L’Autriche applique bien mal la directive 2011/92/UE

Pour savoir si un projet doit être soumis à une évaluation environnementale, chaque État membre fixe ses propres critères. Mais ceux qui figurent dans le droit autrichien aboutissent à exonérer d’évaluation presque toutes les opérations d’aménagement urbain. Et ce n’est pas tout.

Dans cette affaire qui porte sur des travaux d’aménagement urbain à Vienne (Autriche), le droit autrichien est fortement mis à mal par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une demande de décision préjudicielle par le tribunal administratif de Vienne. Il s’agit de déterminer si les règles nationales de l’Autriche sont conformes à la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

En premier lieu, pour déterminer si des travaux d’aménagement urbain doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, la réglementation autrichienne prévoit qu’ils doivent s’étendre sur au moins 15 hectares et comporter la construction de plus de 150 000 m2 de surface brute de plancher. Et ce n’est pas tout : il doit s’agir d’un projet d’aménagement en vue de la construction d’un ensemble multifonctionnel incluant au moins des logements et des bureaux, ce projet doit comprendre les voies et infrastructures de viabilisation prévues à cet effet, et sa zone d’attraction doit dépasser son périmètre.

Priver la directive de tout effet pratique

Avec de tels critères, on peut être sûr qu’il ne doit pas se trouver beaucoup de projets qui seront soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. C’est beaucoup trop restrictif, tranche la CJUE. On pourrait ajouter qu’un tel empilement de critères est contraire à l’esprit même de cette directive et vise à la priver de tout effet pratique.

Sans porter une telle accusation, qui outrepasserait son rôle, la CJUE donne le mode d’emploi à respecter : « dans le cadre d’un examen au cas par cas du point de savoir si un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et doit donc être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, l’autorité compétente doit examiner le projet concerné au regard de tous les critères de sélection énumérés à l’annexe III de la directive […], afin de déterminer les critères pertinents dans le cas d’espèce, et doit ensuite appliquer ces critères pertinents à la situation de l’espèce ». Autrement dit, il n’est pas question de s’en tenir à une lecture de la réglementation sans rentrer dans les détails du projet.

Pas de permis de construire anticipé

Et ce n’est pas tout : l’administration autrichienne s’estime en droit d’accorder un permis de construire pour une partie des travaux sans attendre la fin de la procédure imposée par la directive 2011/92/UE. Pas question, réplique la Cour : ce texte « s’oppose à l’octroi, avant ou pendant la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement requise, ou avant la fin d’un examen au cas par cas des incidences sur l’environnement visant à déterminer si une telle évaluation est nécessaire, de permis de construire pour des projets individuels de travaux qui s’inscrivent dans le cadre de projets de travaux d’aménagement urbain plus vastes ».

Il ne reste plus qu’à trancher un point de procédure, ce qui donne lieu à une réponse moins abrupte, mais tout de même peu favorable au droit autrichien. Celui-ci prévoit qu’un éventuel examen au cas par cas peut être réalisé pour la première fois par une juridiction dotée de la compétence pour accorder au maître d’ouvrage l’autorisation de réaliser le projet. C’est conforme avec la directive, décide la CJUE.

Toutefois, un particulier qui fait partie du « public concerné », et qui remplit les critères prévus par le droit national quant à l’ « intérêt suffisant pour agir » ou, le cas échéant, à l’ « atteinte à un droit », doit disposer de la possibilité de contester, devant une autre instance juridictionnelle ou, selon le cas, un autre organe indépendant et impartial établi par la loi, la légalité, quant au fond ou à la procédure, de la décision constatant qu’il n’y a pas lieu de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement qui serait prise par une telle juridiction. On peut supposer que rien de tel n’est prévu pour l’instant dans le droit autrichien…

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 25 mai 2023 (demande de décision préjudicielle du Verwaltungsgericht Wien — Autriche) — WertInvest Hotelbetriebs GmbH / Magistrat der Stadt Wien (Affaire C-575/21, WertInvest Hotelbetrieb) (Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Article 2, paragraphe 1, et article 4, paragraphe 2 – Projets relevant de l’annexe II – Travaux d’aménagement urbain – Examen sur la base de seuils ou de critères – Article 4, paragraphe 3 – Critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III – Article 11 – Accès à la justice) (JOUE C 252, 17 juill. 2023, p. 5)

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