o Ressources affectées aux collectivités territoriales et aux opérateurs de l’État

Le Conseil constitutionnel a profité de cette loi organique pour limiter le pouvoir du conseil des ministres.

Après vingt ans d’application, la loi organique n2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, appelée Lolf par les intimes, méritait une mise à jour pour corriger quelques points vagues, ajouter des précisions dont l’expérience a démontré la nécessité, et prendre en compte quelques modifications du droit européen.

L’article 3 de la présente loi organique modifie ainsi l’article 2 de la Lolf. À compter de la loi de finances initiale pour 2025, des impositions de toutes natures pourront être directement affectées aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale, sous certaines réserves. Comme précédemment, elles ne peuvent être affectées à un autre tiers que si celui-ci est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées.

L’affectation totale ou partielle à un tiers d’une ressource établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de finances, de même que l’affectation du produit d’une imposition de toutes natures à un tiers, sauf pour certaines impositions affectées aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale.

L’article 15 modifie l’article 34 de la Lolf : la première partie de la loi de finances de l’année peut comporter des dispositions relatives à l’assiette, au taux, à l’affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une personne morale autre que l’État.

Traduction législative du plafond mordant

Cette première partie présente la liste et le produit prévisionnel de l’ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale ; elle peut décider d’attribuer tout ou partie de ce produit à l’État (NDLR : c’est là la traduction législative du principe du plafond mordant, qui a notamment fait souffrir les agences de l’eau).

Jusqu’à présent, la place de ces affectations dans la loi de finances n’était pas clairement fixée. Cet article entrera en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023.

Le conseil des ministres ne fera plus ce qu’il veut

On ne se méfie jamais assez du Conseil constitutionnel et de ses considérants de principe. Il en a inséré un succulent au paragraphe 106 de sa décision sur cette loi organique. Son lien avec le texte examiné est très ténu, ce qui le rend d’autant plus savoureux. Il se fonde sur le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, en vertu duquel les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Cela concerne toutes les lois, pas seulement les lois de finances.

Jusqu’à présent, le conseil des ministres considérait qu’il pouvait ajouter au dernier moment des dispositions en lien avec le projet de loi, même si elles n’avaient pas fait l’objet d’un avis du Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel y met le holà : « Si le conseil des ministres délibère sur les projets de loi et s’il lui est possible d’en modifier le contenu, c’est, comme l’a voulu le constituant, après avoir reçu l’avis du Conseil d’État. Par suite, l’ensemble des questions posées par le texte adopté par le conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d’État lors de sa consultation. »

Autrement dit, les Sages s’octroient le pouvoir de censurer automatiquement tout article d’un projet de loi qui ne respecterait pas cette obligation.

Loi organique no 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques

Conseil constitutionnel : décision n2021-831 DC du 23 décembre 2021 (JO 29 déc. 2021, textes nos 1 et 3).

Retour