Éditorial : Signé : l’impoli

Excusez-moi si je vous raconte une mésaventure grotesque qui m’est arrivée la semaine dernière, mais elle concerne le petit monde de l’eau. Une structure dont j’ignore tout avait annoncé l’an dernier le lancement d’un nouveau salon, prévu pour les prochains mois. Selon une coutume bien enracinée, j’ai contacté ces personnes pour proposer un échange de bons procédés, au profit d’une de mes publications, le trimestriel Spanc Info, qui parle exclusivement d’assainissement non collectif. La réponse a été négative, au motif que cette manifestation ne portait pour l’instant que sur le petit cycle de l’eau. J’en ai conclu que ces nouveaux venus voulaient se limiter à l’eau potable, et qu’ils utilisaient une expression pour une autre.

J’ai donc été fort surpris, en lisant ce mois-ci la première liste de leurs exposants, de trouver une douzaine d’entreprises et d’organismes qui travaillent dans le secteur de l’ANC et dont il est régulièrement question dans les pages de Spanc Info. J’ai recontacté les organisateurs, en prenant soin de leur fournir la liste de ces entreprises, pour bien leur montrer que l’assainissement non collectif ferait partie de leur champ d’activité. Réponse réitérée : notre salon ne porte que sur le petit cycle de l’eau. Là, il y avait au moins un problème de compréhension.

J’ai donc expliqué que cette expression recouvrait l’eau potable et l’assainissement, collectif et non collectif ; j’ai ajouté un renvoi vers la définition du petit cycle de l’eau, telle qu’elle figure dans le portail interministériel Eaufrance. On ne peut pas faire plus officiel. En réponse, on m’a enfin demandé d’envoyer une proposition de partenariat. J’ai proposé ce qui se fait couramment : l’organisateur met Spanc Info à la disposition des visiteurs et, en échange, j’offre une page gratuite dans cette même revue pour qu’il puisse publier un placard publicitaire annonçant sa ou ses manifestations. Tout le monde procède ainsi. J’y ai ajouté en prime la proposition de faire figurer ce salon dans l’agenda de Journ’eau, alors même que cette lettre n’y sera pas distribuée ; c’était donc un petit cadeau de ma part sans contrepartie.

Cela ne suffisait apparemment pas aux organisateurs, qui m’ont demandé de prendre trois engagements complémentaires. Les deux premiers étaient techniquement irréalisables. Le troisième, formulé de manière alambiquée, était la demande de publier dans Journ’eau des articles de complaisance au bénéfice de ce salon : le plus novice de mes lecteurs peut constater que ce n’est guère la politique de la maison. J’ai donc expliqué, pour les deux premiers, ce qui les rendait impossibles ; et j’ai simplement répondu, pour le troisième, que cela ne faisait pas partie de mes pratiques professionnelles. Si j’avais voulu être franc, j’aurais dit que c’était contraire à ma conscience personnelle et à ma déontologie professionnelle. Mais j’ai préféré éviter toute expression qui aurait pu sembler agressive.

Voilà-t-il pas que je reçois un message fort peu amène du créateur de ce salon, mon quatrième interlocuteur en deux semaines. Je le rappelle, et il me débite tout d’un trait : « Monsieur, j’ai lu les messages que vous avez envoyés à mes collaborateurs. Vous vous êtes montré d’une grande impolitesse à leur égard. J’ai donc décidé que nous ne conclurons pas de partenariat avec vous. Au revoir, Monsieur ! » Et pour m’apprendre la politesse, il m’a raccroché au nez sans écouter ma réponse. Ladite réponse se serait pourtant limitée à quatre mots : « Tant pis pour vous. » Je crois en effet que les nouveaux venus dans un domaine ont tout intérêt à s’appuyer sur les anciens, au lieu de se les aliéner.

Le motif invoqué pour refuser cet échange est tellement ridicule que je n’ai pas pu me retenir d’éclater de rire. J’avoue n’avoir jamais entendu une telle accusation, d’autant moins que je n’ai pas la réputation d’être un grossier butor. J’ai d’ailleurs relu nos échanges et je n’y ai trouvé aucune formulation inconvenante. Et après tout, c’est plutôt rafraîchissant d’être traité de garnement mal élevé par une personne qui a sans doute dix ans de moins que moi : cela me rajeunit. En fin de compte, je suis bien content de n’avoir plus rien à faire avec ces incompétents enflés de suffisance. Le monde de l’eau a toujours besoin de salons dynamiques et ouverts pour se retrouver, échanger et faire des affaires. Mais je doute fort que celui-là fasse de vieux os.

René-Martin Simonnet

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