o Retour d’expérience de l’incendie de Lubrizol

Dans les stockages de liquides inflammables, il faudra s’équiper de dispositifs d’extinction des effluents enflammés, pour éviter qu’ils n'aggravent les incendies.

Deux ans après l’incendie de l’usine Lubrizol, à Rouen, trois arrêtés en tirent un retour d’expérience, en renforçant surtout les prescriptions concernant le stockage de liquides en récipients mobiles. Chacun de ces textes vise une classe d’installations classées pour la protection de l’environnement. Toutefois, seuls les arrêtés concernant les ICPE soumises à enregistrement ou à déclaration comportent des dispositions portant sur la gestion de l’eau dans les installations, en particulier pour la lutte contre les incendies et les pollutions ; elles sont quasiment identiques pour les deux classes. Elles ne concernent que les installations contenant certains liquides inflammables.

Nouvelles contraintes pour les capacités de rétention

Les changements les plus importants portent sur les capacités de rétention, qui sont associées à tous les stockages de produits liquides susceptibles de créer une pollution de l’eau ou du sol, à l’exception des bassins de traitement des eaux résiduaires.

Ces modifications sont souvent très subtiles. Par exemple, on sait depuis longtemps qu’une rétention doit résister à l’action physique et chimique des produits qu’elle peut recueillir ; mais désormais, elle doit aussi résister à la pression statique du produit éventuellement répandu. Son étanchéité ne doit notamment pas être compromise par les produits pouvant être recueillis, par un éventuel incendie ou par les éventuelles agressions physiques liées à l’exploitation courante.

L’exploitant met en place les dispositifs et procédures appropriés pour assurer l’évacuation des eaux pouvant s’accumuler dans les rétentions. Ces dispositifs sont étanches aux produits susceptibles d’être retenus. Ils sont fermés, ou à l’arrêt s’il s’agit de dispositifs actifs, sauf pendant les phases de vidange. On doit pouvoir les commander et vérifier leur position ouverte ou fermée sans avoir à pénétrer dans la rétention.

Comme précédemment, les produits récupérés en cas d’accident ne peuvent être rejetés que dans le respect des valeurs limites d’émission ou sont éliminés vers les filières de traitement des déchets appropriées. L’exploitant veille à ce que les capacités de rétention soient disponibles en permanence. La rétention et ses dispositifs associés font l’objet d’une surveillance et d’une maintenance appropriées, définies dans une procédure.

Rétentions associées aux récipients mobiles de stockage

Des prescriptions renforcées visent les rétentions associées à des récipients mobiles de stockage contenant des liquides inflammables. Ces récipients ont en effet contribué fortement à aggraver l’incendie de Lubrizol, et leurs rétentions n’ont pas joué leur rôle. Outre les volumes des liquides contenus dans les récipients, ces rétentions doivent pouvoir accueillir le volume des eaux d’extinction, grâce à une hauteur supplémentaire des parois de rétention de 0,15 m. Elles doivent aussi pouvoir contenir les eaux pluviales, à raison de 10 litres par mètre carré de surface exposée aux intempéries de la rétention et du drainage qui s’y jette.

Toujours pour les récipients mobiles, le volume nécessaire à la rétention est assuré par une ou plusieurs rétentions locales ou déportées. Les éventuels dispositifs de drainage ont des dimensions adaptées aux caractéristiques des produits et des débits attendus, en particulier en cas de déversement dans le cadre d’un incendie, pour assurer l’évacuation des produits et contenir la surface en feu.

En règle générale, chaque partie de bâtiment contenant un liquide inflammable est divisée en zones de collecte d’une superficie unitaire maximale au sol de 500 m2. Cette superficie est compatible avec le dimensionnement du système d’extinction automatique d’incendie dont l’efficacité est qualifiée et vérifiée par un organisme reconnu compétent dans le domaine de l’extinction automatique. À chaque zone est associé un système de drainage et une ou des rétentions déportées, dont la capacité utile est calculée comme ci-dessus. Ces rétentions déportées sont implantées à moins de 100 m d’au moins un appareil d’incendie.

