o Vers de nouvelles règles de traitement des boues d’épuration

Quand le législateur ne connaît rien à l’eau, la loi devient inapplicable. Deux projets de décrets doivent ainsi être réécrits.

Question de Bernard Fournier, sénateur (LR) de la Loire :

Dans l’agglomération de Roanne, 35 stations d’épuration produisent chaque année 10 000 tonnes de boues d’épuration, qui font en totalité l’objet d’une valorisation agricole, pour moitié dans le cadre de plans d’épandage, et pour le reste sous forme de compost. Or un projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d’innocuité selon les conditions d’usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture prévoit l’interdiction, à compter du 1er juillet 2021, de tout épandage de boues urbaines non hygiénisées.

Par ailleurs, ce même projet de décret, ainsi que celui qui est relatif au compostage des boues d’épuration et digestats de boues d’épuration avec des structurants, vont également imposer de très fortes contraintes sur la fabrication et la distribution des composts.

Toutes ces dispositions vont entraîner d’importants surcoûts pour les services d’assainissement, ce qui entraînera une hausse importante des redevances d’assainissement ou une baisse des investissements. De toute façon, l’agglomération de Roanne et son prestataire de compostage ne pourront pas répondre à ces nouvelles exigences dans les délais prévus, car ils ne possèdent ni les équipements ni les infrastructures nécessaires pour ce faire.

Prévoir des délais réalistes

En outre, l’entrée en vigueur des nouveaux seuils envisagés, notamment pour le cuivre ou le nickel dès le 1er juillet 2021, va imposer à l’agglomération et à ses prestataires de réexaminer dans les mêmes délais les conditions de déversement des eaux de plusieurs industriels, voire d’interdire ces déversements.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir prendre en compte toutes les difficultés que posent ces nouvelles réglementations, de les limiter aux exigences strictement nécessaires et de prévoir des délais compatibles avec la mise en œuvre de solutions permettant de les respecter.

Réponse de la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité :

L’instauration de nouvelles normes applicables aux épandages de boues ou de composts élaborés à base de boues a pour objectif d’assurer un niveau de protection homogène des sols agricoles à l’égard des contaminations, quel que soit le type de fertilisation.

Ces normes trouvent leur fondement dans l’article 86 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui est en effet assez exigeante quant au niveau d’innocuité à atteindre pour permettre le retour au sol de ces boues (NDLR : cette obligation est issue d’un amendement qui n’a tenu aucun compte des capacités financières des services d’assainissement).

Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, responsable de l’élaboration des normes de qualité des matières destinées à l’épandage et des procédures d’épandage, a soumis à la consultation un premier projet de décret à la fin de 2020. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu son avis sur le sujet le 28 janvier dernier ; il est assorti de certaines recommandations dont la faisabilité devra être évaluée par ce ministère, qui sera sans doute amené à proposer un projet amendé de décret.

Mélanger les boues et les déchets verts : une recette délicate

Par ailleurs, ce même article 86 prévoit un décret pour préciser les conditions dans lesquelles les boues d’épuration peuvent être traitées par compostage, seules ou conjointement avec d’autres matières. Un premier projet de décret a reçu un avis défavorable du Conseil national d’évaluation des normes le 4 février dernier, compte tenu des difficultés que les collectivités locales et les exploitants de station d’épuration éprouvent à atteindre un taux de siccité des boues suffisamment élevé pour permettre les rapports proposés entre les boues et les déchets verts.

Un nouveau projet de décret précise donc que les boues d’épuration pourront, à compter du 1er janvier 2022, recevoir un complément de 50 % de déchets verts, et que ce taux sera abaissé à 40 % le 1er janvier 2024. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) examinera en 2026 la nécessité de réviser ces proportions en fonction des besoins de la filière de compostage des biodéchets, besoins qui auront pu alors être évalués. Le Conseil national d’évaluation des normes a émis un avis favorable le 4 mars sur ce nouveau projet, qui a été transmis pour avis au Conseil d’État.

Je tiens enfin à vous signaler que des moyens ont été mis en place dans le cadre de France relance : une enveloppe de 30 M d’aides d’urgence vient aider les collectivités à prendre en charge les surcoûts liés à l’hygiénisation des boues avant épandage, nécessité rendue évidente par la crise sanitaire que nous connaissons. Cette aide doit notamment couvrir l’achat d’équipements, mais aussi de réactifs tels que la chaux. De manière plus pérenne, après la crise, les agences de l’eau pourront accompagner les collectivités dans leurs investissements.

JO Sénat CR, 14 avr. 2021, p. 3087.

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