o Dépollution d’un terrain près d’un site Natura 2000

Pour décider si un projet doit être soumis à une évaluation au titre de la directive Habitats, il faut aussi prendre en compte ses effets positifs sur un site Natura 2000.

Cette demande de décision préjudicielle présentée par la Haute Cour d’Irlande à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est un peu particulière : elle ne porte pas seulement sur la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive Habitats, mais aussi sur la procédure qui doit être suivie lors d’un recours concernant cette directive, ainsi que d’autres textes dont la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Dans le cas présent, le requérant, un cabinet d’avocats irlandais, a attaqué un projet de construction de locaux commerciaux accepté par l’organisme irlandais qui délivre les permis de construire. Après avoir détaillé dans un mémoire les raisons pour lesquelles ce cabinet demandait à la justice de procéder au contrôle juridictionnel de ce permis, le requérant a voulu présenter d’autres arguments lors de l’audience, ce que le juge a refusé.

Le droit irlandais prévoit en effet qu’une telle procédure doit être fondée sur un exposé des demandes et des moyens sur lesquels ces demandes sont fondées, énonçant de manière précise chacun de ces moyens et indiquant, pour chaque moyen, les faits ou les éléments invoqués à son appui. Lors de l’audience, un requérant ne peut invoquer aucun moyen ni formuler aucune demande autres que ceux figurant dans cet exposé. Dans le cas présent, les avocats avaient apparemment de nouveaux arguments à faire valoir. Hélas pour eux, la CJUE estime que rien, dans le droit de l’Union, ne s’oppose à une telle restriction procédurale.

Une dépollution bonne pour un site Natura 2000 voisin

Le requérant a aussi appuyé son argumentation sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE, et la Haute Cour d’Irlande a demandé des précisions à ce sujet à la CJUE. Selon la première phrase de ce paragraphe, « tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site ». Cette évaluation est-elle nécessaire dans le cas présent ?

Sans se prononcer sur le fond de l’affaire, les magistrats européens constatent que le projet en question prévoit une phrase de dépollution du site, ce qui pourrait avoir un effet positif pour un site Natura 2000 situé à proximité. D’où leur réponse : « Afin de déterminer s’il est nécessaire de procéder à une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site, il peut être tenu compte des caractéristiques de ce plan ou projet qui impliquent l’élimination de contaminants et qui sont donc susceptibles d’avoir pour effet de réduire les incidences négatives dudit plan ou projet sur ce site, lorsque ces caractéristiques ont été intégrées dans le même plan ou projet en tant que caractéristiques standards ». On ne saurait être plus précis.

Indiquer les motifs pertinents de sa décision

Une dernière question préjudicielle porte sur une partie de la seconde phrase de ce même paragraphe 3 de l’article 6 : « Les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné ».

La réponse de la CJUE est un bel exemple d’exposé juridique en deux points. D’une part, l’autorité qui autorise un plan ou un projet susceptible d’affecter un site Natura 2000 sans exiger une évaluation appropriée « n’est pas tenue de répondre, dans la motivation de sa décision, à tous les points de droit et de fait soulevés au cours de la procédure administrative ».

Mais, d’autre part, « elle doit néanmoins indiquer à suffisance les motifs qui lui ont permis, préalablement à l’octroi d’une telle autorisation, d’acquérir la certitude, malgré les avis contraires et les doutes raisonnables éventuellement exprimés dans [ces avis], que tout doute scientifique raisonnable quant à la possibilité que ce projet affectât ce site de manière significative était exclu ».

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 juin 2023 (demande de décision préjudicielle de la High Court (Irlande) — Irlande) — Eco Advocacy CLG / An Bord Pleanála (Affaire C-721/21, Eco Advocacy) (Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Zones spéciales de conservation – Article 6, paragraphe 3 – Préévaluation d’un plan ou d’un projet en vue de déterminer la nécessité de procéder ou non à une évaluation appropriée des incidences de ce plan ou de ce projet sur une zone spéciale de conservation – Motivation – Mesures pouvant être prises en compte – Projet de construction d’un logement – Autonomie procédurale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Règles de procédure en vertu desquelles l’objet du litige est déterminé par les moyens soulevés au moment de l’introduction du recours) (JOUE C 271, 31 juill. 2023, p. 5).

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