o L’État réduira encore ses aides à la construction des piscines publiques

La moitié de ces piscines ont été construites avant 1977, avec des aides importantes de l’État qui ont disparu depuis.

Dans dix régions de métropole, un certain nombre de piscines et de centres aquatiques ont été contrôlés par les chambres régionales des comptes (CRC) l’an dernier. Il en résulte une synthèse, qui constitue un chapitre – appelé insertion dans le jargon de la Cour des comptes – de son rapport public annuel 2018.

Moins de piscines dans les banlieues

Difficile de tirer des conclusions générales, tant la situation varie d’une ville à l’autre. L’insertion constate néanmoins que la France dispose de 4 135 piscines et de 6 412 bassins de pratique de la natation, qui totalisent une surface de 1,6 million de mètres carrés. C’est un assez bon niveau par rapport aux pays voisins. Ce score est cependant très variable : par exemple, la surface de bassins par habitant dans l’agglomération de Lourdes est le double de celle du Grand Paris. Les banlieues sont en général moins bien dotées, en particulier les quartiers prioritaires.

Plus de 80 % de ces équipements appartiennent à des communes ou à leurs groupements. La moitié d’entre eux ont été réalisés avant 1977, et plus de 20 % entre 1978 et 1995. Beaucoup doivent être rénovés ou reconstruits, pour respecter les normes actuelles d’hygiène et de sécurité. « Or le coût de la rénovation de ces équipements représente parfois un obstacle pour les communes et leurs groupements. Ainsi, la commune de Creil (Oise, 33 807 habitants) a procédé jusqu’en 2013 à la rénovation de sa piscine pour un coût total de 9,9 M€ HT. Ce coût a été supérieur de 60 % au coût de l’étude d’avant-projet. L’écart entre le coût prévisionnel après étude et le coût final s’est établi à 10 %. Il représente plus de deux années d’épargne brute et 300  par habitant. L’exploitation du nouvel équipement entraîne un déficit annuel de 750 000  et pénalise la situation financière de la commune. »

Les demandes du public ont évolué

De plus, les demandes du public ont évolué. « Or les collectivités territoriales gestionnaires n’ont que rarement adapté leur modèle de fonctionnement à ces nouvelles attentes. Les CRC ont ainsi relevé qu’aucune des collectivités contrôlées dans le cadre de l’enquête n’avait adopté de délibération pour concilier l’utilisation de leurs équipements par les différentes catégories d’usagers. Il importe, comme cela se pratique à l’étranger, que les collectivités territoriales définissent mieux, en lien avec les publics concernés, leurs priorités d’accueil. Cela s’impose d’autant plus que le développement des pratiques de loisirs a conduit à la création récente de centres aquatiques privés proposant de multiples activités. »

Les aides de l’État sont-elles encore légitimes ?

Si la moitié des équipements datent d’avant 1977, c’est parce que l’État avait alors lancé un plan national « 1 000 piscines », avec des aides importantes. Ce n’est plus le cas : « La place de l’État dans la programmation des piscines est désormais réduite, ce qui amène à s’interroger sur sa légitimité à intervenir pour l’avenir. Elle repose principalement sur le versement de subventions pour le financement des nouveaux équipements. Cet appui mineur est réalisé de façon dispersée par le biais de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), du fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) et du Centre national de développement du sport (CNDS). »

Ces aides ne pouvaient être cumulées. Elles sont en général nettement plus faibles que celles de la région et du département. La Cour des comptes en conclut que l’État doit « repenser, voire supprimer, son intervention dans ce domaine ».

À l’inverse, elle propose que les contributions régionales et départementales soient planifiées au sein des conférences territoriales de l’action publique, qui seraient chargées de valider des schémas régionaux de programmation, coordonnés entre tous les acteurs concernés. Le versement des subventions pourrait ensuite être conditionné au respect de ce schéma de programmation. Cela permettrait aussi de clarifier les versements de la région et du département aux communes ou aux groupements propriétaires de piscines, pour l’accueil des collégiens et des lycéens.

Au-delà de ces considérations générales, les CRC se sont penchées sur les comptes de ces équipements. Le résultat est sans appel : ils sont structurellement déficitaires. « Aucune piscine ni aucun centre aquatique public examiné dans le cadre de l’enquête ne présente un résultat d’exploitation équilibré ou excédentaire.

