Accès aux informations en matière d’environnement

Deux précisions intéressantes sur les dérogations à l’obligation de communiquer ces informations.

Dans quelle mesure peut-on obtenir communication des comptes rendus des réunions d’un gouvernement, quand le sujet traité relève de l’environnement ? Et dans le cas présent, la convention d’Aarhus oblige-t-elle le Taoiseach, c’est-à-dire le premier ministre de l’Irlande, à communiquer à l’association Right to Know le détail de débats tenus dans le cadre du conseil des ministres au sujet des émissions de gaz à effet de serre ?

Saisie par la Haute Cour d’Irlande d’une demande de décision préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se reporte à la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, et plus précisément à ses articles 4 et 6.

Analyse de deux dérogations

L’article 4 détaille les dérogations possibles aux obligations fixées par cette directive. Le point e de son paragraphe 1 permet aux États membres de prévoir le rejet d’une demande d’information environnementale dans le cas où cette demande « concerne des communications internes ».

La CJUE en encadre ici la portée : cette dérogation « couvre les informations qui circulent au sein d’une autorité publique et qui, à la date de la demande d’accès à ces informations, n’ont pas quitté la sphère interne de cette autorité, le cas échéant après leur réception par ladite autorité et pour autant qu’elles n’aient pas été ou n’auraient pas dû être mises à la disposition du public avant cette réception ».

Une autre dérogation analysée ici est prévue par le point a du paragraphe 2 : les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte « à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, lorsque cette confidentialité est prévue en droit ». La CJUE précise que cette dérogation « ne couvre que les informations échangées dans le cadre des étapes finales des processus décisionnels des autorités publiques qui sont clairement désignées comme étant des délibérations par le droit national et pour lesquelles ce droit prévoit une obligation de confidentialité ». Elle ajoute aussi que cette seconde dérogation prévaut sur la première, ce qui exclut leur application cumulative.

La convention d’Aarhus s’oppose-t-elle à l’autorité de la chose jugée ?

La partie de la décision préjudicielle qui concerne l’article 6 de cette directive est moins intéressante, et elle porte surtout sur un point très spécifique du droit irlandais. Cet article traite de l’accès à la justice au profit de tout demandeur qui considère que sa demande d’information a été ignorée, rejetée ou insuffisamment prise en compte. À ce sujet, la réglementation irlandaise se fonde sur le principe de l’autorité de la chose jugée.

En Irlande, lorsqu’une personne obtient dans un premier jugement l’annulation d’une décision de rejet de sa demande d’accès à des informations environnementales, mais que ce jugement devenu définitif n’a pas indiqué que cette annulation n’était pas fondée sur une violation de l’article 4 parce que cet article avait été respecté, la personne requérante ne peut plus soulever ce grief dans le cadre d’un litige entre les mêmes parties portant sur la légalité d’une seconde décision de rejet de la même demande d’accès, adoptée afin de donner suite au premier jugement.

La CJUE valide ce raisonnement assez alambiqué et considère que l’article 6 ne s’oppose pas à cette réglementation. Mais elle rend un jugement de Salomon en ajoutant : « Toutefois, pour autant que les règles de procédure internes applicables l’y autorisent, une juridiction nationale doit permettre à cette personne de soulever ledit grief afin que soit restaurée, le cas échéant, la conformité de la situation en cause au principal à la réglementation de l’Union. »

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 23 novembre 2023 (demande de décision préjudicielle de la High Court (Irlande) — Irlande — Right to Know CLG / An Taoiseach (Affaire C-84/22, Right to Know) (Renvoi préjudiciel – Environnement – Convention d’Aarhus – Directive 2003/4/CE – Accès du public à l’information en matière d’environnement – Rejet d’une demande d’information – Comptes rendus des réunions d’un gouvernement – Débats relatifs aux émissions de gaz à effet de serre – Article 4, paragraphes 1 et 2 – Dérogations au droit d’accès aux informations – Notions de « communications internes » et de « délibérations des autorités publiques » – Recours juridictionnel – Annulation de la décision de refus – Dérogation applicable identifiée dans le jugement – Autorité de la chose jugée) (JOUE C, 15 janv. 2024, C/2024/605).

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