Trois réponses au rapport de la Cour des comptes

La Première ministre confirme une réforme des Sage en vue de leur généralisation. De son côté, la Corse partage l’opinion de la Cour sur l’insuffisance des données sur les prélèvements, ce qui la conduit à créer un système d’information et de gestion de l’eau en Corse (Sigec). Quant à la Martinique, elle souligne que la gestion de l’eau dans son territoire s’est améliorée depuis trois ans.

Sept administrations ou organismes publics ont adressé une réponse à la Cour des comptes avant la publication de son rapport thématique sur la gestion quantitative de l’eau. Trois de ces réponses apportent des compléments intéressants, dont nous reprenons ici les éléments principaux :

• Première ministre :

« En matière de planification, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) sont encore insuffisamment déployés, alors qu’ils doivent fournir un cadre permettant la préservation à long terme de la ressource, des milieux aquatiques et des différents usages, moyennant des mesures fortes d’adaptation au changement climatique des secteurs concernés. Ces démarches doivent se généraliser, en commençant par les territoires identifiés dans les schémas directeurs (Sdage) 2022-2027 comme nécessitant des Sage prioritairement.

Chantier de modernisation de l’outil Sage

« Pour faciliter le déploiement de cet outil et répondre aux besoins exprimés des territoires, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a lancé un chantier de modernisation de l’outil Sage, afin de le rendre plus agile dans son pilotage, plus stratégique, plus intégrateur des dimensions quantitatives, mieux articulé avec la planification urbaine, plus prospectif, et d’en améliorer la portée.

« Tous les sous-bassins ont vocation [à se doter d’ici à 2027 d’au moins] une instance de dialogue (commission locale de l’eau, CLE) là où elle n’existe pas encore, et d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource, première étape préalable indispensable à toute généralisation des Sage à l’ensemble du territoire.

« Vous préconisez enfin de renforcer le contrôle des autorisations de prélèvement et de réformer la redevance prélèvement pour encourager les économies d’eau. Ces travaux sont à l’œuvre. La révision de la stratégie nationale des contrôles eau et nature doit permettre de mobiliser encore davantage les agents sur les enjeux prioritaires et pourra s’appuyer sur une meilleure articulation des leviers administratifs et judiciaires. »

• Président du comité de bassin de Corse :

L’Assemblée de Corse a approuvé à l’unanimité, le 28 avril 2023, la politique dans le domaine de l’eau de la collectivité de Corse. « Actant une rupture avec les doctrines antérieures fondées pour l’essentiel sur une politique des grands ouvrages, elle vise aujourd’hui prioritairement la mise en œuvre d’actions concrètes d’économies d’eau, la résorption du retard historique en infrastructures, l’instauration d’un contrat social et écologique autour de l’eau, ainsi que l’adaptation des modalités de gouvernance et le développement d’une démarche territorialisée.

« Ce choix prioritaire n’exclut pas de conduire des études visant à trancher définitivement la question de la faisabilité, de la soutenabilité, et de l’opportunité de réalisation d’une ou plusieurs grandes infrastructures. Cette mise en œuvre a vocation à privilégier la concertation au plus près des territoires.

« Cette nouvelle approche, pragmatique, opérationnelle et conforme aux orientations du Sdage, n’était pas encore actée politiquement au moment où le rapport de la Cour a été rédigé. Certaines des observations qu’il contient sont par [conséquent] obsolètes. […]

« La collectivité de Corse a souhaité intégrer dans les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), élaborés sous son autorité, l’ensemble des enjeux relatifs à l’eau. L’outil PTGE, doté d’une instance de gouvernance réunissant toutes les parties prenantes de la gestion de l’eau dans son comité de pilotage, doit permettre l’émergence d’une vision globale des enjeux et faciliter la construction de convergences fortes, voire de consensus des acteurs. […]

« La question des ouvrages pour mieux mobiliser la ressource lorsqu’elle est disponible doit clairement être soumise au débat et abordée de manière non dogmatique. La réalisation d’autres ouvrages pourra être étudiée, tenant compte des territoires prioritaires du Sdage et des PTGE, dans le cadre d’un dialogue local d’où émergeront les solutions opérationnelles adaptées, intégrant les besoins des usages et des milieux. […]

« Le manque de connaissances, conjugué au manque de fiabilité des bases de données existantes, sont des freins à la recherche de consensus sur l’utilisation de la ressource que nous avons identifiés. Il s’agit en effet de données essentielles pour orienter les politiques publiques mais aussi pour convaincre de la nécessité des actions à mettre en œuvre. À cet égard, comme notre Sdage 2022-2027 le prévoit, la mise en place d’un système d’information et de gestion de l’eau en Corse (Sigec) est en cours. La consolidation des connaissances dans le domaine de l’eau a débuté, notamment en ce qui concerne les prélèvements et les rejets. »

• Directrice de l’office de l’eau de la Martinique :

« Il est dit plusieurs fois que la ressource en eau [de la Martinique] subit des pressions importantes notamment du fait de la présence de chlordécone, mais aussi du fait de l’assainissement. Il est mentionné que l’état de la ressource s’est globalement dégradé sur la période d’étude 2016-2021. Il y a, à mon avis, une confusion entre la notion de ressource en eau et la notion de masses d’eau. La ressource en eau, aujourd’hui captée ou potentiellement captable par extension des forages, est le plus souvent bien protégée par les massifs forestiers et située en amont des activités humaines. Aussi, à l’exception de la rivière Capot, la ressource en eau est majoritairement exempte de pression d’assainissement ou de pesticides […]. En revanche, les masses d’eau dont le suivi au titre de la directive-cadre sur l’eau est effectué en aval des activités humaines montrent effectivement de multiples pressions, et en particulier l’assainissement.

« Il est indiqué plusieurs fois que le territoire subit de nombreuses ruptures d’approvisionnement en eau potable. Si tel a été le cas en 2020, la situation s’est grandement améliorée depuis. Malgré des épisodes de sécheresse soutenus entre 2021 et 2023, il y a eu peu, voire très peu d’interruptions de service, grâce notamment à un meilleur équipement du réseau et à la bonne coordination des acteurs au sein de la Misen sécheresse. […]

« Il est mentionné que l’ensemble des prélèvements est aujourd’hui comptabilisé au moyen de compteurs. C’est vrai, mais la donnée collectée reste parcellaire, car contrairement à la réglementation, les index mensuels ne sont pas systématiquement relevés. »

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