« Cette situation découle, d’une part, des coûts d’exploitation élevés, liés notamment aux consommations de fluides, aux frais de personnel et au fonctionnement continu de l’équipement, et, d’autre part, de recettes qui sont modérées par l’exercice de missions de service public, comme l’accueil des scolaires et des associations mais aussi par la nécessité d’instaurer une tarification attractive. » Le niveau de déficit moyen des piscines contrôlées est de 640 000  par an.

Les propriétaires sont en majorité les communes

Les deux tiers de ces équipements appartiennent aux communes, le tiers restant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cette situation évolue lentement en faveur de ces derniers, mais la zone de chalandise est déjà le plus souvent intercommunale.

« Cette fréquente dissociation entre le périmètre de la commune et le bassin de vie des usagers conduit des communes à exploiter des équipements qui sont majoritairement fréquentés par des utilisateurs extérieurs. Cette situation est encore plus marquée pour les communes rurales et périurbaines qui disposent parfois d’équipements isolés dont la [clientèle] est principalement composée de non-résidents. Les coûts de construction et d’exploitation sont pourtant directement pris en charge par les collectivités propriétaires.

« La gestion essentiellement communale des piscines et des centres aquatiques publics semble donc être un modèle qu’il sera difficile d’assumer à l’avenir. Elle entraîne la prise en charge par les contribuables municipaux des déficits d’exploitation d’équipements utilisés par des résidents extérieurs. Par exemple, le besoin de financement de la piscine de Remiremont (Vosges) représente en moyenne 200  par an pour chaque foyer de la commune contribuable de la taxe d’habitation, alors même que ces foyers ne représentent qu’un usager de la piscine sur cinq. »

Les CRC ont donc souvent recommandé le transfert des piscines communales aux EPCI. Cela permet aussi de mieux planifier la répartition des équipements au sein du territoire intercommunal, voire de spécialiser certains d’entre eux.

« Enfin, la gestion intercommunale permet de définir une politique tarifaire cohérente pour plusieurs équipements aquatiques. Elle favorise l’harmonisation des tarifs d’accès à une échelle proche du bassin de vie des usagers et peut limiter la mise en concurrence entre équipements voisins. »

La connaissance des coûts d’exploitation des 85 % de piscines gérées en régie directe est insuffisante : « Dans la présentation fonctionnelle des budgets primitifs et des comptes administratifs, l’ensemble des recettes et des dépenses de fonctionnement et d’investissement des piscines et des centres aquatiques est rarement retracé. »

Quant au contrôle des piscines gérées en délégation de service public (DSP), la Cour des comptes le juge « souvent superficiel. Il arrive souvent que les rapports annuels du délégataire ne soient pas communiqués à l’assemblée délibérante. […]

« Les collectivités délaissent fréquemment leurs obligations d’autorité délégante et elles remettent l’exercice entier de la compétence à l’entreprise privée délégataire. Ainsi la fiabilité des données financières mentionnées dans les comptes rendus annuels du délégataire [est] rarement vérifiée ou expertisée.

Subvention irrégulière aux délégataires exploitants

« Les clauses mêmes du contrat sont déséquilibrées. Toutes les conventions de DSP examinées par les CRC prévoient ainsi qu’une participation financière doit être versée par l’autorité délégante au délégataire. Or, en application de l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, cette participation financière doit être limitée, dans le cas des services publics industriels et commerciaux, au financement des seules contraintes de service public imposées à l’exploitant. Ce soutien financier doit également faire l’objet d’une délibération motivée de l’assemblée délibérante.

« Dans la majorité des cas, les communes et les intercommunalités n’ont identifié ni la nature, ni le coût de ces contraintes de service public. Leur participation financière s’apparente le plus souvent à une subvention d’équilibre irrégulière, rarement réexaminée sur la durée. »

Définir les missions de service public des piscines

Par conséquent, souligne la Cour des comptes, « la connaissance et l’analyse des coûts de fonctionnement des piscines et des centres aquatiques publics doivent donc être renforcées. Le déficit [structurel] de ces équipements représente un enjeu majeur pour les collectivités propriétaires. Une information exhaustive des assemblées délibérantes est indispensable pour mieux définir les missions de service public et la soutenabilité financière des projets examinés. Le poids des contraintes financières doit inciter les collectivités à améliorer la performance de la gestion de ces équipements. »

Les collectivités propriétaires ne possèdent pas en général les compétences techniques, juridiques et financières nécessaires pour construire et gérer ces équipements complexes. Cela se manifeste en particulier lors de la construction ou de la rénovation, dont les coûts réels sont en majorité très supérieurs aux coûts prévisionnels.

