Éditorial : Super Mario à Paris

On sait enfin précisément pourquoi il a fallu annuler deux des épreuves de nage en eau libre dans la Seine à Paris, en août dernier, qui constituaient des répétitions des Jeux olympiques de 2024. Pour la première, les 5 et 6 août, pas de surprise : un épisode pluvieux inhabituel et prolongé a entraîné des rejets d’eaux usées dans le fleuve, par débordement des égouts de la capitale. Le taux d’Escherichia coli a ainsi dépassé le seuil de 1 000 UFC/100 ml fixé par la Fédération internationale de natation, désormais appelée World Aquatics.

Dans le retour d’expérience qu’elles ont publié le 26 septembre, la préfecture et la ville ont estimé que ce problème serait définitivement résolu d’ici à l’an prochain, avec la mise en service du grand réservoir souterrain d’Austerlitz, en cours de construction. Son volume de 50 000 m3 est jugé suffisant pour faire face à un épisode pluvieux de même ampleur, qui ne s’était pas produit depuis 1965. Quatre autres ouvrages en cours de construction joueront le même rôle dans la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. On verra bien s’ils suffiront pour l’été prochain, au cas où le changement climatique nous réserverait d’autres surprises. Une crue, par exemple.

Pour la seconde annulation, le 19 août, la cause a également été confirmée, et elle était nettement plus complexe. Selon le communiqué, « l’incident était dû au dysfonctionnement d’une vanne de l’usine de relèvement des eaux Tolbiac-Massena, en amont du pont de Tolbiac. Cette vanne endommagée lors des orages était placée en position fermée. Le dispositif automatique de pompage pour évacuer les eaux a cependant déformé la vanne qui est devenue fuyarde. [Cela] a conduit à un rejet dans la Seine d’un mélange d’eaux pluviales et d’eaux usées. Dès l’identification de l’origine du rejet, la vanne a été colmatée pour faire cesser l’incident et rétablir la qualité de l’eau. »

Une telle panne est imprévisible, et la tenue des épreuves en eau libre nécessitera donc aussi de prévenir et de traiter sans délai toute nouvelle défaillance matérielle qui pourrait survenir sur la totalité des ouvrages susceptibles de rejeter directement des eaux sales, à Paris et dans les tronçons amont de la Seine et de la Marne. Les organisateurs et les autres organismes responsables de la qualité de l’eau dans ce secteur se sont donc accordés sur un plan préventif en trois axes, complémentaire du plan baignade qui se déroule sans anicroche depuis plusieurs années. Ni son coût ni les modalités de son financement n’ont été annoncés pour l’instant.

Le premier axe consistera à renforcer la surveillance des réseaux d’assainissement en amont du site des épreuves pour réduire les risques de pollution ponctuelle. Cela concernera en particulier les déversoirs d’orage, les exutoires des stations de traitement des eaux usées et les installations de pompage de secours. Le deuxième axe reposera sur une mobilisation de tous les acteurs présents sur le fleuve et à proximité immédiate, pour mettre sous surveillance toutes les autres sources potentielles de pollution, en particulier le raccordement à l’égout des bateaux-logements et les systèmes d’évacuation des établissements recevant du public le long de la Seine à Paris.

Le troisième axe sera le plus innovant et le plus délicat : un dispositif d’identification de tout rejet de pollution dans la Seine sera mis en place, et des équipes dédiées pourront ainsi détecter et localiser d’éventuelles sources de pollution ponctuelles. Elles devront être capables d’intervenir sur-le-champ pour colmater ces fuites. Cela implique la mise sur pied de ces équipes, leur entraînement durant les mois précédant les épreuves et leur dotation en matériel et en pièces de rechange pour faire face à toutes les situations. Même si les organisateurs et les autorités se veulent rassurants, c’est en réalité un défi considérable qui nécessitera un personnel conséquent, des super-plombiers capables de résoudre tous les problèmes, comme Mario, le héros des jeux vidéo.

René-Martin Simonnet

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