Un dispositif pour éteindre les effluents enflammés

Dans le cas d’une rétention déportée, chaque îlot de stockage extérieur est associé à une zone de collecte dédiée. Chaque zone de collecte est pourvue d’un dispositif de drainage permettant de récupérer et de canaliser les liquides inflammables et les eaux d’extinction d’incendie. Les effluents ainsi canalisés sont dirigés à l’extérieur des zones de collecte vers un dispositif permettant l’extinction des effluents enflammés et évitant leur réinflammation avant qu’ils ne soient dirigés vers la rétention déportée. Ce dispositif peut être une fosse d’extinction, un plancher pare-flamme, un siphon anti-feu ou tout autre dispositif équivalent.

La zone de collecte, le drainage, le dispositif d’extinction et la rétention déportée sont conçus, dimensionnés et construits afin de ne pas communiquer le feu directement ou indirectement aux autres installations situées sur le site ni à l’extérieur du site. Pour éviter tout débordement des réseaux, ils sont adaptés aux débits ainsi qu’aux volumes attendus d’effluents enflammés et des eaux d’extinction d’incendie, pour assurer l’écoulement vers la rétention déportée.

Ils sont aussi conçus et réalisés de manière à éviter le colmatage du réseau d’évacuation par toute matière solide ou susceptible de se solidifier, à éviter tout débordement de la rétention déportée, à éviter toute surverse de liquide inflammable lors de son arrivée éventuelle dans la rétention déportée, et à résister aux effluents enflammés : en amont du dispositif d’extinction, les réseaux sont en matériaux incombustibles.

Le liquide recueilli est dirigé de manière gravitaire vers la rétention déportée. Toutefois, en cas d’impossibilité technique de disposer d’un dispositif passif de drainage, l’écoulement vers cette rétention peut être constitué d’un dispositif commandable manuellement et automatiquement sur déclenchement du système de détection d’incendie ou d’écoulement. Les équipements nécessaires à ce dispositif actif sont conçus pour résister aux effets auxquels ils sont soumis. Ils disposent, d’une alimentation électrique de secours et, le cas échéant, d’équipements empêchant la propagation d’un incendie.

Contrôle et maintenance des dispositifs

Le dispositif d’extinction et le dispositif de drainage font l’objet d’un examen visuel approfondi périodiquement et d’une maintenance appropriée. S’il y a un dispositif actif de drainage, il fait l’objet de tests de fonctionnement périodiques, au moins tous les six mois. Les dates et les résultats des tests sont consignés dans un registre éventuellement informatisé qui est tenu à la disposition de l’inspection des installations classées.

Si les appareils d’incendie de l’ICPE sont alimentés par un réseau d’eau public, les charges qui en résultent sont réparties entre la commune et l’exploitant selon les modalités prévues à l’article R. 2225-7 du code général des collectivités territoriales.

Pour les ICPE soumises à déclaration, le dossier de l’installation comporte les plans tenus à jour, y compris le plan des réseaux d’eau interne ; ces plans indiquent les dates de construction, notamment celles des rétentions.

Ces plans des réseaux d’eau font aussi partie du plan de défense incendie établi par l’exploitant, de même que le plan de situation qui décrit schématiquement l’alimentation des différents points d’eau ainsi que l’emplacement des vannes de barrage sur les canalisations, et les modalités d’utilisation, en toutes circonstances, de la ressource en eau nécessaire à la maîtrise de l’incendie de chaque cellule.

Les deux arrêtés sont complétés par des annexes qui précisent les modalités et les délais d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions dans les installations existantes.

Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l’arrêté ministériel du 22 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous l’une ou plusieurs des rubriques nos 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut sous l’une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511

Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l’arrêté ministériel du 1er juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’enregistrement au titre de l’une au moins des rubriques 4331 ou 4734 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (JO 2 oct. 2021, textes nos 5 et 6).

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