o Transfert de l’eau et de l’assainissement : d’autres assouplissements à venir

Toute forme d’organisation pourrait devenir possible, sauf l’exercice de ces compétences par une commune isolée. Et concernant la généralisation de la tarification progressive, il est finalement urgent de ne pas se précipiter.

Question de Jean-Michel Arnaud, sénateur (UC) des Alpes-de-Haute-Provence :

Le Président de la République a présenté dans mon département un plan pour l’eau qui fixe un cap, alors que la politique de l’eau tanguait depuis des années. Il a notamment appelé à une « tarification progressive et responsable de l’eau », souhaitant qu’elle soit généralisée en France « en concertation avec les élus ». Cela signifie que les premiers mètres cubes seront facturés à un prix réduit, proche du prix coûtant. Ensuite, au-delà d’un certain niveau, plus on consommera, plus le prix sera élevé.

Sur le papier, cela paraît simple ; en pratique, ce le sera beaucoup moins. La mesure suppose que les consommateurs soient informés de leur consommation d’eau en temps réel. Pour cela, ils devront être dotés de compteurs intelligents. Or seuls 40 % des foyers en possèdent un. Comment avez-vous prévu de généraliser ces compteurs ? Par ailleurs, la tarification devra tenir compte du volume consommé, mais aussi des usages qui seront faits de cette eau. Allez-vous mettre en place une hiérarchie des usages ? Si oui, comment s’articulera-t-elle avec la tarification progressive ?

Enfin, je vous invite à apporter des précisions sur l’organisation locale de l’eau et de l’assainissement. Je n’avais pas envisagé de poser cette question, qui est manifestement sur toutes les lèvres et, éventuellement, dans votre conscience, mais j’écouterai avec beaucoup d’attention votre réponse.

Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Le Sénat s’est fait l’écho de l’inquiétude qu’inspire l’établissement d’une règle unique en France, tout en s’interrogeant sur les raisons justifiant le refus de maintenir des systèmes de gestion communaux. Quels seraient les indicateurs expliquant une évolution à marche forcée vers une gestion intercommunale ?

Ces indicateurs existent. Ils expliquent que le Président de la République ait rappelé que préserver un système de gestion de l’eau avec des communes isolées n’était pas une option. L’année dernière, 80 % des communes privées d’eau potable géraient l’eau seules, tout comme 116 des 170 communes dont le taux de fuite dépasse les 50 %.

Toutefois, le président a indiqué que l’enjeu était de sortir d’une gestion assurée par des communes isolées, sans pour autant se diriger nécessairement vers l’intercommunalité, car d’autres formes de mutualisation peuvent prendre le relais, tenant compte de la topographie, de la géographie et de la réalité des territoires. C’est le point d’équilibre qu’il nous reste à trouver. Une mission parlementaire nous permettrait sans doute de préciser la manière dont les choses pourraient se dérouler.

Tarification : ne pas pénaliser les familles nombreuses

En ce qui concerne la tarification, il s’agit, non pas de pénaliser les familles nombreuses, mais de « trouver un dispositif permettant d’objectiver les situations s’agissant des usages de confort ». C’est la raison pour laquelle nous allons, dans un premier temps, adresser au Conseil économique, social et environnemental (Cese) une demande de préconisations, pour ensuite en discuter avec vous et avec les associations d’élus locaux qui ont la responsabilité de la tarification.

Réplique de Jean-Michel Arnaud :

Le Président de la République a déclaré vouloir un modèle d’organisation pluriel et différencié. Vous nous annoncez aujourd’hui la possibilité de créer de nouveau des syndicats pour gérer la compétence d’eau au plus près du territoire. Vous avez également annoncé la création d’une mission parlementaire, et nous y collaborerons. Il sera nécessaire de préciser les choses, y compris dans des situations particulières, afin de maintenir une compétence communale là où c’est nécessaire, et non partout, car nous cherchons un compromis. Je souhaite que nous puissions avancer dans les prochaines semaines pour être prêts avant la date limite du 1er janvier 2026.

JO Sénat CR, 6 avr. 2023, p. 3476.

NDLR: Apparemment, les ministres compétents commencent seulement à prendre conscience des difficultés à imposer une tarification progressive, et du risque de pénaliser les familles nombreuses pauvres. Dommage qu’ils ne l’aient pas su, ou qu’ils n’aient pas osé le dire au Président de la République, avant que celui-ci n’en parle dans son discours. Quant à l’idée de différencier la tarification en fonction des usages, c’est une bonne blague.

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