Par ailleurs, le Tribunal des conflits a décidé récemment qu’un centre aquatique exploité en régie était un service public administratif pour l’ensemble de ses activités, en raison des conditions de son organisation et de sa gestion, ainsi que de son rattachement au budget de la commune, et malgré la multiplicité des activités proposées. « Cette jurisprudence impose désormais à la direction générale des finances publiques d’harmoniser ses décisions quant au régime fiscal applicable à ces équipements multifonctionnels », notamment en matière d’assujettissement à la TVA. Cela ne concerne pas les piscines en DSP, qui sont des Spic.

Outre les subventions, la principale recette des équipements étudiés est le prix d’entrée. Pour un adulte sans réduction, il est passé en moyenne de 4,20  en 2011 à 4,24  en 2015. « Or peu de communes et d’intercommunalités ont défini une véritable stratégie tarifaire ou analysé les conséquences d’une plus grande amplitude des horaires d’ouverture des équipements. Si certaines collectivités procèdent à une différenciation du prix d’accès à l’équipement entre les usagers résidant sur leur territoire et les autres, celle-ci ne permet pas d’assurer l’équilibre économique des équipements. […]

« Ce défaut général de stratégie tarifaire des collectivités se mesure aussi dans les modalités de mise à disposition de ces équipements aquatiques. Les associations utilisent fréquemment les installations, avec l’accord des collectivités propriétaires, sans contrepartie financière. Le coût de cette mise à disposition gratuite, en termes notamment de charges d’exploitation et de pertes de recettes, est rarement valorisé dans une convention conclue entre la collectivité et l’association. »

Cinq recommandations

En conclusion, la Cour des comptes formule cinq recommandations, la première à l’État, les autres aux collectivités territoriales :

simplifier ou supprimer le soutien de l’État au financement de la construction de piscines et de centres aquatiques ;

évaluer de façon systématique la pertinence d’un transfert des piscines et centres aquatiques communaux aux EPCI à fiscalité propre ;

présenter aux assemblées délibérantes, à l’appui des projets validant la construction ou la rénovation d’une piscine ou d’un centre aquatique, la projection des dépenses de fonctionnement et d’investissement pour les années suivant la mise en service ;

développer le suivi analytique des dépenses d’exploitation des piscines afin de mesurer le coût du service rendu aux usagers ;

faire adopter par les assemblées délibérantes une stratégie globale précisant les missions et les objectifs assignés aux piscines publiques afin d’éviter la concurrence des usages entre les différentes catégories d’utilisateurs.

Cette insertion et ces recommandations ont suscité quinze réponses. Ainsi, les ministres de l’intérieur et de la cohésion des territoires signalent que, depuis 2016, les communes et les EPCI peuvent cumuler les crédits de la DETR avec l’aide apportée par le CNDS : « La pérennisation du soutien financier de l’État est donc souhaitable, d’autant plus qu’il garantit une équité du financement des équipements sportifs sur le territoire. À cet égard, une refonte des critères d’éligibilité à la part territoriale des subventions du CNDS est à l’étude, afin de favoriser les projets d’équipements portés par les communes et intercommunalités en milieu rural. »

À l’inverse, comme on pouvait s’en douter, leur collègue chargé de l’action publique et des comptes publics partage pleinement les recommandations de la Cour, notamment « celle visant à simplifier ou supprimer le soutien de l’État au financement de la construction de piscines et de centres aquatiques. Le maintien de dispositifs variés – qui s’ajoutent aux interventions des collectivités territoriales et de leurs groupements – doit en effet être interrogé (sic).

« C’est notamment le cas des subventions versées par le Centre national de développement du sport (CNDS) pour la construction d’équipements aquatiques. La baisse des crédits de la dotation allouée par le CNDS aux équipements locaux, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, devrait inciter l’établissement à renforcer la sélectivité des aides financières en faveur des piscines et des centres aquatiques. »

Équipements démonstrateurs

Et la ministre des sports confirme que les aides du CNDS seront réservées à partir de cette année aux « équipements démonstrateurs, c’est-à-dire innovants et reproductibles ».

Cela ne fait pas l’affaire de l’Association des maires de France, qui « ne peut accepter la suppression des subventions de l’Etat au travers de la part équipement du CNDS, le contexte exigeant au contraire la mobilisation de tous les financeurs. Si la subvention du CNDS n’est certes pas l’élément déclencheur de la décision d’équipement, son montant, même limité à 7 % en moyenne, n’est en rien négligeable à un moment où l’argent est rare. »

Cour des comptes, RPA 2018, tome I, p. 497.

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