des intérêts de l’Union. Cette mesure est déterminée en fonction de sa proportionnalité à la mesure ou pratique incriminée et de la disponibilité d’autres sources pour la fourniture des biens et services concernés, afin d’éviter ou de réduire autant que possible toute incidence négative significative sur les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices.

La mesure relevant de l’Impi s’applique uniquement aux procédures de passation de marchés dont la valeur estimée est supérieure à un seuil qui doit être déterminé par la Commission à la lumière des résultats de l’enquête et de la concertation, qui devrait être d’au moins 15 M€ HT pour les travaux et les concessions, et d’au moins 5 M€ HT pour les biens et services. La Commission précise les secteurs ou les catégories de biens, de services et de concessions concernés par cette mesure, avec l’intégralité des exceptions applicables. Elle précise aussi les catégories de pouvoirs adjudicateurs, d’entités adjudicatrices et d’opérateurs économiques concernés, et les seuils spécifiques d’application.

Elle peut retirer ou suspendre la mesure relevant de l’Impi si elle estime que le pays concerné prend ou s’engage à prendre les mesures correctives nécessaires ; si le résultat final n’est pas conforme à cet engagement, elle peut la rétablir à tout moment.

Une mesure relevant de l’Impi expire cinq ans après son entrée en vigueur, mais elle peut être prorogée pour cinq ans. La Commission entame un réexamen de cette mesure au plus tard neuf mois avant son expiration, en publiant un avis au Journal officiel de l’Union européenne. Ce réexamen dure six mois, à l’issue desquels la Commission peut prolonger la durée de la mesure, la modifier ou la remplacer par une autre mesure de ce type.

Exemption pour les petits pouvoirs locaux

Sur demande justifiée d’un État membre, la Commission peut adopter, en vue d’une répartition équitable entre les États membres des procédures de passation faisant l’objet de mesures relevant de l’Impi, une liste des pouvoirs adjudicateurs locaux dudit État membre, au sein des unités administratives dont la population est inférieure à 50 000 habitants, qui sont exemptés de l’application du présent règlement. Cette liste d’exemptions est valable pour trois ans et peut être révisée ou renouvelée tous les trois ans sur demande justifiée de l’État membre concerné. L’exemption est limitée à ce qui est strictement nécessaire et proportionné, compte tenu des capacités administratives des pouvoirs adjudicateurs à exempter.

Dans le cas de procédures de passation de marchés publics faisant l’objet d’une mesure relevant de l’Impi, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices incluent dans les documents de marchés publics certaines obligations, qui incombent aux adjudicataires, en particulier de ne pas sous-traiter plus de 50 % de la valeur totale du marché à des opérateurs économiques originaires d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure relevant de l’Impi.

30 % d’amende pour l’adjudicataire

Pour les marchés de biens, les adjudicataires doivent également faire en sorte que les biens ou les services provenant de tels pays ne représentent pas plus de 50 % de la valeur totale du marché, que ces biens ou services soient fournis directement par le soumissionnaire ou par un sous-traitant. Dans les deux cas, ils doivent fournir à l’acheteur public une preuve du respect de ces restrictions, par exemple en prouvant que plus de 50 % de la valeur provient d’autres pays. S’ils ne respectent pas ces restrictions, ils doivent payer des frais compris entre 10 % et 30 % de la valeur totale du marché (NDLR : gloup !).

Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent, de manière exceptionnelle, décider de ne pas appliquer une mesure relevant de l’Impi dans le cadre d’une procédure de passation de marché public, lorsque seules des offres soumises par des opérateurs économiques originaires d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure relevant de l’Impi satisfont aux exigences de l’appel d’offres, ou lorsque la décision de ne pas appliquer la mesure est justifiée par des raisons impérieuses relevant de l’intérêt public, telles que la santé publique ou la protection de l’environnement. Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice concerné doit fournir les éléments justificatifs détaillés par le présent règlement, dans les trente jours qui suivent l’attribution du marché.

Pour faciliter l’application du présent texte, qui entrera en vigueur le 22 août 2022, la Commission publie des lignes directrices avant le 2 mars 2023. Au plus tard le 30 août 2025 et au moins tous les deux ans ensuite, la Commission publie et présente au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l’application du présent règlement et sur les progrès réalisés dans les négociations internationales, en ce qui concerne l’accès des opérateurs économiques de l’Union aux marchés publics ou aux concessions de pays tiers.

Les États membres lui fournissent les informations sur l’application du présent texte, y compris en ce qui concerne le nombre de procédures de passation de marchés publics dans lesquelles une mesure relevant de l’Impi a été appliquée, le nombre d’offres reçues de pays tiers faisant l’objet de cette mesure, ainsi que les cas dans lesquels une exception spécifique à cette mesure a été appliquée.

Signaler les exceptions à la Commission

Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices font rapport à la Commission sur l’application des mesures relevant de l’Impi, dans le cadre des informations relatives à l’attribution des marchés.

Ces rapports contiennent, pour chaque procédure, des informations sur l’application des mesures, le nombre d’offres reçues de la part de pays tiers faisant l’objet d’une de ces mesures et l’application d’exceptions. Les États membres fournissent à la Commission des informations supplémentaires sur l’application des mesures au titre du présent règlement.

Au plus tard quatre ans après l’adoption d’un acte d’exécution ou au plus tard le 30 août 2027, la date la plus proche étant retenue, et tous les cinq ans par la suite, la Commission réexamine le champ d’application, le fonctionnement et l’efficacité du présent règlement, et fait rapport de ses conclusions au Parlement européen et au Conseil.

Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l’Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux — IMPI) (JOUE L 173, 30 juin 2022, p. 1).

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