o Variations sénatoriales sur le thème de l’écologie

Pour la deuxième fois depuis la création du Sénat, tous les groupes ont quelque chose à dire sur la transition écologique et la transition énergétique, et certains abordent même spécifiquement la question de l’eau. Mais les points de vue divergent largement d’un groupe à l’autre.

Tous les trois ans, après son renouvellement partiel, le Sénat est le théâtre d’un grand jeu de négociations qui aboutit à la constitution de groupes parlementaires plus ou moins homogènes. Le résultat de ces négociations se lit entre les lignes dans les déclarations politiques que les groupes déposent lorsqu’ils ont réussi à s’accorder sur un programme.

Pour cette année, les négociations ont été fructueuses : les huit groupes antérieurs ont pu se reconstituer. On notera une certaine uniformisation des thématiques de leurs programmes, qui mentionnent tous la transition écologique et la transition énergétique ; certains abordent même la question de l’eau. Mais les points de vue sur ces questions sont évidemment très différents d’un groupe à l’autre.

Certains en sont encore aux agences de bassin

Ainsi, le groupe Les Républicains entend « promouvoir une écologie humaine, qui s’appuie sur le génie humain et n’oppose pas les besoins de l’homme et ceux de la nature », « avoir une stratégie énergétique de long terme reposant sur […] le recours à une juste part des énergies renouvelables dans la production d’électricité » et « déployer un plan national pour l’eau afin d’anticiper les besoins futurs en augmentant les financements, notamment ceux des agences de bassin, et en développant le stockage raisonné de l’eau pour l’agriculture ». On notera la mention des agences de bassin, ancienne dénomination des agences de l’eau avant 1991. Ça ne nous rajeunit pas, tout ça…

Le groupe socialiste, écologiste et républicain propose « d’abord une nouvelle politique économique, sociale et environnementale qui rejoint les objectifs du développement durable comme première exigence de [ce] groupe ». Il veut aussi « protéger notre planète et peser de tout [son] poids afin que les mesures qui s’imposent pour lutter contre le changement climatique soient opérantes au plus vite, assurer la transition énergétique, réduire les pollutions, endiguer la perte de biodiversité, et gérer de façon raisonnée les ressources naturelles ». Et il défend « un État fort en mesure de faire face aux défis écologiques, numériques et démocratiques ». Que du classique.

Le groupe Union centriste estime juste que plusieurs angles de l’action publique sont « insuffisamment appréhendés, [dont] l’accélération de la transition écologique appuyée sur une production énergétique responsable ». Tout aussi succinct, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants entend « accompagner la politique menée par le Gouvernement, dans le but […] de porter haut notre ambition climatique et écologique si essentielle à notre avenir commun ».

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky (CRCE-Kanaky) est plus disert sur ce sujet, qu’il aborde dans le respect de ses fondamentaux : « La crise de la Covid-19 a mis en évidence le lien étroit entre le combat pour les droits sociaux et l’épanouissement humain, et le combat pour l’environnement, contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité. Ce combat implique, qui peut en douter, un nouveau mode de développement économique en rupture avec un système capitaliste fondé sur le profit et l’intérêt privé.

Garantir le droit de tous à l’accès à l’eau

« Conscients de ces nouveaux enjeux écologiques, éthiques, démocratiques qui pèsent sur le devenir de notre société, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE-Kanaky sont convaincus de la nécessité d’inventer un nouveau mode de développement susceptible de préserver la planète pour les générations à venir et de garantir le droit à l’accès pour toutes et tous aux biens vitaux (eau, énergie, alimentation…). » Par chance, ce droit est déjà garanti par la loi, ce qui sera donc plus facile à garantir.

Dans le cadre d’un développement durable, ce groupe se battra « pour une véritable politique de réindustrialisation de notre pays, fondée sur une exploitation à la fois économe et équitable des ressources de la planète, préservant la biodiversité et assurant un environnement viable et non pollué ».

On retrouve une sobriété plus marquée sur ce sujet avec le groupe Les Indépendants - République et territoires, qui se déclare « conscient que la préservation de l’environnement fait partie des intérêts fondamentaux de la Nation » et qui « œuvre à sa protection et à la sauvegarde de la biodiversité. Il soutient la transition énergétique, défend les énergies renouvelables et les énergies bas carbone ainsi que toutes les mesures concourant à l’efficacité énergétique. »

Ménager la chèvre et le chou (bio)

Encore plus prudent, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen entend seulement « protéger l’environnement sans remettre en cause l’idéal du progrès économique et social et relever ainsi le défi de ces deux ambitions complémentaires ».

À l’inverse, chez le groupe écologiste - solidarité et territoires, l’environnement est un sujet obsessionnel : « Nos territoires aspirent à s’engager dans une transition écologique et sociale ambitieuse. [Notre groupe] se donne pour objectif de repenser notre rapport au monde et aux autres, notre manière d’habiter la Terre, de sorte que le vivant et l’humain y cohabitent harmonieusement, dans le respect des limites planétaires et dans un environnement protégé, sain et viable. […]

« Les membres de ce groupe […] se retrouvent autour d’une écologie qui agit pour transformer la société. Face au dérèglement climatique, à la destruction de la biodiversité et des communs, à l’aggravation des inégalités sociales, environnementales et territoriales et à une démocratie en péril, ce groupe contribuera à bâtir un avenir viable et désirable.

« Partout en France, dans tous les territoires, des [élus] engagent déjà la transition écologique et mettent en mouvement la vision d’un monde fait de coopération, de respect du vivant et d’ouverture. Ce groupe est le point d’appui au Sénat de toutes [ces élues et de tous ces élus] qui souhaitent s’engager pour affronter les défis du siècle. Il est également une plateforme pour consolider le projet global des écologistes via ses propositions nourries des expériences et des réussites mises en œuvre sur tous les territoires de la République. […]

« Devant l’interdépendance des injustices sociale et climatique, notre groupe aura l’objectif de faire vivre le principe pollueur-payeur en l’appliquant à celles et ceux qui sont les premiers responsables, c’est-à-dire les grands producteurs-consommateurs, et non à celles et ceux qui sont les plus fragiles socialement. » La déclaration ne précise pas davantage cet étrange concept de « grands producteurs-consommateurs ».

Déclarations politiques remises à la présidence du Sénat le mardi 3 octobre 2023 en application de l’article 5 du règlement (JO 4 oct. 2023, texte n84).

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